Pantxika et Jakes et vous neveux et nièces de Koko, nous voilà de nouveau réunis pour un temps de recueillement et d’hommage.
Après Pierre, il y a deux ans, voilà que c’est Koko qui nous rassemble. Lui le discret qui n’aimait pas les premiers rangs, le voici à l’honneur. Nous sommes venus, très nombreux, lui rendre hommage car il a su gagner le cœur d’une grande quantité de personnes. Nous nous unissons au deuil de la famille Abeberry, de la famille des avocats et du barreau de Bayonne, de la famille des Biarrots si chers à son coeur, et de la grande famille de celles et ceux qui jour après jour luttent pour les droits de l’homme, de la famille des prisonniers et des réfugiés basques qui attendent un jour meilleur et de celles et ceux qui en sont solidaires.
Ce lundi alors que je descendais des pentes de La Rhune, j’ai eu une longue pensée pour Maurice décédé au col de Zizkoitz, le 21 Février de 1988. J’ai aussi prié pour Koko car je le savais dans le combat de la maladie. Et voilà que son frère et son ami intime Jakes, le dernier de cette magnifique lignée des frères Abeberry, m’appelle pour m’annoncer le décès de Koko, ce même jour.
J’ai pensé au travail pharaonique réalisé par Pantxua St ESTEBEN là où Maurice a rendu l’âme dans les bras de Koko et de Pantxika! Je retiens cette main, sculptée, celle de Maurice, avec ce mot, Zato, Viens! Aujourdhui, ce sont les frères Albert, Maurice, Pierre et les parents Ernestine et Manech qui disent à Koko, zato! Viens , on t’attend.
Et puis, il y a ce dicton sculpté dans cette pierre revêche dite pudding: Negarra labur irria luze ! Que le rire soit plus long que les pleurs. Koko a tracé parmi nous le sillage d’un gizon, d’un humaniste, d’un passionné du pays Basque et d’un monde de justice. Oui «Irria luze». C’est la première image de Koko, celle d’un homme toujours souriant, qui partout où il passait transpirait une sorte de paix, car il était lui même pacifié, doux et résistant à la fois. Dans les couloirs des tribunaux, dans les cellules des prisons, Koko a été bien plus qu’un avocat, un frère! Il a défendu le droit tout en témoignant d’une bonté profonde, authentique. Quand je visitais les prisonniers basques de Iparretarrak ou de ETA, ils me disaient «Koko pasatu da», avec le sourire. Il savait leur transmettre la confiance pour tenir debout, la dignité pour ne pas sombrer. Comme preuves, s’il en est besoin, toutes les cartes postales qu’il envoyait aux preso à l’occasion des voyages avec sa chère épouse Pantxika.
Je reviens à Zizkoitz.
L’artiste a sculpté la colombe de la paix dans la roche. Koko a été un grand serviteur de cette paix à laquelle nous aspirons tous, non pas la paix de l’ordre établi mais la paix qui germe des droits des peuples et des droits de l’Homme et surtout la paix que nous essayons de porter à bout de bras et à bout de souffle. On le voit batailler à ESKUAL ETXEA de PARIS pour que la lutte contre le franquisme ne reste pas à la porte de cette noble institution. Puis laissant les dix années parisiennes chez Hermes, il se remet aux études à la faculté de droit de Bayonne , pour devenir avocat, dans le sillage de Maurice son frère. Koko a été une cheville ouvrière de cette forge de la paix et du droit.
Militant, sur les traces de Jakes, il offre durant 20 ans son concours à la revue Enbata, dont il fut un temps directeur de publication. Et en 1984, en réaction par rapport à La Ligue des droits de l’homme, il participe à la création du CDDHPB, Comité des droits de l’homme au Pays Basque et à la revue Jakilea, avec la regrettée Camille Frossard et sa fille Claire, Michel Berger, l’abbé Anchordoquy et d’autres. Presque 30 ans de fidélité comme guetteur de cet Attalaye des droits de l’Homme qu’est Jakilea. Doté d’une licence en lettres françaises et en espagnol, parlant aussi l’anglais, et riche d’une grande culture générale, Koko a ainsi ouvert la cause basque à des secteurs nouveaux de la société.
Comme vous le savez sans doute, la famille Abeberry est riche d’une double identité, laïque et chrétienne. Le papa catholique originaire d’ Ibarron ; la maman Ernestine Etcheverry, née à Halsou, institutrice laïque comme son papa et aussi catholique pratiquante prêtant main forte autant à la paroisse de Ste Eugénie qu’aux oeuvres laïques. Si, Pierre, le dominicain a fait le choix de Dieu et du message de Jésus de Nazareth qu’il a servi de belle manière, Koko lui, fait le choix de la laïcité qu’il a aussi servi de belle manière. Son premier article dans Enbata était intitulé «sortons des sacristies !». C’est à dire , mettons en place un mouvement basque non confessionnel, libre de toute dépendance religieuse. Cette laïcité, Koko l’a vécue avec élégance dans un grand respect de la religion de chacun. Elle permet que je puisse aujourd’hui lui rendre hommage en tant qu’ami de la famille. Elle permet que nous puissions nous retrouver tous autour d’une foi commune en l’Homme et d’unir nos différences et nos énergies au profit du respect du Peuple basque, de sa culture, de sa langue. Koko sera d’ailleurs un euskaldun fidèle, pratiquant l’euskara, qu’il comprenait et qu’il parlait, tout en étant un éternel élève des cours de basque.
Si vous me permettez, je reviens à la sacristie! «Sortons des sacristies!» disait Koko, mais il a dit aussi « entrons dans la cathédrale!» Ce fut un des grands moments. Fin 1972, il y a 45 ans, Koko participe pendant 32 jours à la grande grève de la faim contre les expulsions de réfugiés basques qui se tient à l’intérieur de la cathédrale de Bayonne, avec la célèbre altercation entre Telesforo Monzon et l’évêque de Bayonne Mgr Vincent. Koko a été le bras droit de Telesforo lors de son retour au Pays en 1979 ce qui lui valut une détention par la Guardia civile.
Nous avons parlé de l’homme, de son sourire, de son engagement envers le Peuple basque, de son soutien sans faille aux prisonniers qu’il visitait fidèlement, son soutien aux militantes et aux militants de tout bord et aux réfugiés politiques basques.
Il y a un dernier point que nous pouvons évoquer c’est le Bihotz, le cœur de Koko. Il a aimé, il a été aimé. Il a su garder le cap grâce à ses qualités de cœur. Il a quitté ce monde dans les bras de Pantxika, son épouse, qu’il avait connue il y a 45 ans et qu’il a épousée, il y a 30 ans, à la mairie de Biarritz en présence de deux témoins, deux amis intimes : Zigor et Daniel Landart.
Comme souvent, on ne retient que l’histoire vécue par les hommes en passant sous silence le rôle vital tenu par les épouses. Pantxika et Koko ont été un couple fusionnel, et grâce à cet amour quotidien de Pantxika, Koko a pu mener tous les combats cités avec une jeunesse remarquable, et, avec elle il a surtout mené le dernier combat, le plus dur qui soit, celui contre la maladie qui l’ a rongée depuis 2 ans, suite à une infection grave! Il y a un autre amour qui a été une force permanente pour Koko c’est l’amitié partagée avec beaucoup et aussi l’amour familial vécu chez les Abeberry , en particulier l’amour fraternel de Jakes, son confident de chaque combat et de chaque joie.
Millesker Koko, zure irriñoa atxiki duzulakotz azken hatsaraino. Millesker belaunik gabe eta, antxu indarrik gabe, defenditu duzulako Aitaren etxea!
Le cœur de Koko a lâché alors qu’il lisait la presse. Il alimentait la lumière intérieure par la lecture. Il nous confie le témoin, celui de la Paix à construire au Pays Basque, celui des prisonniers à libérer, celui d’un monde où ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas naviguent ensemble en mettant le cap sur les Droits de l’homme en Pays Basque et ailleurs.
Ez adiorik Koko!