Les socialistes au gouvernement autonome basque

PNVSocialistesSur la base d’un contrat, la participation des socialistes donne au lehendakari PNV Urkullu une majorité et limite la capacité d’action de l’opposition. Il repousse aux calendes grecques l’hypothèse d’une coalition souverainiste.

Participation aux affaires ou soutien ponctuel au fil des scrutins ? Telle était la question qui se posait au PSOE depuis les élections du 25 septembre. Finalement, le PNV a signé le 20 novembre avec les socialistes un programme de gestion pour les quatre prochaines années.

Il fait entrer au gouvernement autonome qui passe de 8 à 11 membres, trois conseillers (ministres) socialistes en charge de trois portefeuilles : logement, aménagement du territoire et environnement ; travail et justice ; tourisme, commerce et consommation.

A noter que la construction du TGV ne fait plus partie de l’aménagement du territoire, le PNV voulant garder la haute main sur ce projet qui se heurte à de fortes résistances.

Le logement revient aux socialistes qui avaient arraché au PNV une loi sur le logement lors de la précédente législature.

Fort de ses 28 députés sur 75, le PNV était loin de la majorité absolue. Il aurait pu toutefois gouverner seul, comme durant la législature précédente où il disposait d’un député de moins, en négociant au cas par cas chaque projet de loi avec les socialistes.

Mais la configuration de la chambre est très différente aujourd’hui. L’arrivée en force de Podemos ouvre la possibilité d’une coalition ponctuelle entre les forces de gauche : PSOE, EH Bildu et Podemos à hauteur de 38 députés (majorité absolue), susceptible de bloquer les projets de loi gouvernementaux ou le budget(1).

Stabilité et vote du budget

C’est pour limiter cette capacité de nuisance que le PNV a opté pour la formule actuelle de participation socialiste qui lui permet, à une voix près, de tutoyer la majorité absolue. Stabilité et assurance que le budget 2017 sera voté avant la fin de l’année sont pour lui essentiels.

Un accord entre PSOE et PNV fonctionne déjà avec succès dans les trois députations et dans les capitales de chaque province. L’allié socialiste est aujourd’hui largement en perte de vitesse et a perdu une part de son influence, tant au niveau étatique que local.

Un accord entre PSOE et PNV
fonctionne déjà avec succès
dans les trois députations
et dans les capitales de chaque province.
L’allié socialiste est aujourd’hui
largement en perte de vitesse
et a perdu une part de son influence,
tant au niveau étatique que local.

Il n’était donc pas en mesure d’exiger grand-chose ou d’imposer ses conditions.

D’où tout l’intérêt pour le PNV d’une alliance de ce type avec un partenaire affaibli qu’il connaît par coeur depuis plus d’un siècle de vie politique(2).

La participation à un gouvernement local apporte un peu de baume au coeur d’un PSOE qui traverse une des crises les plus graves de son histoire.

L’arrivée de Podemos dans le paysage politique espagnol lui a fait perdre une bonne partie de son électorat. Il ne parvient pas à proposer une alternative de gauche à l’Espagne. Son soutien relatif au PP Rajoy fait ruer dans les brancards de nombreux élus et beaucoup d’adhérents.

L’entrée du PSOE dans un petit gouvernement autonome apparaît dès lors comme une embellie pour un parti en perte de vitesse et dévasté par les conflits internes. Il lui permet de récupérer un peu d’initiative politique.

Exit un scénario à la catalane

L’accord PNV-PSOE tire un trait sur le projet caressé par les indépendantistes basques. L’alliance entre un parti autonomiste de droite et une formation espagnoliste de gauche bloque l’hypothèse d’un front de gauche rassemblant EH Bildu, Podemos et PSOE. Il annihile un scénario souverainiste réunissant les forces autonomistes et indépendantistes comme on peut le voir en Catalogne, avec un projet de déconnexion à la clef.

Sur la question nationale, les choix stratégiques entre les deux gouvernements sont totalement divergents.

Le contenu de l’accord programmatique signé entre les deux partis n’a apparemment pas posé trop de problèmes. Ils se sont assez facilement mis d’accord sur les mesures à pendre en matière d’emploi, avec l’objectif de faire baisser le chômage en dessous de la barre des 10%. L’harmonisation des politiques fiscales propres à chaque députation, sera également en chantier pour parvenir à ce que le parlement autonome ait la haute main là-dessus.

Le dossier de la paix et de la coexistence poursuivra son chemin. 4

La dissolution d’ETA, son désarmement, une politique pénitentiaire plus souple et la reconnaissance par la gauche abertzale de sa complicité avec le “terrorisme”, sont demandés.

Les deux formations se sont engagées à réformer le statut d’autonomie dans un délai de huit mois et d’organiser dans le cadre de la légalité un référendum pour l’approuver.

Le texte de l’accord reconnaît Euskadi en tant que nation et son droit à décider, mais en le négociant avec l’Etat central, dans le respect du cadre juridique en vigueur(3).

Les compétences exclusives du pouvoir autonome basque doivent être clairement définies, l’auto-gouvernement basque devra être développé tout en tenant compte de la coexistence et de la solidarité avec le reste de l’Etat espagnol. Il s’agit pour le PNV et le PSOE de lancer également une réforme de la Constitution espagnole qui garantisse l’auto-gouvernement que réclame la société basque et le protège face aux tentatives incessantes de Madrid pour re-centraliser le pays et ignorer sa pluralité par le bais de recours et de lois organiques.

Lorsque l’on connaît l’état de délabrement actuel du PSOE et ses chances de gouverner l’Espagne dans un avenir prévisible, de tels engagements de la part de sa section régionale basque ne coûtent pas cher.

Pour comprendre les possibilités d’alliance,
voici la composition du parlement autonome basque actuel :
il comprend 75 députés, la majorité absolue est donc à 38.
Le PNV totalise 28 élus,
soit un de plus qu’il y a un an.
EH Bildu : 18 (perte de 3).
Podemos : 11, tous nouveaux.
PSOE : 9 (-7) et PP : 9 (-1).

Négociations PNV, EH Bildu et Podemos

L’accord entre PNV et PSOE qui aboutit à l’élection d’Inigo Urkullu le 24 novembre et à la constitution d’un nouveau gouvernement a été précédé de deux mois de négociations bi-latérales entre quatre partenaires pour explorer des formules de coalitions intégrant EH Bildu et Podemos.

Ces deux derniers partis ont tenté de trouver un terrain d’entente, mais leur alliance totalisant 29 députés n’était viable qu’avec le soutien au moins ponctuel ou la bienveillance des socialistes. Une formule très difficile à mettre en oeuvre du fait de ses aléas et donc un gouvernement peu crédible, soumis à des négociations permanentes avec sa majorité et… présidé par les indépendantistes du fait du nombre de leurs députés.

Inacceptable pour Podemos et pour le PSOE. On ne voit vraiment pas quel intérêt auraient ces deux partis de gauche à faire élire un lehendakari souverainiste. D’autant qu’ils ne sont pas parvenus à s’entendre pour gouverner l’Espagne.

Podemos et EH Bildu ont bien tenté d’explorer un terrain d’entente, mais la viabilité de leur alliance s’est effritée au fur et à mesure que le rapprochement entre PNV et socialistes prenait corps.

Certes, des possibilités d’accord existaient sur le plan social, mais l’échec récent d’EH Bildu dans sa gestion du Gipuzkoa et de Donostia, ainsi que l’inexpérience de Podemos à l’heure d’exercer le pouvoir, ont fragilisé cette hypothèse.

Podemos a très mal vécu de voir EH Bildu négocier avec le PNV.

Les indépendantistes ne s’en cachaient pas. Cela mettait à mal la formule hypothétique d’une coalition de gauche EH Bildu/Podemos avec un soutien relatif des socialistes. Les demandes d’EH Bildu ont paru irréalistes pour le PNV : montant plancher des retraites à 1.080 euros par mois, création de 40.000 postes de travail dans le secteur public, salaire minimum dans ce secteur à 1.200 euros, plan de retour des jeunes partis travailler à l’étranger, réforme fiscale, etc.

Immobilisme et blocages entretenus sciemment

Finalement, en même temps que le PSOE concrétisait son contrat de gouvernement avec le PNV, EH Bildu claquait la porte au nez du parti d’Urkullu et Podemos hésitait à voter pour la candidate EH Bildu au poste de lehendakari, Maddalen Iriarte.

Vote de témoignage s’il en est, mais qui aurait préservé des alliances futures.

Le 24 novembre au parlement de Gasteiz, la candidate d’EH Bildu n’a recueilli que les voix de ses propres députés.

Podemos et Partido Popular se sont abstenus.

Podemos répugne à se situer en tant que force d’appoint de la gauche en Pays Basque, à la remorque de la gauche abertzale.

Alors que le PSOE se compromet avec la droite aussi bien en Espagne qu’en Pays Basque, Podemos aspire à être la vraie gauche.

Malgré les efforts des partenaires pour gommer les aspérités entre eux, tout cela s’est déroulé avec en toile de fond une lutte armée stoppée, mais qui pèse lourdement dans le débat politique.

Le désarmement, la dissolution d’ETA, la question des nombreux preso incarcérés et des victimes, les mots que l’on met pour qualifier la violence passée et ses acteurs, tout cela demeure source de conflits dans la société basque.

Le statu quo qui bloque les possibilités d’alliance est entretenu sciemment par l’Espagne et la France ad vitam aeternam, les nouvelles arrestations en sont la preuve. C’est leur intérêt que les abertzale s’engluent dans les contradictions du passé et ne parviennent pas à bâtir le souverainisme de demain.

Eviter ou ralentir la propagation du feu catalan est évidemment une priorité pour les Etats centraux.

1) Un tel cas de figure était impossible lors de la législature précédente : Podemos n’existait pas et les 21 élus EH Bildu avec les 16 socialistes ne totalisaient que 37 voix, donc en-deça de la majorité absolue.

2) De 1987 à 1998, les socialistes participèrent à des gouvernements PNV, mais dans un contexte radicalement différent. Le PNV très affaibli venait de scissionner avec EA. Le PSOE avait un député de plus que lui au parlement, mais le PNV totalisait une légère avance en voix. En 1988, le pacte d’Ajuria enea chargé de ficeler une coalition anti HB et ETA fut signé entre toutes les forces politiques. Cette coalition vola en éclat avec la signature du pacte de Lizarra Garazi entre le PNV et les indépendantistes, elle entraîna la démission des ministres socialistes.

3) Le PSOE précise que l’usage du mot nation pour qualifier Euskadi ne suppose pas le droit à la souveraineté. Il s’appuie pour cela sur une résolution du Conseil de l’Europe qui indique : “La revendication en tant que nation de la part d’une communauté qui s’auto-définit ainsi pour des raisons culturelles, historiques ou linguistiques, ne présuppose pas le droit politique à se constituer en tant qu’Etat”.

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