Cinq ans après l’arrêt de la lutte armée, Sortu mène une réflexion sur une nouvelle stratégie politique plus en phase avec les attentes de la société basque. Démarche importante au regard de la place prépondérante de Sortu au sein de la gauche abertzale.
Sortu a entamé un processus de réflexion et de rénovation interne qui va se terminer fin janvier 2017 par un Congrès national.
Ce processus fait suite au débat Abian qui a permis de circonscrire les sujets de réflexions auxquels doit s’atteler Sortu.
Tout d’abord, la réaffirmation du changement de stratégie entrepris en 2008/2009, mais avec une vision critique qui constate que son potentiel n’a pas été correctement déployé.
Les deux objectifs politiques de la séquence que nous voulons ouvrir sont clairs.
Clôturer la phase précédente de la confrontation armée en menant le processus de résolution jusqu’à son terme, ce qui implique notamment de résoudre la question des prisonniers.
Relancer le processus souverainiste en Euskal Herria, en construisant à l’instar de ce qui a été possible en Catalogne, des accords majoritaires pour la mise en oeuvre du droit à l’autodétermination.
Nous disposons pour ce faire d’une nouvelle donne politique, caractérisée d’un côté par l’ampleur de la crise de l’Etat espagnol, et de l’autre, par des avancées sur la question territoriale avec l’arrivée au pouvoir des abertzale en Navarre, et une première forme de reconnaissance d’Iparralde.
La réalisation des deux objectifs implique de répondre aux quatre nécessités suivantes.
Premièrement, tout en réaffirmant nos fondamentaux (en particulier la légitimité de la lutte en faveur des droits inaliénables de notre peuple), réactualiser notre projet indépendantiste en répondant, au delà du cercle abertzale, aux problématiques du quotidien de larges secteurs de la population subissant de plein fouet la crise économique, sociale et écologique actuelle.
Confrontement démocratique avec les Etats
Le concept de “République basque” entend répondre à cette nécessité, en soumettant au débat les caractéristiques d’un Etat confédéral basque de demain. Redonner priorité au champ de l’activation sociale, en repensant nos pratiques politiques, mais aussi en réfléchissant à notre stratégie d’alliance.
L’enjeu n’est pas de nous poser en avant-garde “éclairée”, mais bien de conforter et d’élargir des espaces de travail en commun qui permettent une activation déterminée de la société civile. Car, seule une telle activation est garante du fait qu’Euskal Herria ressorte gagnant d’un contexte qui est voué à prendre les formes d’une confrontation démocratique avec des Etats arc-boutés sur une posture de statu quo, et une offensive néo-libérale visant à mettre en pièces un maximum de droits sociaux.
Enfin, au niveau organisationnel, tout cela nécessite une remise en cause du fonctionnement actuel de la gauche abertzale que l’on pourrait synthétiser ainsi : plus de transparence, plus de participation, plus de démocratie.
Cela implique aussi que Sortu redéfinisse ses fonctions, en particulier dans le cadre du rassemblement des abertzale de gauche que nous avons réalisé au sein d’EH Bai.
En décembre 2014, d’une coalition de partis, nous avons transformé EH Bai en un mouvement politique pérenne, basé sur une adhésion individuelle des militants. Dans une telle configuration, quelle est la place de Sortu ?
Le principal capital politique d’EH Bai (ou d’EH Bildu en Hegoalde) est d’avoir réussi à construire l’unité entre des sensibilités qui étaient désunies il y a quelques années.
EH Bai, force de changement
Il n’y a pas de débat au sein de Sortu sur le fait qu’EH Bai (ou EH Bildu) doit être le référent politique du projet abertzale de gauche dans la société.
Mais nous devons éviter de vouloir faire d’EH Bai (ou d’EH Bildu) un nouveau Sortu. Et ce pour une simple raison : l’ADN politique d’un militant de Sortu qui s’inscrit dans une certaine trajectoire de lutte, un fonctionnement national, un ancrage radicalement à gauche, n’est pas forcément totalement identique à celui d’un militant d’EA, ou d’un militant indépendant d’EH Bai.
L’ADN politique d’un militant de Sortu
qui s’inscrit dans une certaine trajectoire de lutte,
un fonctionnement national,
un ancrage radicalement à gauche,
n’est pas forcément totalement identique
à celui d’un militant d’EA,
ou d’un militant indépendant d’EH Bai.
Ceci étant, dans le sens où il incombe maintenant à EH Bai d’incarner une réelle force de changement en Iparralde, nous allons rentrer dans les prochaines années dans le “vif du sujet”, voire parfois, dans des sujets vifs, qui touchent à la redéfinition de notre projet de société, aux politiques que nous entendons mener si nous sommes aux manettes de certains lieux de décision, à la stratégie électorale, etc.
Ils cristalliseront sûrement de nouvelles discussions entre nous, ce qui est normal et tout à fait sain. La clarté du débat nécessitera que les différents points de vue s’expriment de manière explicite et transparente, et qu’ils soient représentés en tant que tels au sein d’EH Bai.
Au fil du temps, les positions adoptées majoritairement par les militant-e-s préciseront la stratégie et le projet d’EH Bai.
Mais il ne faut pas que ce processus de définition et de maturation gomme la diversité des sensibilités qui constitue une richesse et une des principales forces d’EH Bai.
Voilà donc le “menu” des discussions en cours dans le cadre du Congrès de Sortu.
Et comme disait un vieux militant de mon entourage : “l’appétit vient en militant !”