Dans un récent rapport, il pointe d’importants déficits quant à l’usage de l’euskara dans les secteurs de la santé, de la justice et des relations du public avec l’administration. Le découpage de la Navarre en trois zones linguistiques constitue aussi un obstacle au développement de la langue basque.
L’ institution européenne a rendu public le 24 septembre un rapport qui pointe un certain nombre de faits négatifs concernant l’usage de l’euskara dans la Communauté autonome basque et la Communauté forale de Navarre. Ces éléments heurtent nombre de mesures définies par la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, alors que les quatre provinces ont pris dès le début des années 80 un grand nombre de mesures en faveur de la langue basque.
Ce rapport élaboré par des experts indépendants révèle la méconnaissance de l’euskara par les fonctionnaires de la Communauté autonome. Seulement 11 % d’entre eux parviennent à pratiquer aisément la langue. La majorité des services publics n’offrent pas aux citoyens la possibilité d’échanger en basque, notamment avec la police autonome et les services sociaux et de santé Osakidetza ; et dans le domaine de l’enseignement, en particulier technique et professionnel, l’offre est très insuffisante. De nombreux formulaires administratifs destinés au public demeurent exclusivement rédigés en espagnol.
Théorie et pratique
Même situation avec les institutions judiciaires où, si les droits fondamentaux des bascophones sont en théorie reconnus, ils sont bafoués dans la pratique. Le Conseil de l’Europe réclame que “les tribunaux de la Communauté autonome offrent aux citoyens la possibilité réelle d’échanger en euskara, dans le cadre des procédures pénales, civiles et administratives, et que les autorités prennent des mesures pour que cela entre dans la pratique”. Il demande aussi que le Bulletin officiel de l’État édite à nouveau une version en langue basque, pratique abandonnée en 2021.
Par cinq fois en 2023, les tribunaux ont pris des décisions à l’encontre de la langue basque. Le tribunal supérieur de justice (TSJ) a ordonné aux administrations locales de ne pas imposer la langue basque aux salariés contractuels des administrations publiques. Il a aussi annulé plusieurs articles du décret donnant la priorité à l’usage de l’euskara et établissant celui-ci comme “langue de service et de travail d’un usage normal et général” dans le fonctionnement des services publics de la CAB, ou celui favorisant son usage pour les activités et services municipaux. Le Conseil de l’Europe rappelle qu’un magistrat de Gasteiz a obligé l’Académie de l’Ertzaintza à intégrer en son sein des policiers municipaux qui n’avaient pas le niveau minimum requis en euskara.
Lingua Navarrorum
En Navarre, l’institution européenne considère que l’actuelle division de la Communauté forale en trois zones linguistiques —bascophone, mixte et non bascophone— “constitue un obstacle à la promotion de l’euskara” et en demande la disparition. Seulement 1 % des fonctionnaires travaillant dans la zone bascophone ont une connaissance réelle de la langue basque et un seul traducteur est à même de proposer ses services. On retrouve en Navarre les mêmes décisions judiciaires opposées à l’usage de l’euskara dans les collectivités locales et les mêmes déficits quant aux conditions d’accès aux postes de travail. Les éléments pointés par ces experts ne sont pas pour les abertzale une surprise, le seul élément nouveau étant qu’une instance européenne s’en empare et les synthétise. Mais nous sommes sans illusion sur ses effets. Elle aiguillonne toutefois les gouvernements locaux en remettant le sujet sur la table. A l’initiative d’élus et de partis politiques, un débat public est en cours pour tenter de contrer le pouvoir des juges espagnolistes.
“Ce rapport élaboré par des experts indépendants
révèle la méconnaissance de l’euskara
par les fonctionnaires de la Communauté autonome.”
Au regard des difficultés que rencontre l’euskara en Hegoalde, on mesure le chemin à parcourir en Iparralde dépourvu d’institutions ayant suffisamment de poids et de moyens financiers, ce qu’illustre le refus actuel du département et de l’Etat d’augmenter le budget alloué à l’Office public de la langue basque. Alors que 3000 non bascophones s’installent chaque année en Iparralde et que notre natalité demeure nettement déficitaire, comme une épée de Damoclès menaçant une langue en péril. Le travail titanesque de nos associations dans tous les domaines tels que l’enseignement immersif ou pour adultes, radios, crèches, journaux, télévision, édition, sport, spectacles, etc. et plus récemment de Plazara, demeure plus que jamais notre planche de salut.