9 octobre 2009, 50 élus remettent à la sous-préfecture de Bayonne 25.049 fiches individuelles garnies et signées, soit 14% des électeurs inscrits en Iparralde. Exercice démocratique autrement plus méritoire qu’un simple clic sur Internet. C’est le résultat d’une campagne de Batera sur plusieurs mois où des centaines de militants ont sollicité les habitants de ce pays pour qu’ils demandent au Conseil général des Pyrénées-Atlantiques d’organiser une consultation publique sur la création d’un département Pays Basque doté d’un statut de l’euskara. Opération civique remarquable que cette quête de demandes écrites à la sortie des grandes surfaces commerciales, des stades, des spectacles, des entreprises, des résidences collectives ou des lotissements. Certains d’entre nous obtiendront des résultats exemplaires tels Gexan à Anglet.
La démarche sera rejetée par l’assemblée départementale au prétexte que la loi exige, non pas 10% des électeurs du Pays Basque mais 10% de l’ensemble du 64. L’élan militant n’est pas découragé pour autant car, six mois plus tard, à l’occasion d’élections générales, un scrutin parallèle, tenu devant les bureaux de vote avec de vrais urnes, des scrutateurs et des feuilles d’émargement, comptabilisera 34.610 votants dans 124 communes d’Iparralde. La cause basque a tenu là son premier « Grand débat », jetant ainsi les bases de la consultation réussie en 2016, de nos 158 conseils municipaux dont 75% décideront la création d’une communauté d’agglomération unique dont Batera a livré le 19 janvier dernier, lors de l’assemblée générale de Laborantza Ganbara, le premier bilan positif après deux ans d’existence.
Pour sortir de la révolte des “gilets jaunes”, le président Macron a lancé un “grand débat national” jusqu’au 15 mars. Visiblement les gens s’emparent de cette opportunité pour se faire entendre. Quelques grands thèmes structurent l’essentiel de cette agora, notamment l’organisation de l’Etat et des collectivités publiques et la transition écologique. Nul ne sait pour l’heure comment le pouvoir exécutif traduira les multiples facettes issues de ce grand débat. Nous savons ici, d’expérience, que les aspirations propres au Pays Basque, maintes fois exprimées par la société civile et les élus, organisées et portées auprès du gouvernement, sont jusqu’ici peu prises en compte.
Cela n’a pourtant pas éteint notre capacité à maintenir notre mobilisation individuelle et collective. Ce grand débat, pour une fois initié par le pouvoir, nous offre l’opportunité de remettre le couvert. Si la personnalité juridique du Pays Basque est enfin reconnue grâce à la création de l’Agglomération scellant l’unité de nos trois provinces historiques, cette étape ne répond cependant pas à l’Institution spécifique consacrée par le suffrage universel voulu par le Conseil des élus. Il nous faut donc entrer dans ce grand débat pour l’enrichir de notre spécificité, d’autant que la République, entre temps, en a fait apparaître deux autres en Corse et en Alsace. La règle du jeu permet à des initiatives venant de personnalités ou de structures de quelque nature, d’organiser chez nous divers grands débats dans des locaux municipaux mis à disposition. Voilà un domaine où Batera excelle. Voilà aussi la possibilité donnée, à titre personnel ou mandatés par leur structure au président de l’Agglo, Jean-René Etchegaray, à Caroline Phillips, présidente du Conseil de développement, à Txetx d’Alternatiba, de donner rendez-vous à ce pays qui n’a pas vocation à regarder les Français se remettre en question mais bien plutôt à reprendre ensemble la marche vers la prise en main de notre destin basque.
Nul doute qu’un responsable corse et de la “Communauté européenne d’Alsace” qui ont compétence en matière linguistique et transfrontalière, puissent être invités pour témoigner de ce qui est possible chez eux le soit ici, susciteraient un immense intérêt par ces temps d’aggiornamento public. Nous n’aurons pas cette fois-ci à jouer les éternels “pas comme les autres” puisque ce grand débat met à disposition des organisateurs des kits de données territoriales, sociales, économiques, démographiques, à l’échelle des 1264 intercommunalités de l’Etat français. Le Pays Basque est à construire. Le mouvement abertzale et plus largement la mouvance basque s’y sont attelés depuis plusieurs décennies, tant sur un plan politique, qu’économique et culturel. L’euskara, longtemps interdit et combattu, est aujourd’hui partie intégrante de nos scolarités. La société pour une large part, a décidé de se prendre en main. Une structure intercommunale unique parle légalement depuis peu au nom de cette communauté humaine. Il lui manque cependant la légitimité du suffrage universel, car elle n’est toujours pas une collectivité territoriale au même titre qu’un département ou qu’une région. L’institution spécifique est à même de répondre à cette juste reconnaissance. Un grand débat basque doit la remettre au centre de nos vies.