Le récent scandale des Paradise Papers nous rappelle la permanence de paradis fiscaux au sein même de l’Union Européenne : le colibrique Luxembourg champion toutes catégories, la République d’Irlande que l’on croyait plus idéaliste, les vertueux Pays Bas pris la main dans le sac… En fait il ne s’agit là que de la fine pointe d’un iceberg : l’Union Européenne est avant tout un vaste marché, tel fut d’ailleurs son premier nom, le Marché Commun. Avec le triomphe du néo-libéralisme, il est devenu la foire d’empoigne que nous voyons actuellement. Où est le projet idéaliste des pères fondateurs, Robert Schuman et consorts ?
Loin de coopérer entre eux, les Etats s’affrontent dans une concurrence féroce et souvent déloyale, car elle se fait par le bas, le moins disant, la casse sociale, la fraude fiscale organisée à grande échelle comme on vient de le voir, le contournement des lois nationales ou internationales.
L’Europe fiscale n’avance pas, non plus que l’Europe sociale, parce que les Etats, en tout cas un certain nombre d’entre eux, ne veulent pas d’une convergence progressive, encore moins d’une véritable harmonisation fiscale et sociale. Débordés par les entreprises multinationales, les Etats s’accrochent néanmoins à leur absolutisme d’antan sur le dos de leurs peuples et de leurs voisins.
Ils ne font rien, tout au contraire, en faveur d’une Europe qui protégerait ses citoyens dans la mondialisation.
Il faut le dire clairement : les Etats européens sont les principaux ennemis de l’Union Européenne qu’ils gouvernent pourtant : nous sommes dans l’Europe des Etats, ce sont eux qui prennent les décisions à Bruxelles et sans vergogne se défaussent sur une mythique administration “bruxelloise” dont l’effectif égale à peine celui de la ville de Paris…
Les Etats européens
se font une concurrence féroce par le bas,
ils évitent la convergence fiscale et sociale.
Dans l’affaire catalane, les Etats font assaut verbal d’idéal européen, donnant la leçon à ces régions riches qui ne veulent plus partager avec les plus pauvres. Tartuffes ! Ils ne veulent que leur propre intérêt “national”, leur intégrité, leurs frontières évidemment naturelles, sinon éternelles…
Le véritable esprit européen réside dans les régions à contenu national comme la Catalogne, qui ont besoin de ce grand large pour respirer par dessus l’enceinte de l’Etat qui les détient. De plus elles sont souvent des traits d’union par leur position frontalière ou à cheval sur des frontières étatiques. Tel est le cas de diverses régions périphériques comme l’Irlande du nord, la Bretagne, la Flandre, l’Alsace, la Corse, la Catalogne, l’Occitanie, le Pays Basque, la Galice…
Dans ce débat nous avons parfois des alliés inattendus parmi les penseurs universalistes comme René Cassin. “Il n’y a pas contradiction, pour Cassin, entre l’affirmation de l’identité basque ou bretonne, et l’unification de l’Europe. Il y a même concordance.(…). Pour que l’Europe puisse se former vraiment, dit René Cassin, il faut briser la trop grande puissance de l’Etat, et renforcer la puissance des provinces (…)”. (René Cassin, Marc Agi, Librairie Académique Perrin, 1998, P. 303). Cependant Cassin n’est pas favorable à l’émiettement de l’humanité en une poussière “d’Etats non viables, véritables tentations pour les impérialismes”.
Sa préférence va aux solutions fédérales, à l’intérieur comme à l’extérieur de chaque Etat, dans les conflits nationaux ou internationaux, contre l’absolutisme de l’Etat et l’affrontement entre Etats. Les régions à contenu national sont les racines de l’Europe, il nous revient de les vivifier et de les promouvoir. L’unité au sommet serait également nécessaire, mais là nous dépendons hélas des Etats dont la plupart freinent des quatre fers. Le couple franco-allemand pourra-t-il les tirer en avant ? Le Président Macron s’y emploie vigoureusement. Y trouvera-t-il plus de succès qu’en politique intérieure ? Pour le bien de l’Europe ça me paraît souhaitable.
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