Je voudrais prolonger ici la réflexion lancée ici même par Peio Etcheverry-Aintchart dans son article intitulé “Questionnements autour d’un Batera du logement“ (Enbata n°2377). Peio y exprime toutes ses réserves sur le concept de Batera du logement régulièrement évoqué dans les pages d’Enbata. Il défend, avec nuance et discernement, que la logique Batera qui a prévalu dans la bataille pour l’existence institutionnelle d’Iparralde n’est pas adaptée à celle pour le logement et le foncier. La recherche d’une reconnaissance institutionnelle du Pays Basque nord dépassait les clivages et cultures politiques, alors que les questions liées au logement relèvent beaucoup plus d’un clivage droite-gauche plus classique. Le risque serait grand qu’à vouloir rassembler trop large, on tombe dans des consensus mous nuisant à l’efficacité même de notre stratégie.
Je me permettrais ici d’émettre à mon tour quelques réserves sur le raisonnement tenu par Peio, dans le but d’enrichir le débat et la réflexion collective, croyant que la juxtaposition amicale de nos parts de vérité respectives nous aidera ensemble à y voir plus clair et à mieux servir l’intérêt général d’Euskal Herria.
Quelle politique d’alliances sur le logement ?
Sur un plan tactique tout d’abord : comment dans une Communauté d’agglomération Pays Basque majoritairement composée d’élus de droite et du centre, peut-on espérer arracher des victoires concrètes dans les quelques années qui viennent, pour répondre à l’urgence de la crise actuelle du logement et du foncier, si l’on ne tente pas de trouver des terrains d’entente avec une partie d’entre eux ?
Un tel positionnement ne risque-t-il pas de nous condamner précisément aux “seules déclarations d’intention” que Peio vise justement à éviter ? L’exemple qui étaye son raisonnement semble déjà le contredire. Il cite en effet les élus qui freinent des quatre fers la réforme du régime de changement d’usage sur les meublés de tourisme de type Airbnb. Mais qui trouve-t-on justement parmi eux ? Précisément les élus anti-Batera —pas que de droite d’ailleurs— dont certains se sont retrouvés en première ligne pour combattre la création de la Communauté d’agglomération Pays Basque ! Pendant ce temps, d’autres élus, y compris centristes, poussent pour prendre des mesures efficaces et immédiates dans ce dossier.
Pas une simple union tactique
Sur le fond ensuite : je pense personnellement que Batera n’a pas constitué une simple union tactique provisoire permettant de dépasser les clivages traditionnels pour arracher un début d’institutionnalisation du Pays Basque nord. Il s’est en fait agi d’une dynamique sociale qui a permis de transcender certains clivages et certaines approches traditionnelles. La bataille pour la reconnaissance institutionnelle d’Iparralde a rassemblé et mis en mouvement des gens qui ont su précisément placer l’intérêt général de ce territoire au dessus des clivages et jeux de rôles traditionnels droite française-gauche française.
Batera n’a pas constitué
une simple union tactique provisoire
pour arracher un début d’institutionnalisation
du Pays Basque nord,
mais une dynamique sociale
qui a permis de transcender
certains clivages
et certaines approches traditionnelles.
La pratique crée la conscience et cette pratique-là a placé certaines valeurs, concepts communs et notions collectives au dessus des positionnements politiques ou économiques classiques. Je crois que cet apport de Batera a tout son rôle à jouer dans la bataille pour le droit de vivre et se loger au pays.
Certains, de droite mais également de gauche, ne tiendront sur ces questions de logement et de foncier que des raisonnements d’homo economicus ou de techno efficacitus. D’autres estimeront qu’il y a un droit fondamental à ce que la population du Pays Basque puisse continuer à vivre et habiter chez elle, et seront prêts à se battre pour cela. Et du coup, malgré leur appartenance politique, ils seront justement prêts à encadrer et réguler le marché, à transformer plutôt que gérer. Nous avons en tout cas tout intérêt à les y encourager, plutôt qu’à déclarer forfait par avance en les condamnant à faire bloc avec les tenants les plus durs de la droite locale.
Moment de vérité
Le vote récent de la CAPB sur la voie nouvelle LGV vient apporter encore plus d’eau au moulin Batera. Une majorité écrasante s’est opposée à cette aberration voulue par le président PS de la Région Nouvelle-Aquitaine. Et qui retrouve-t-on localement dans la minorité qui l’a approuvé ? Principalement des anti-Batera tels que Claude Olive (LR), Manu Alzuri (Divers droite), Alain Duzert (PCF), Jean-Pierre Laflaquière (LREM), Florence Dupreuilh (PS), Patrick Etchegaray (divers droite). C’est tout sauf une coïncidence : leur logiciel politique fondamental est là pour prioriser les logiques du système, politique et économique, au détriment des intérêts du territoire et de sa population.
Eux dépassent sans fausse pudeur le clivage droite / gauche pour défendre —aux côtés de la CCI, du patronat, de Philippe Neys du Medef— ce projet LGV de déménagement des territoires, de développement obsolète, inégalitaire et insoutenable, de croissance à tout prix et de vitesse maximale. Ils le font dans un monde et à une époque où l’enjeu vital est justement de remettre au centre de nos valeurs et de nos sociétés le sens des limites, du partage et de la relocalisation. Ils le font en sachant que la construction de cette voie nouvelle LGV aura pour conséquence directe de rendre incontrôlable un marché foncier et immobilier qui déjà expulse une partie de la jeunesse et des classes populaires hors du Pays Basque. Parmi eux, les gens qui se revendiquent “de gauche” sont-ils vraiment des alliés plus fiables pour gagner la bataille du logement que certains militant.es de Batera ?
Aller vers un Batera 2 sur le logement , alors que le bilan du Batera 1 est assez médiocre . Je ne voit pas beaucoup a quoi cela va servir . Méme si le Batera 1 a mobiliser beaucoup d’élus de divers parti politiques et pas mal de citoyens . Pour moi Batera 1 est vraiment un abertzalisme très très diluer et bas de gamme , qui est aller jusqu’a supprimer les drapeaux Basques des manifestations pour surtout ne pas choquer les pouvoirs politiques de Pau et de Paris et les élus socialiste , centriste et écologiste du Pays Basques .
Ils nous faut aller vers un projet indépendantiste et non pas ouvrir des tables de discutions avec des élus de centre et de gauche qui de toute façon feront toujours le choix de la France et de la demi mesure .
Maintenant ils faut aller vers deux choix et deux visions . Indèpendantiste et non indépendantiste . Et la population du Pays Basque fera sont choix .
Antton: une telle approche ne peut que nous condamner à faire capoter tout ce que le mouvement abertzale a pu construire en Iparralde pendant des décennies malgré sa position minoritaire, en impulsant des alliances larges autour de consensus suffisamment rassembleurs pour rassembler au-delà des indépendantistes.
Avec ce que vous proposez là, on aurait tout l’inverse: l’un après l’autre tous les sujets deviendraient clivants et la prise de position serait de plus en plus déterminée par le fait d’être indépendantiste ou non. À terme cela réduirait les abertzale à une minorité qui certes serait indépendantiste sur le papier mais en pratique ne serait en mesure de remporter aucune victoire.
Non tu fait une erreur stratégique basée sur la peur de perdre de maigre acquis et sur le fait de ne pas faire confiance a la fierté du peuple Basque .
Pourquoi ?
Parce ce que le discours indépendantiste te fait passer a une échelle supérieur . Tu passe d’un statut de petit peuple soumis qui va demander quelque miette de pain devant une préfecture a celui d’un statut d’état a état . Il n’y a plus la domination .
Et puis il y a le PROJET , la VISION , le PROGRAMME d’un état souverain que tu diffuse dans la société Basque . Celui d’un parlement foral , d’un gouvernement qui récolte les impots et qui les redistribue ensuite , et qui investie dans l’industrie , dans l’énergie , l’agriculture . Un pays avec sa propre vision sociétale , écologique , culturelle et qui va séduire le plus grand nombre .
Mais peut-étre que je me trompe de stratégie ?
Discutons main dans la main entre parti politique , syndicat , service vétérinaire , préfet pour calculer combien de minute un canard peu gambader a l’air libre .
Oui le discours indépendantiste fait passer à une échelle supérieure… à condition qu’une majorité y adhère! C’est encore très loin d’être le cas, ne nous voilons pas la face. Ça n’a rien à voir avec une question de fierté, mais avec la réalité actuelle de notre territoire: mis à part dans le Goierri, l’indépendantisme est minoritaire.
Avant de pouvoir séduire le plus grand nombre avec une VISION, il s’agit que le plus grand nombre soit en mesure de se l’approprier et de l’éprouver comme souhaitable. C’est un énorme boulot: construire des alternatives concrètes qui pourront faire adhérer un nombre croissant de secteurs de la population à une dynamique souverainiste est un travail de fond et de long terme. Court-circuiter ce travail en faisant comme s’il était déjà abouti ou comme s’il n’était pas nécessaire nous ferait d’une part échouer en nous lançant sans en avoir les ressources, d’autre part saboterait la possibilité de le recommencer, car on partirait ensuite d’une situation clivée qui ce coup-ci nous empêcherait de rassembler.
Je comprend ton objectif , tu veut changer la sociologie éléctorale d’un peuple de centre , droite , de petit propriétaire terrien et en faire un peuple de gauche militant , anticapitaliste , écologiste , pour mener une révolution abertzale . Tu veut convaincre une personne aprés l’autre . Mais nous n’avons pas le temps pour ça ! Dans 50 ans nous aurons 100 000 français en plus qui viendront s’installer en pays basque . Et un certains nombre d’entre eux viendront ici a la recherche d’une certaine France millénaire et authentique et ne seront pas du tout séduit ni par les eusko , ni par les ikastola , ni par la pelote ou la txalaparta , ni par Bizi ou Alda et surtout pas par EHBai ou EAJ . Maintenant il nous faut passer a un choc indépendantiste . Nous avons le socle électorale , nous avons l’argent , nous avons les militants et surtout la confiance des gens . Le peuple basque a prit gout a sa cage mais il est temps qu’il redécouvre la liberté .
Tu interprètes mon propos à contresens: je dis que la stratégie passe par des alliances autour de consensus suffisamment larges pour fédérer au-delà des seuls indépendantistes, justement car c’est beaucoup plus faisable d’aller dans ce sens que d’essayer de transformer en militants une population majoritairement de centre droit et aux références françaises pour ce qui est politique. Par exemple les “petits propriétaires terriens” auxquels tu fais référence votaient Inchauspé dans le temps et ont voté Modem dans les années 2010. Leur référentiel culturel peut bien être euskaldun, politiquement ils sont complètement français (si ce n’était pas le cas ils se seraient tournés vers EAJ en nombre), si tu leur proposes de but en blanc un logiciel indépendantiste le choc tu vas l’avoir, mais pas dans le sens que tu rêves.
Le socle électoral n’est pas là, il est à construire.
On ne vas pas réussir a se mettre d’accord . La base du socle électorale est bien la , ce qui te permet de conquérir des mairie . Mais bref ! En ce qui concerne le consensus il est bien la aujourd’hui . Par exemple la langue basque . Tous les parti politique du pays basque sont favorable a l’enseignement du basque . Et je t’annonce un scoop , Loic Corrégé ( responsable LREM ) sera a Herri Urrats et il portera une jolie chemise blanche . Donc ou est le blocage ???
Le blocage est a Paris , Bordeaux et Pau et seul une rupture , une sécession , un séparatisme fera sauter se verrou . Et cela dans tous les domaines , logement , prisonnier , agriculture , ect… Ensuite tu fait l’erreur de croire que les électeurs de Inchauspé , Bru , Pagarde ou Mirande sont tous des électeurs politiquement français ! C’est faux la plupart vote pour la personne méme et pour l’échiquier politique ( centriste , droite , catholique , sociaux-démocrate ) qu’il représente . Dans un référendum les gens votent oui ou non , et souvent le vote est basée sur l’ethnie , l économie , le social , et le fiscal et non pas sur une personne politique . Pour EAJ , leur score sont aussi misérable en Navarre que en Iparralde . Parce que EAJ est une mutation du Carlisme . Et cette mutation a été stoppé dans les année 1930 en Navarre , par l’arrivé de phalangiste qui on infiltré le carlisme . Et la dictature franquiste a éliminé EAJ de la Navarre . Mais bizarrement la mutation du carlisme a repris dans les année 1960 et est allée en partie vers l’ETA et Herri Batasuna et cela fait que EAJ est ultra minoritaire en Navarre .
Merci Txetx pour cette réponse, mais je ne pense pas que tu aies bien compris le sens de mes réserves. Je ne remets pas en question Batera, son histoire, son apport, que j’ai moi-même soutenus. Je dis juste que même les meilleures recettes ne sont pas reproductibles à tous les coups.
Et en cela il m’importe peu de savoir si la logique que tu proposes se nomme Batera, Elkarri, Den-denak ou Elgarrekin, ce qui m’inquiète est le pari potentiellement périlleux d’associer autour de logiques interventionnistes (pour le dire vite « de gauche ») des gens qui ont toujours été au contraire attachés à la logique de marché libre (pour le dire aussi vite « de droite »).
Des exceptions sur tel ou tel dossier, on en trouvera toujours, et ce quel que soit leur adhésion ou opposition à Batera. Je pourrais ne citer que les maires de Saint-Jean-de-Luz Duhart et Irigoyen, partisans de Batera mais qu’il a fallu bouger au Manitou sur la question de la résidence secondaire ou d’AirBNB. Ce ne sont pas les seuls, loin s’en faut, et toutes couleurs politiques confondues…
Mais peu importe. Si de tout cela sortent de réelles avancées je serai le premier à les applaudir. Encore faut-il que les objectifs à atteindre soient à la hauteur des enjeux et réellement partagés par tout ce beau monde.