Ils avaient déjà publié un ouvrage écrit à quatre mains Euskal Herria, les 40 lieux qui font l’histoire. Historia kondatzen duten 40 tokiak (Elkar), Peio Etcheverry et Peio Etcheverry-Ainchart récidivent avec un nouveau livre, Pourquoi nous sommes abertzale, 55 clés pour comprendre le mouvement abertzale. Les deux historiens répondent aux questions d’Enbata.
Ce livre ressemble un peu à “l’abertzalisme pour les nuls”. L’esprit est bien celui-là ?
Peio Etcheverry : C’est Alexandre Hurel, de la maison d’édition Arteaz de Ciboure, qui est à l’origine du projet. Il nous a proposé de rédiger un ouvrage présentant le mouvement abertzale dans son ensemble. Le défi était de publier un livre de vulgarisation, qui s’adresse en particulier à ceux qui ne connaissent pas le mouvement abertzale, ou qui n’ont pas les moyens de le connaître. Bien souvent, l’abertzalisme est réduit à quelques évènements d’actualité, qui ne permettent pas de comprendre la totalité du mouvement ou ses revendications. Parfois même, et la couverture médiatique de la journée du 8 avril en a encore donné la preuve, il est consternant de voir que certains journalistes peuvent encore donner une vision très biaisée du mouvement. Il est évident qu’un pavé de 300 pages n’aurait pas accroché les lecteurs, c’est donc tout naturellement que nous avons songé à un petit format d’une centaine de pages, organisé en quatre grands chapitres. Nous avons essayé de rendre la lecture la plus légère possible en insérant quelques illustrations et graphiques, en organisant le texte en 55 items ou entrées de longueur égale. L’ouvrage, sans être un dictionnaire, peut cependant se lire par petit morceaux, sans obligatoirement en suivre la chronologie même si les quatre grandes parties ont une suite logique. La maquette est donc aussi étudiée pour rendre la lecture assez fluide, avec par exemple des phrases en exergue qui amènent des respirations. Pour résumer, il n’y a donc aucune raison de ne pas le lire !
Faut-il le considérer comme une sorte de livre-programme abertzale ?
Peio Etcheverry-Ainchart : Oui et non. La première proposition de l’éditeur était précisément un livre-programme, un peu comme le font les partis hexagonaux ou certains candidats aux élections. Mais nous avons refusé car à nos yeux, en ce qui concerne le mouvement abertzale en tout cas, la légitimité de la rédaction d’un livre-programme relève d’EH Bai. Pour notre part, nous n’avons pas la prétention de parler au nom des abertzale, nous sommes juste deux abertzale qui cherchons à expliquer ce que nous sommes et quel est notre projet dans toute une variété de domaines, pensant tout de même ne pas être très éloignés du message que porte EH Bai… D’ailleurs, nous avons pris soin de soumettre notre texte à l’avis de quelques lecteurs-test de tendances différentes de l’abertzalisme, mais également à des lecteurs non militants. Pour finir sur ce point, rappelons que nous nous sommes exprimés en tant que militants de gauche abertzale mais qu’il existe en Iparralde aussi une branche du PNV, dont nous ne prétendons évidemment pas être le reflet.
La forme est celle d’un dictionnaire mais il est chapitré. Quelle est cette progression?
Peio Etcheverry : Les deux premières parties essaient de présenter les origines, parfois lointaines, du mouvement. Nous commençons par poser des questions dont les réponses sont évidentes pour les abertzale mais que certaines personnes se posent encore. Peut-on parler de peuple basque ? De nation basque ? Notre réponse est sans aucun doute affirmative, mais notre but était d’argumenter, d’apporter des éléments tangibles, afin de convaincre les plus indécis ou même les plus rétifs. Après un bref historique qui permet de poser le cadre, nous montrons que toutes les nations sont des constructions historiques. A partir de là, il faut se poser la question d’une définition de la nation mais également dans le contexte d’un processus d’autodétermination, s’interroger sur le territoire de cette nation. Ce sont des questions complexes mais auxquelles les abertzale doivent trouver des réponses pour convaincre la population. Nous assumons également une conception ouverte de la nation et du territoire, à l’opposé des discours qui se font de plus en plus entendre en Europe. La deuxième partie est consacrée à une vision du conflit basque, celle des abertzale de gauche. Une présentation succincte du conflit politique qui naît au XXe siècle nous permet ensuite d’aborder des problématiques ou des concepts tels que le nationalisme, l’autodétermination ou l’indépendance, avant de conclure sur les éléments qui entrent en jeu dans le processus de paix actuel.
Peio Etcheverry-Ainchart : Il y a enfin deux autres parties davantage liées à un projet politique. Tout d’abord une partie où nous essayons de présenter le mouvement abertzale dans son écosystème : à quoi ressemblent notre culture politique, nos pratiques militantes, notre éthique, nos positionnements vis-à-vis des autres forces politiques, etc. Et enfin la quatrième partie entre dans le vif du sujet programmatique, balayant d’abord les principes de base qui servent de fil rouge à l’ensemble, et sélectionnant ensuite dix thèmes de société dans lesquels ces principes se déclinent : logement, mobilités, agriculture, petite enfance, enseignement, culture… Histoire d’abord de montrer que nous nous soucions certes d’euskara et d’autodétermination, mais que nous avons aussi des solutions concernant l’ensemble de la vie quotidienne. Histoire surtout, de montrer que si nous invitons tout le monde à devenir abertzale et même si nous ne parvenons pas forcément à convaincre tout le monde, notre projet s’adresse bel et bien à l’ensemble de la population de ce pays.
Peio Etcheverry (1973) vit à Bonloc. Diplômé en histoire des universités de l’UPPA et de Bordeaux III, professeur certifié, il enseigne actuellement l’histoire-géographie à Bayonne. Membre du mouvement Euskal Herria Bai, il est conseiller municipal de Bonloc. Peio
Etcheverry-Ainchart (1973) vit à Saint-Jean-de- Luz. Diplômé en études basques et en histoire des universités de l’UPPA et de Bordeaux III, il est actuellement éditeur à Bayonne. Membre du mouvement Euskal Herria Bai, il est conseiller municipal de Saint-Jean-de-Luz.