L’Edito du mensuel Enbata
La croyance que l’extrême droite ne pouvait pas s’implanter au Pays Basque s’est effondrée le 9 juin avec le résultat des élections européennes : le Rassemblement national est en effet arrivé en première position au Pays Basque, avec 23 % des suffrages. Celles et ceux qui espéraient que ce résultat puisse s’expliquer par le contexte particulier des élections européennes ont été vite déçus : le 30 juin, au 1er tour des législatives, des candidats d’extrême droite inconnus et ignorant tout des réalités locales ont recueilli 25% des voix malgré une participation record, et se sont qualifiés pour le second tour dans les trois circonscriptions du Pays Basque.
Heureusement, un autre cliché s’est effondré durant cette intense séquence électorale de quatre semaines. Pour beaucoup, les abertzale étaient encore considérés comme de bons militants de terrain, des moteurs de la société civile qui pouvaient occuper des mandats locaux ; en revanche, les “choses sérieuses” étaient l’affaire des grandes formations politiques hexagonales. Depuis l’investiture d’Alain Iriart et de Peio Dufau et l’élection comme député de ce dernier, ce n’est plus le cas.
Cette victoire, dans la circonscription qui s’annonçait la plus difficile du Pays Basque pour ce scrutin, a été conquise au terme d’une campagne exceptionnelle qui a mobilisé des centaines de militant·e·s, abertzale et non abertzale rassemblé·e·s au sein du Nouveau Front populaire par l’énergie du désespoir, et qui chaque jour ont cru un peu plus dans les chances de victoire de la candidature portée par Peio Dufau et Marie Heguy-Urain.
Comme dans les deux autres circonscriptions qui ont également connu de très belles dynamiques, les lignes ont donc bougé durant cette campagne. Malgré les différences de leurs projets politiques, la gauche abertzale et les autres forces politiques progressistes implantées au Pays Basque ont montré qu’il était possible de combattre ensemble pour un objectif commun d’intérêt général. Au vu du succès historique de la démarche —jamais le Pays Basque n’avait élu trois députés de gauche— on peut espérer que ce fait sera tenu pour acquis. Après cet épisode, qui comprendrait par exemple que LAB soit écarté de l’intersyndicale comme cela a été le cas en 2023 pendant la lutte contre la réforme des retraites ?
Malgré les différences de leurs projets politiques, la gauche abertzale et les autres forces politiques progressistes implantées au Pays Basque ont montré qu’il était possible de combattre ensemble pour un objectif commun d’intérêt général.
Le succès des candidat·e·s du Nouveau Front populaire au Pays Basque fait écho à une longue expérience de construction d’alliances larges pour faire avancer efficacement des objectifs portés par la société civile : autour du logement, de l’évolution institutionnelle du Pays Basque, de l’euskara, du foncier, de l’agriculture paysanne, du processus de paix, etc. Tous les candidat·e·s du Nouveau Front populaire au Pays Basque ont été partie prenante de la construction de consensus politiques autour de ces questions, et cela n’est certainement pas étranger à leur succès. Inversement, l’opposition récurrente de Christian Devèze à ces démarches a évidemment contribué à sa défaite.
Aujourd’hui, une opportunité historique s’offre à nous pour faire avancer ces dossiers si importants pour le Pays Basque. En parlant d’une même voix, les trois députés du Pays Basque auront une légitimité indiscutable ; et en portant des projets issus d’un consensus local, ils parviendront plus facilement à se frayer un chemin dans le chaos du Palais Bourbon…
Mais la parenthèse de l’extrême droite n’est malheureusement pas refermée. Au niveau français, elle redouble déjà d’efforts en vue des municipales de 2026. L’Humanité vient par exemple de dévoiler le plan “Périclès”, financé à hauteur de 150 millions d’euros par le milliardaire ultraconservateur Pierre-Edouard Stérin pour former de nouveaux cadres et mener la bataille des idées.
Les abertzale doivent aussi préparer cette bataille. Nous devons convaincre que notre projet politique permet de répondre aux défis sociaux, économiques, écologiques, linguistiques ou culturels de notre époque. Nous n’avons pas de milliardaire mais, depuis notre implication dans la société civile jusqu’à notre présence au Palais Bourbon, nous nous sommes donné les moyens de réussir.