Mercredi 27 avril 2022. Voici deux jours que quelques personnes suivent, sans relâche et avec impuissance, des bateaux en détresse qui ont donné l’alerte tout près des côtes de Tan Tan. Les bateau prennent l’eau sous leurs yeux. Les gens meurent sous leurs yeux. Sous leurs yeux, sous les yeux de personne d’autre. Six personnes, sur cinquante deux, meurent, ce jour, dont un bébé. Cela se passe aux frontières extérieures, comme on dit, et les frontières extérieures, c’est loin. Le Maroc laisse mourir les gens qu’on ne veut pas à l’intérieur (sauf pour les fraises, la maçonnerie, les soins, les livraisons, la plonge, peu importe qui pourvu qu’ils sentent bien à quel point ils sont remplaçables). La marine royale marocaine, en pleine nouvelle lune de miel avec l’Espagne, met un jour entier avant de sortir secourir les bateaux en détresse devant les côtes de Tan Tan. Une fois à l’eau, sa flotte ne les trouve pas.
Voici dix jours que quelques personnes alertent : un garçon est tombé le 17 avril dans la montagne basque, après avoir passé le fleuve, la Bidasoa. Il est parti ce jour-là, avec Untel et Untel. Il manque à l’appel. Des secours, côté français, côté espagnol, l’auraient-ils trouvé? Le 27 avril, en l’absence de nouvelles, les polices basques et espagnoles commencent les investigations. La montagne est arpentée, le fleuve fouillé. Celui-là même qui vient de rendre le corps d’Ibrahim Diallo, noyé le 12 mars. Nous sommes aux frontières intérieures, cette fois. Irun, Hendaye. C’est loin ? C’est si loin que personne ne semble réaliser que des morts en série ont lieu, ici aussi. (...)