Eleketa, mémoires orales

Avec l’exposition itinérante audiovisuelle et interactive Eleketa, Baigorri présente jusqu’au 21 mai une partie d’un trésor culturel recueilli auprès des habitants du Sud de la Basse Navarre: ils ont été interrogés depuis 2007 sur leurs pratiques sociales, leurs savoirs et savoir-faire, leurs loisirs, leurs usages et leurs statuts.

Voulez-vous approcher et mieux comprendre quelque chose au Pays Basque d’hier et d’aujourd’hui ? Désirez-vous rencontrer nombre de ses témoins ? Euskal kultur erakundea s’est mis à l’écoute des habitants de ce pays. 425 d’entre eux ont été rencontrés dont une majorité de plus de 60 ans, 508 heures d’entretiens, une méthodologie et un traitement documentaire rigoureux, une démarche de valorisation, quinze années de travail de la part d’une équipe animée par Teresa Lekunberri, tout cela aboutit à un trésor. Le bilan est impressionnant. Il est complété par l’ensemble des émissions de télévision réalisées par Maite Barnetche de 1971 à 1986, pour Euskal Herria orai eta gero. Deux artistes d’aujourd’hui, Luis Olaizola et Carlos Alegria, prolongent la démarche en explorant le thème de la mémoire orale, ce qu’ils en retiennent et ce qu’ils écartent. Le fond d’archives constitué est accessible via la plateforme numérique Mintzoak gérée par EKE, il sert déjà de base de données pour d’autres expositions, telle que Soka, regards sur la danse basque en 2015.

Les thèmes que vous découvrirez dans Eleketa sont d’une très grande diversité : les groupes de danse Arrola et Garaztarrak, la situation des femmes, le rôle de la JAC et du MRJC (Euskaldun gazteria) dans l’évolution des mentalités en Pays Basque intérieur, le marquage des brebis et la vie des bergers, la chanson basque et le bertsularisme, des récits de vie et des légendes, etc., impossible d’énumérer tous les thèmes abordés. On rencontrera ici nombre de personnes déjà disparues, connues et inconnues, acteurs déterminants ou simples témoins. Cela donne évidemment un prix et une émotion supplémentaires à ce travail.

La transmission culturelle intergénérationnelle

Après Donibane Lohizun, Hazparne, Garazi, EKE restitue à chaque territoire une sélection des témoignages collectés. L’ensemble de la démarche qui s’étend aux trois provinces d’Iparralde, prend la forme d’un Ethnopôle, il a été mise en œuvre avec le soutien de l’Université publique de Navarre, de diverses fondations et noue un partenariat avec l’EHESS (Ecole des Hautes études en sciences sociales).

La transmission culturelle intergénérationnelle si compromise en Euskal Herri trouve dans Eleketa un soutien majeur. Pour la première fois, s’expriment des gens de peu à qui on donne très rarement la parole. En 1867, le géographe Elisée Reclus parlait des Basques comme d’un « peuple qui s’en va », en péril. Tout laissait supposer alors qu’il allait sombrer dans le néant, tel une vallée ariégeoise ou un quartier de la Haute Lande. Effectivement, Eleketa recueille les traces d’un peuple qui s’en va, mais aussi qui devient, résiste, fabrique du neuf et avance. Ce petit miracle encore fragile et qui a suscité tant d’efforts, est un des effets de l’émergence de l’abertzalisme au début des années 60. Cette étincelle joua un rôle déterminant dans les années qui suivirent, contre vents et marées.

Prenez le temps d’écouter et de regarder ces femmes et ces hommes, de boire leurs paroles. Revenez-y plusieurs fois, pour tenter d’en épuiser le contenu. Eleketa montre les pesanteurs initiales et les efforts, éclaire un parcours imprévu dans l’histoire d’un peuple. La plupart des témoignages présentés sont en euskara et sous titrés. Les élèves d’AEK et autres euskaldun berri plus ou moins avancés, trouveront ici l’occasion de se plonger dans un bain linguistique et un contexte culturel, offert par des locuteurs traditionnels dans un euskara dialectal qui a tendance lui aussi à s’effacer. Son charme tire Eleketa vers le territoire de l’intime, vers des liens qui touchent chacun plus profondément. Une raison de plus pour apprécier cette exposition.

Eleketa, Garazi-Baigorriko ahozko oroimenak, mémoires orales, mairie de Baigorri, ancienne salle du conseil municipal, ouverte jusqu’au 21 mai du lundi au vendredi de 9h à 12h et de 14h à 17h 30, le samedi, de 9h à 12h. Avec un peu de chance, peut-être cette présentation à Baigorri sera-t-elle prolongée…