L’Édito du mensuel Enbata
100% des votants. Non ce n’est pas une élection à la soviétique, mais le premier tour des municipales du 15 mars à Arbonne, en Pays Basque. Tel était le résultat officiel paru dans la presse le soir du scrutin déclaré par la maire sortante Mme Marie-José Mialocq. Une véritable “mise en scène de théâtre” dénonce l’opposant, Beñat Arla, tête de la liste “Un nouveau souffle pour Arbonne”. En effet, le scénario est publiquement dévoilé par la maire sortante dès le début du dépouillement des bulletins de vote, forte de la lecture à haute voix, par son premier adjoint, d’un article du code électoral rendant nuls les bulletins ne mentionnant pas la nationalité espagnole du candidat en cinquième position sur la liste. “Tu ne peux pas faire ça, tu vas mettre le feu au village”, l’interpelle Beñat Arla. Et d’appeler, tous les deux, la préfecture, qui exige d’aller au bout du dépouillement. C’est ainsi que les 439 voix acquises à la liste basquiste, conduite par Beñat Arla, sont décomptées nulles, d’où l’élection à 100% de la maire sortante contre 0 à son opposant. D’où la réélection pour un troisième mandat de Marie-José Mialocq, 69 ans, retraitée de la Direction départementale de l’Equipement.
Ce dépouillement arbonar s’inscrira sûrement dans un manuel de gags démocratiques. En effet, sur chaque enveloppe contenant un bulletin de la liste Arla, les quatre scrutateurs de chaque table apposent leur signature et l’inscrivent sur la feuille d’émargement dans la colonne “nul”.
Contrairement à l’affichage officiel, les 19 candidats de la liste de Beñat Arla ne sont pas nuls. Leur bonne foi est totale et aujourd’hui reconnue par le tribunal administratif de Pau. Lors de leur déclaration de candidature en préfecture, ils avaient bien mentionné que le cinquième, Zigor Goieaskoetxea, était de nationalité espagnole et avait pour cela rempli une attestation spécifique. On sait que l’Union Européenne offre à tous ses citoyens la faculté de se présenter aux élections locales dans le pays étranger où ils vivent. La France, seule, y met une restriction: ne pas occuper une fonction d’exécutif, maire ou adjoint, afin de ne pas participer à l’élection des sénateurs qui élaborent la loi de la nation française. L’Europe nous affranchit, dans ce domaine éminemment politique, de la frontière étatique qui écartèle le Pays Basque. Hélas, l’imprimeur commet une faute en oubliant de mentionner la nationalité espagnole de Zigor sur les bulletins de vote. Comme dans les communes de moins de 2.500 habitants il n’y a pas de commission de contrôle électoral et que les bulletins ont été directement livrés à la mairie, personne ne s’est rendu compte de l’erreur de l’imprimeur. Sauf, sûrement, la municipalité sortante qui les a réceptionnés et a laissé se dérouler le scrutin jusqu’au dépouillement, quand tout était bouclé, créant à ce moment-là, “une irrégularité”, dira le tribunal.
Le recours introduit par Beñat Arla avec le soutien de l’avocate Dorothée Mandile, a trouvé son épilogue le mardi 12 septembre par le verdict du tribunal administratif déclarant “l’annulation de l’ensemble des opérations électorales du 15 mars” sur la base “de l’altération de la sincérité du scrutin” imputée à Mme Mialocq qui a désormais un mois pour faire appel de ce jugement auprès du Conseil d’Etat qui devrait convoquer un nouveau scrutin dans les mois qui viennent.
Nous resterons attentifs à cette nouvelle donne électorale qui, nous l’espérons, viendra gonfler la récente vague abertzale des municipales d’Iparralde et capitaliser le long engagement démocratique local de nos amis où, au scrutin précédent de 2014, la liste abertzale ouverte de Xabi Aphesteguy échouait au second tour à 30 voix.
Dimanche 27 septembre, 87.000 “grands électeurs”, dont 95% issus des conseils municipaux élus le 28 juin, élisaient 172 sénateurs dans la moitié des départements français. On sait que le Sénat se renouvelle par moitié tous les trois ans pour un mandat de six ans. Ce type d’élection au suffrage universel indirect est l’assurance d’un immobilisme politique au point que Lionel Jospin, alors Premier ministre, l’avait qualifié d’“anomalie démocratique”. Dans ce marais stagnant il est très difficile pour une minorité nationale d’obtenir un élu. C’est pourtant ce qu’ont réussi les nationalistes corses dimanche dernier en élisant un des leurs, Paulu Santu Parigi, maire de Santa Lucia di Mercurio, avec le soutien affiché de Gilles Simeoni, président de la Communauté territoriale de Corse. Cela est le reflet de l’avancée spectaculaire des abertzale corses dans les différents scrutins de l’île, notamment lors des dernières municipales. Ainsi, le nouveau sénateur, patriote corse, a été remarquablement élu par 328 des 558 “grands électeurs”. Il s’inscrira au nouveau groupe que les Verts peuvent constituer au Sénat. La représentation parlementaire du nationalisme corse s’élargit et compte déjà trois députés à l’Assemblée nationale et un eurodéputé à Strasbourg. Coïncidence heureuse, une délégation corse, conduite par l’eurodéputé François Alfonsi, s’est rendue en Iparralde les 12, 13 et 14 septembre, afin de consolider les relations avec notamment Seaska, AEK, Laborantza Ganbara, Bizi, l’Eusko et Enbata. Cette victoire corse aux sénatoriales nous emplit de joie.