Presos, 11 janvier, nouvelle phase

Manifestaldia20200111Serions nous devant un blocage de l’apaisement définitif du conflit basque dans l’institution judiciaire, considérant le sort de Lorentxa Beyrie et Xistor Haramboure. Il faut sortir de la logique versaillaise faite d’humiliation et de désespérance poussant au désir de revanche.

Les décisions judiciaires concernant Txistor et Lorentxa Beyrie sont non seulement humainement et socialement inacceptables, inutilement sources de souffrances et de désespérance pour le camp basque, mais elles sont politiquement lâches et dangereuses.

Logiques guerrières

La demande de libération conditionnelle de Lorentxa Beyrie, condamnée à une peine déjà très lourde de 20 ans de prison (pas de crime de sang, association de malfaiteurs et participation logistique) a été acceptée par les juges. Normal, elle a déjà purgé 18 ans de prison et son dossier remplit toutes les conditions, tout comme son parcours en détention. Pourquoi donc le parquet a-t-il fait appel, obligeant ainsi Lorentxa à faire sa peine entière, jusqu’au dernier jour ? Comment comprendre ce traitement politique du dossier, politique puisque dans les mêmes conditions n’importe quel droit commun serait dehors, comment entendre cet acharnement belliqueux ?

Xistor Haramboure, quant à lui, aura purgé 30 ans de prison le mois d’avril prochain. Il a été condamné à la perpétuité pour sa participation aux attentats meurtriers du commando Argala. A l’époque les juges l’ont condamné à une peine de sûreté de 18 ans, ce qui signifiait qu’il devrait être incarcéré pendant au moins cette période là, puis qu’il pourrait aspirer à des libertés provisoires, semi-probatoires ou conditionnelles. Sa cinquième demande a enfin été acceptée par les juges, dans le nouveau contexte créé par le désarmement et la dissolution d’ETA. Cette décision de libération conditionnelle assortie d’une surveillance électronique, était tout à fait logique au vu de son excellent dossier, accumulant les garanties et raisons d’une libération, et la décision judiciaire était particulièrement argumentée. Pourtant là également le parquet anti-terroriste fait appel et permet de casser la décision de libération conditionnelle.

Condamnés à mourir en prison

Quelle lecture peut-on faire de cette attitude du parquet ? Il n’applique pas le droit de manière individuelle et circonstanciée mais de manière politique et globale, et suivant une logique guerrière. Les personnes condamnées dans des dossiers ETA devront purger leur peine jusqu’au dernier jour, contrairement aux droits communs. Dans le cas des trois militants basques de Bayonne et Saint-Jean-de-Luz condamnés à perpétuité pour leur implication dans le commando Argala d’ETA, cela revient tout bonnement à les condamner à mourir en prison. Appelons un chat un chat et analysons les conséquences d’un tel message envoyé un an après la dissolution de l’organisation armée ETA. L’attitude du parquet anti-terroriste français dans le dossier basque est un coup porté à toutes les logiques et processus de résolution de conflit à travers le monde. Croit-on que prôner l’accomplissement des condamnations jusqu’au dernier jour, leur exécution encore plus sévère que dans le droit commun, facilitera d’autres résolutions de conflits violents, encouragera d’autres camps armés à s’engager dans le type de chemin qu’a parcouru l’organisation ETA ? Imagine-t-on que cela facilite ici les dynamiques de vivre ensemble, de réconciliation ? Pense-t-on que c’est comme cela que l’on construit les bases d’une paix globale et durable ? Non, nous avons là une logique type Traité de Versailles, qui cultive le ressentiment dans le camp qui la subit, l’humiliation et la désespérance, qui alimente un sentiment de rage impuissante, qui ravive les tentations du passé au sein de la jeunesse actuelle et à venir, qui sème les germes d’un désir de revanche. Nous savons bien ce qu’a donné le Traité de Versailles.

Nouvelle phase dans la même stratégie

Le changement de contexte et la stratégie des partisans du processus de paix jusqu’à aujourd’hui en Iparralde ont permis de faire avancer les choses dans le bon sens. Cela a mis fin au régime d’exception pour la plupart des prisonniers incarcérés en France (rapprochement et regroupement, suppression des statuts de DPS) et ouvert la voie à des décisions judiciaires favorables à l’apaisement. Cela nous a fait passer d’une phase où nous travaillions à arracher le rapprochement des prisonniers basques à un moment judiciaire et politique où est désormais posée la question de leur libération. Mais nous nous trouvons aujourd’hui devant un blocage de taille, un blocage vraiment dangereux pour le processus de paix.

Il s’agit d’un blocage politique car le parquet est placé sous la hiérarchie du ministère de la justice et si ce dernier ne peut adresser d’instruction dans des affaires individuelles aux magistrats du parquet, il peut en revanche adresser au ministère public des instructions générales de politique pénale. Le ministère de la justice pourrait et devrait adresser au parquet une circulaire actant que le contexte politique a fondamentalement changé avec le désarmement puis la dissolution de l’organisation ETA, et que les réquisitions du ministère public doivent tenir compte de ce changement de contexte. Or, il ne le fait pas. Il y a urgence à faire sauter ce verrou avant qu’un drame en prison ne vienne tendre dangereusement la situation.

Nous devons répondre comme il se doit à cette nouvelle situation, tout en gardant ce qui constitue l’un des premiers éléments du rapport de force d’Iparralde face à Paris dans ce dossier, à savoir le rassemblement pluriel des grandes sensibilités politiques, syndicales et associatives.

La manifestation du samedi 11 janvier à Bayonne sera le point de départ de la nouvelle phase. Le makila, que les participant.e.s à cette mobilisation sont invité.e.s à amener pour l’occasion sera le symbole de notre colère.

La manifestation du samedi 11 janvier à Bayonne
sera le point de départ de la nouvelle phase.
Le makila, que les participant.e.s à cette mobilisation sont invité.e.s à amener pour l’occasion,
sera le symbole de notre colère.

Mais il signifiera aussi que cette manifestation ne consistera pas à faire un petit tour pour les presos puis rentrer à la maison, et au contraire qu’elle sera le point de lancement d’une nouvelle dynamique en Iparralde et dans le reste de l’Hexagone.

Elle sera le départ d’une marche déterminée vers la libération de tous les prisonniers politiques basques, permettant ainsi de fermer définitivement une certaine page de notre Histoire commune.

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2 thoughts on “Presos, 11 janvier, nouvelle phase

  1. Faiseurs de paix un makila, bâton de marche et demi-lance à la main ne me semble pas être une très bonne idée.

  2. Je serai à la manif de samedi (sans makila) pour que les prisonniers basques bénéficient des mêmes droits que les autres prisonniers. Quand on pense que les commandos de l’OAS ont été amnistiés 6 ans après la fin de la guerre d’Algérie!
    Ce que je déplore par aujourd’hui c’est le manque d’autocritique de la part de beaucoup d’abertzale par rapport aux choix d’ETA, notamment les militants d’HB, de Segi etab : par rapport au choix de la violence mais aussi à la rupture des deux trèves. Ce jusquauboutisme a certainement contribué à prolonger le conflit. Ceci dit, il n’y a aucun doute que l’état espagnol a aussi une grande part de responsabilités dans cette prolongation.
    A.G.

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