Il y a quelques jours – nous sommes à la toute fin du mois de septembre quand j’écris ces lignes –, se tenait un conseil municipal à Saint-Jean-de-Luz au sujet notamment d’un vaste aménagement urbain au centre-ville. L’intérêt n’est pas ici de parler de ce grand îlot qui importe, au premier plan, aux Luziens mais dont le lecteur d’Enbata n’aura probablement rien à faire. Il s’agit d’en tirer un témoignage qui me semble éclairant au sujet de la lutte contre le réchauffement climatique.
Aspirateur à voitures
Le projet en question consiste à aménager une zone baptisée “Îlot Foch”, comprenant la place éponyme (qui est celle que jouxtent la médiathèque et la zone portuaire), l’ancien garage devenu bar éphémère à la mode, et le bâtiment situé derrière lui. Parmi les principaux traits saillants du projet, le creusement sous l’îlot d’un grand parking souterrain de 6 à 7 sous-sols, destiné en partie aux résidents du futur bâtiment du dessus, mais surtout aux visiteurs qui voudraient se garer au centre-ville.
L’opposition luzienne, au premier rang de laquelle se trouve le groupe abertzale Herri Berri, est depuis l’origine vent debout contre ce projet de parking. Pour elle, la ville souffre déjà depuis plusieurs décennies d’une saturation de véhicules durant la saison estivale, les vacances scolaires et maintenant quasiment toutes les fins de semaine.
Quiconque lira cette chronique l’aura probablement expérimenté à l’occasion d’un passage dans la ville. Ne faisant que traverser la ville –l’artère principale de celle-ci n’étant autre que l’ancienne Nationale 10 elle-même– ou cherchant à s’y garer pour aller à la plage ou fréquenter les commerces du centre ancien, les voitures tournent en rond ou patientent “cul contre cul” aux entrées des parkings existants, générant nuisances de tout type et notamment pollution et bruit. Ajouter encore un parking sous-terrain ne fera qu’y attirer encore plus de véhicules.
La situation est d’autant plus aberrante que la municipalité a fini, ces dernières années, par se ranger à l’avis de Herri Berri faisant pression pour l’aménagement de parkings-relais de périphérie, permettant de désengorger le centre tout en y permettant l’accès par le biais de navettes en sites propres.
Au vu du futur PLU, deux sites sont prévus vers l’autoroute et vers la Nivelle, assortis de projets de contenance insuffisante mais ne soyons pas pingres.
Que penser alors d’une logique annonçant à la fois la possibilité de se garer en périphérie et celle de se garer au centre- ville ?
Peut-on sérieusement penser qu’un conducteur lambda aura assez de conscience écologiste pour se dire qu’il va sagement se garer en périphérie et attendre une navette, au lieu de tenter sa chance en alimentant le bouillon urbain, mais espérant avoir la chance de trouver une place au plus près de la plage ?
Les deux sont évidemment contradictoires, et le résultat n’en sera que pire pour la ville et ses habitants.
Mise en perspective
Mais le pire dans cette histoire, c’est que cette affaire très luzienne est le plus souvent traitée sur un mode clos, sans prendre le temps de la mettre en perspective avec un contexte plus large. Or, la même semaine que celle du conseil municipal luzien venait d’être publié le dernier rapport du GIEC consacré aux océans, à la hausse prévisible de leur niveau d’ici 2100. Gageons que si un habitant de Suhescun peut s’en désintéresser, un luzien pourrait y être plus sensible… De manière générale, depuis plusieurs années le monde prend conscience de l’urgence climatique, de la nécessité de changer de paradigme dans tous les domaines.
C’est très long, c’est trop long, mais c’est en cours et ce sera irréversible. Et voilà qu’à Saint-Jean-de-Luz comme dans tant d’autres villes –et dans tant d’autres domaines– l’on fait comme si rien n’avait changé, comme si l’on en était encore à l’âge d’or des années 1970 ou 1980, durant lequel la voiture était la solution à tout, l’alpha et l’omega de la vie quotidienne et donc des aménagements urbains : parechoc contre parechoc, pots d’échappements à la queue leu-leu, des gros trous pour les abriter jusqu’à avoir artificialisé le moindre dernier mètre carré de sol ou de sous-sol…
Combien d’années de retard ?
Pensant à cela durant l’échange plutôt musclé qui nous opposa au maire durant le conseil, cela me rappela une impression ressentie chaque fois que je promène mes enfants le long d’une autre artère luzienne fameuse : le boulevard Thiers. Cela ne loupe jamais, mon regard y est toujours attiré par la longue file de ces hideux immeubles des années 1950-60, qui défigurent le front de mer de la ville comme ils les défigurent sur tous les littoraux européens. Et je me dis avec désolation : “Eh oui, c’est malheureusement ainsi que l’on construisait à l’époque dans les stations balnéaires et c’est aujourd’hui trop tard”. Dans trente ans ou même avant, quand on en aura fini avec la civilisation du “tout-voiture”, on posera le même regard dépité sur l’énorme parking sous-terrain du port de Saint-Jean-de-Luz. Sauf qu’on ne pourra pas se dire “eh oui, on menait ainsi l’aménagement urbain dans les années 2010”.
On évoque sans cesse le réchauffement climatique,
on prend des engagements internationaux de grande échelle,
mais tout cela sera vain si à l’échelle locale,
on continue à tolérer ce genre d’aberrations,
multipliées par autant de villes ou d’agglomérations
dans lesquelles on aura oublié ce que signifie
“penser global, agir local”.
Non, à l’heure actuelle cela fait au moins dix ans qu’on ne pense plus ainsi et qu’on relègue les voitures hors des centres-villes. Une telle politique est dépassée, vieille de plusieurs années avant même le premier coup de pelleteuse ! Mais le principal enseignement me paraît être le fait que sommets après sommets, rapports après rapports, on évoque sans cesse le réchauffement climatique, on prend des engagements internationaux plus ou moins concrets, on peine à trouver des solutions de grande échelle.
Mais tout cela sera vain si en même temps, à l’échelle locale, on continue à tolérer ce genre d’aberrations, multipliées par autant de villes ou d’agglomérations, touristiques ou pas, dans lesquelles on aura oublié ce que signifie “penser global, agir local”.
Le sursaut pour le climat commence bel et bien ici, n’en doutons pas.
Tout à fait d’accord : la municipalité de St Jean de Luz doit absolument suivre le mouvement des villes intelligentes et responsables: place au piéton, au vélo dans une ville non polluée et accueillante avec un tourisme beaucoup mieux géré. Monsieur le maire votre idée est mauvaise: aérez votre ville pour les luziens et tous ceux qui aiment y venir.