Au mois de mai prochain auront lieu les prochaines élections pour élire le Parlement écossais et l’Assemblée galloise, mais Londres a décidé d’organiser un référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne. Une bonne raison pour les Écossais, les Gallois et les Nord-Irlandais de filer à ”l’anglaise”.
En mai prochain, pour la cinquième fois depuis la “dévolution”, en 1999, les Écossais iront aux urnes pour élire leur nouveau Parlement.
Le Scottish National Party (SNP) qui accumule les succès électoraux (majorité relative en 2007: 47/129, majorité absolue en 2011: 69/129, 56 sièges sur 59 aux dernières élections législatives britanniques) et les victoires politiques (création d’un Parlement écossais en 1999, organisation d’un référendum sur l’indépendance contre l’avis de Londres, mobilisation et enthousiasme uniques autour de celui-ci) espère de nouveau convaincre les Écossais.
Vers un second référendum écossais!
Et tout semble montrer que ceux-ci n’ont pas fini de voter pour le SNP. Le dernier sondage donne près de 55% des voix aux nationalistes et 74 sièges sur 129 (soit 5 de plus qu’en 2011) dans un système électoral pourtant organisé pour qu’aucun parti ne puisse avoir la majorité absolue à lui tout seul.
Désormais, nul doute que l’indépendance, en Écosse, est à portée de bulletin, ce n’est qu’une question de temps et d’opportunité, car le seul véritable obstacle pour les indépendantistes, en Écosse, c’est “le syndrome québécois” : 1er référendum sur l’indépendance, en 1980, avec 40,5% de oui et le 2ème référendum, en 1995, perdu avec 49,5% de oui et depuis, le Québec n’a plus évolué.
Le SNP veut que le prochain référendum soit le bon. La possibilité de voir le Royaume-Uni sortir de l’Europe par la volonté des (seuls) Anglais est un motif plus que valable pour les Écossais et Tony Blair (premier ministre britannique travailliste de 1997-2007) ne s’est pas trompé. La sortie du Royaume-Uni de l’UE mènerait à la sortie de l’Écosse du Royaume-Uni!
Les derniers sondages indiquent
que les Anglais sont majoritairement favorables
au départ tandis que les autres nations
(Écosse, Pays de Galles et Irlande du nord)
souhaitent demeurer dans l’UE.
Les nationalistes au pouvoir à Cardiff?
Les Gallois n’en sont pas au ”même degré d’émancipation” que les Écossais mais, cette année, les choses pourraient bien changer à Cardiff. Les travaillistes, au pouvoir au Pays de Galles depuis la ”dévolution”, payent leurs années au pouvoir mais aussi leur soutien aux coupes budgétaires drastiques, notamment à la sécurité sociale, proposées par la majorité conservatrice, à Londres.
Or, le peuple gallois, tout comme le peuple écossais, est profondément épris de justice sociale et porte en lui des décennies, pour ne pas dire des siècles, de combats sociaux – Cardiff ayant été le port charbonnier de l’Empire britannique puis abandonné, une fois l’Empire démantelé et le charbon abandonné.
2016 pourrait être l’année du Plaid Cymru (PC), ”le parti du Pays de Galles”, qui a déjà gouverné en coalition de 2007 à 2011 et demandé, avec succès, l’organisation d’un référendum sur l’octroi d’un pouvoir législatif au parlement gallois et fait campagne en ce sens —encore avec succès— (puisque le oui l’avait emporté avec 63,5%, en 2011).
Il pourrait donc être en passe de revenir aux responsabilités, ce qui se traduirait inévitablement par un acte d’autodétermination et un détachement plus fort encore de l’Angleterre conservatrice.
De même, le référendum britannique sur la sortie de l’Union pourrait bien pousser les Gallois à prendre leur destin en main et voter pour le PC qui voit l’avenir du Pays de Galles dans une Union Européenne profondément réformée et démocratique.
Cameron pris à son propre piège
En 2009, David Cameron, alors patron des Tories (conservateurs britanniques) et candidat au poste de Prime Minister du Royaume-Uni avait promis l’organisation d’un référendum sur le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre de la même année, alors que les élections avaient lieu six mois plus tard !
Ce “sparadrap” lui colle à la peau depuis lors. Son aile eurosceptique qui a pris de l’ampleur, année après année, les médias europhobes qui ne traitent même plus de façon déontologique l’Union Européenne (critiquable à bien des égards, par ailleurs), la situation particulière du Royaume-Uni, dans l’Union européenne mais sans l’euro, dans Schengen mais sans la libre circulation des personnes, et les crises européennes successives ont fini par convaincre Cameron qu’il était, malgré lui, contraint d’organiser un référendum avant 2017 —il se tiendra le 23 juin 2016— sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’UE. La pression est si forte qu’il n’a même plus vraiment le choix de la question: “Le Royaume-Uni doit-il demeurer un membre de l’Union Européenne?” avec comme seules réponses possibles: “rester membre de l’UE” ou “quitter l’UE”.
A noter que les bulletins officiels seront traduits en… gallois, preuve, s’il le fallait, que d’un point de vue démocratique Londres est encore en avance sur Paris!
Officiellement, David Cameron souhaite que la Couronne britannique reste dans l’Union à quatre conditions qu’il a fait adopter à Bruxelles. Mais le temps joue contre lui, la pression au sein de son parti s’accroît et le fait que tout le Royaume puisse quitter l’Union juste parce que les Anglais auraient voté en ce sens —les derniers sondages indiquant que les Anglais sont majoritairement favorables au départ tandis que les autres nations (Écosse, Pays de Galles et Irlande du nord) souhaitent demeurer dans l’UE— risque, in fine, de donner des envies d’ailleurs aux Écossais et aux Gallois. Par la même occasion, les Irlandais du nord, un siècle après l’insurrection de Pâques 1916 qui déboucha sur l’indépendance d’une partie de l’Irlande, en 1919, pourraient bien retrouver leurs frères républicains du sud. Jamais le Royaume-Uni n’a aussi mal porté son nom et on pourrait bien entendre sonner le glas de sa Couronne dès cette année, si les Écosssais et les Gallois ont la bonne idée de filer à l’anglaise.
Roccu Garoby est président de l’Alliance Libre Européenne Jeune.
Article paru dans Arritti N° 2453