Joseba Asirón d’EH Bildu nouveau maire d’Iruñea

Joseba Asirón, nouveau maire d’Iruñea.

Une alliance contre nature entre la droite navarriste et les socialistes avait écarté Joseba Asirón pendant plus d’un mandat. La fédération PSOE de Navarre et EHBildu ont signé un accord politique qui a permis le 28 décembre aux souverainistes basques, en alliance avec GeroaBai et Zurekin-Contigo, de diriger la capitale de la Navarre. Ce type d’accord va s’étendre à d’autres villes.

Il y a près de cinq ans comme il y a six mois le 28 mai, un accord contre nature entre la droite espagnoliste de Navarre (Suma+, puis les régionalistes d’UPN, Union du peuple navarrais) et le PSOE qui avait voté blanc, avait permis d’écarter EH Bildu, la formation de gauche arrivée en tête. L’ex-maire Joseba Asirón avait ainsi été écarté par deux fois(1) malgré le soutien de Geroa bai et de Zurekin-Contigo. Une attitude socialiste d’autant plus regrettable que depuis deux législatures, c’est grâce à l’abstention ou au vote d’EH Bildu que le PSOE gouverne la Navarre et l’Espagne. Mais de l’eau a coulé sous les ponts de l’Arga et en politique, ce qui était impossible hier, devient faisable demain. Le compromis entre droite et gauche espagnolistes permettait à la première de diriger plusieurs cités importantes de Navarre. Cela devrait prochainement cesser à Barañaín (20.000 h.) et dans la vallée d’Egüés (20.000 h.), mais semble plus difficile à Lizarra (13.000 ha).

Plusieurs éléments ont contribué à changer la donne : la chef de file des socialistes de Pampelune Elma Saiz a été nommée fin novembre ministre de l’inclusion, de la Sécurité sociale et des migrations. Pendant toute la campagne électorale, elle avait juré ses grands dieux que jamais EH Bildu ne pourrait diriger la capitale navarraise grâce aux voix socialistes. Aujourd’hui, elle en est loin et fait carrière à Madrid. La gauche abertzale a stoïquement serré les dents, malgré les avanies subies en Gipuzkoa et s’est montrée un soutien fiable du PSOE pour « freiner l’arrivée au pouvoir de la droite et de l’extrême droite » au sommet de l’Etat. Les six premiers mois de la gestion d’Iruñea par l’UPN Cristina Ibarrola ont été calamiteux, autant par de grandes maladresses sur plusieurs dossiers, que par des blocages. Il en avait été de même pendant les quatre années précédentes où l’UPN Enrique Maya en alliance avec le PP et Vox, n’était jamais parvenu à faire approuver un seul budget annuel.

« Pampelune, prix de l’impôt révolutionnaire que paie le PSOE à EH Bildu »

Une éclaircie apparaît en octobre, lorsque le maire EH Bildu de Tafalla, Xabier Alcuaz, est élu président de la Fédération navarraise des municipalités, avec les voix favorables des élus socialistes. La première fois depuis plus de 40 ans… Discrètement, démarrent déjà les négociations entre PSOE et EH Bildu pour évincer la droite à Iruñea. Elles aboutissent à l’accord du 13 décembre qui aura pour effet le dépôt d’une motion de censure, l’éviction de l’UPN Cristina Ibarrola le 28 décembre et l’élection de Joseba Asirón au fauteuil de maire, grâce à l’attitude du PSOE qui n’aura pas d’élus dans l’équipe dirigeant la ville. Elle sera composée de membres de EH Bildu, Geroa Bai et Zurekin-Contigo (mouvance Podemos). Les socialistes gardent une importante marge de manoeuvre et tentent d’éviter les reproches d’une opinion publique espagnole qui déjà parle de « pacte signé avec les terroristes ». Pour Cristina Ibarrola, « Pampelune est le prix de l’impôt révolutionnaire que paie le PSOE à EH Bildu ».

Toute négociation suppose des concessions mutuelles qui peuvent apparaître pour certains comme des couleuvres lourdes à avaler. Le tout est qu’elles soient équilibrées. L’accord signé entre PSOE et EH Bildu n’y échappe pas. Il comprend quatre points. Le premier indique la nécessité de travailler pour obtenir « un climat politique de bonne entente », « à partir d’une conviction politique et éthique, comme quoi la reconnaissance et la réparation des victimes générées par la violence d’ETA sont nécessaires, ainsi que le maintien en bon état des marques de souvenir qui rendent hommage aux victimes du terrorisme, (…) en évitant les situations humiliantes »(2). Une condamnation plus explicite et globale d’ETA était attendue par la gauche espagnole.

Le texte réaffirme le respect des symboles navarrais, son drapeau, son écusson et son hymne. Il s’agit ici d’éviter que la nouvelle municipalité répète ce que Geroa Bai fit en 2017 alors qu’il dirigeait le gouvernement foral : réintroduire l’ikurriña sur les édifices publics.

Euskara, langue co-officielle dans la zone mixte : les deux signataires s’engagent à rechercher « un consensus qui garantisse un traitement linguistique en accord avec la demande et la réalité sociolinguistique de la cité, et en accompagnant la demande sociale existante ». Tout cela en étant attentif « à l’expression des premières demandes et à l’égalité des opportunités ». Un dernier point porte sur la nécessité de mettre en oeuvre un plan du vivre ensemble à Iruñea. Il conviendra de travailler à l’organisation des fêtes de San Fermín dépourvues de tensions politiques et d’espaces d’exclusion.

Pavé dans le jardin d’Eneko Andueza

« Hier l’amnistie en Catalogne, aujourd’hui Pampelune, demain le référendum », c’est intolérable, la coupe est pleine, tout ça « pour un fauteuil de premier ministre » qui a signé avec les héritiers des terroristes « un pacte cagoulé ». « ETA gouvernera Pampelune avec les voix du PSOE ». Le 17 décembre, les leaders du PP et de Vox manifestent devant la mairie de Pampelune pour soutenir l’UPN « victime du dernier mensonge » de Pedro Sanchez. Et le pire est à venir. Demain, une autre ligne rouge sera franchie : EH Bildu sera à la tête de la Communauté autonome basque grâce aux socialistes. La droite se déchaîne.

Le parti de Pedro Sanchez se défend, la Navarre est un cas unique qui n’a rien à voir avec les trois autres provinces basques. Le candidat socialiste au poste de Lehendakari Eneko Andueza le crie sur tous les tons : jamais, les socialistes ne donneront leurs voix à EH Bildu. Y croit-il vraiment lui-même ? Le hic est que Pedro Sanchez disait à peu près la même chose avant le scrutin du 23 juillet. Puis, nécessité a fait loi et il a brisé le tabou. Peut-on dire jamais en politique ? L’affaire qui se joue en ce mois de décembre à Iruñea est un gros pavé dans le jardin d’Eneko Andueza. La science fiction aujourd’hui qui devient réalité demain lui pend au nez comme un sifflet à deux sous.

EH Bildu boit du petit lait et se sent pousser des ailes. Son retour à la tête de la capitale historique du Pays Basque est un symbole abertzale considérable. Le 17 décembre au palais Euskalduna de Bilbo, l’heure est à l’euphorie pour la présentation publique du candidat Pello Otxandiano au poste de Lehendakari. A ses côtés, Joseba Asirón et Arnaldo Otegi qui appellent à la « patience historique ». Tout n’est pas déjà gagné, encore faut-il élargir l’influence d’EH Bildu et construire les conditions du changement. « L’Etat des autonomies » verrouillé par la Constitution de 1978 est loin d’avoir muté. Beaucoup de questions sont encore en suspens, 130 presos se trouvent toujours incarcérés, mais soyons en sûrs, le 13 décembre en Navarre a apporté du baume au coeur de ceux qui sont derrière les barreaux. Réputée hier infréquentable, la gauche abertzale ouvre la porte à d’autres avancées en se banalisant dans le paysage. La longue marche du peuple basque se poursuit, elle trouve des moyens supplémentaires pour construire Euskal Herria.

(1) L’historien Joseba Asirón arrivé en tête fut premier magistrat de Pampelune de 2015 à 2019 avec l’étiquette EH Bildu. Il connut l’humiliation d’être battu par les partis espagnolistes. Au lieu de démissionner peu après comme le font beaucoup d’ex-maires, il a eu le cran de siéger pendant plus de quatre ans dans l’opposition et d’organiser la contre offensive. Cela mérite d’être salué.

(2) Rappelons que le futur maire EH Bildu Joseba Asirón, alors professeur dans les ikastola, avait signé en mai 1998 avec 133 personnalités culturelles navarraises, une déclaration condamnant « un crime commis au nom d’Euskal Herria et demandant à ETA d’arrêter ses meurtres (…) qui provoquent un préjudice incalculable au développement de l’euskara ». L’organisation armée basque venait d’abattre le conseiller municipal UPN d’Iruñea, Tomás Caballero.

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