Gustave ALIROL, Président de Régions et Peuples Solidaires
Une détermination renouvelée dans le combat que nous menons de longue date pour nos langues « régionales »
Le rassemblement à Paris le 30 novembre est une première. Il vient parachever un constat, ancien certes, mais qui perdure, dans un contexte de mépris accentué vis à vis de nos langues. Alors qu’elles sont pour la plupart menacées de disparition, l’essentiel est surtout de faire le point sur les exigences à respecter pour assurer leur avenir.
La négation du droit à l’existence de nos différentes langues est au cœur de l’ADN de l’État républicain centraliste ; celui-ci l’a d’ailleurs reprise de l’Ancien Régime, lequel par l’Édit de Villers-Cotterêts, soi-disant dirigé contre le latin, avait déjà entamé l’œuvre de destruction.
Au fil du temps, sous la pression des défenseurs des langues dites « régionales », la République a certes affiné son discours. Elle s’est même efforcée récemment d’abandonner sa diatribe traditionnelle. Mais, hypocrisie suprême, la reconnaissance obtenue en 2008 avec l’actuel article 75-1 de la Constitution relève du tour de passe-passe : on sait le sort réservé à ce texte par le Conseil Constitutionnel, affirmant en 2011 son absence de valeur normative !
La non-ratification par la France de la Charte des langues régionales et minoritaires du Conseil de l’Europe se trouve aujourd’hui pleinement actée. En réalité les choses étaient jouées dès 1992 avec la révision constitutionnelle de l’article 2 (« la langue de la République est le français »). Destinée soi-disant à lutter contre un usage excessif de l’anglais – l’histoire se répète ! – elle ne visait en réalité à rien d’autre qu’à empêcher une éventuelle ratification par l’État français de la Charte européenne alors en gestation.
Peu importent désormais les débats et argumentations sur la possible compatibilité d’une ratification a minima de la Charte avec la Constitution. Nous sommes aujourd’hui bien au-delà de ce questionnement, notamment pour ce qui est de la volonté politique de nos actuels dirigeants comme des mesures rendues nécessaires par la situation actuelle.
C’est en effet un degré supplémentaire qui a été franchi dans le rejet d’une politique en faveur de nos langues, comme un retour vers une attitude inadmissible que l’on croyait dépassée. À côté du centralisme traditionnel vient en effet poindre un mépris souverain affiché par nos gouvernants pour les différentes langues « régionales », en quelque sorte inadaptées par nature à la modernité (tout juste bonnes pour « les toilettes »). Ainsi doit se comprendre l’enterrement implicite de l’enseignement efficace (par immersion) de ces langues à l’occasion de la réforme des programmes des lycées et de la nouvelle organisation du Baccalauréat. Le néolibéralisme « moderniste » vient subrepticement conforter l’argumentaire ancien !
Nous ne pouvons, bien évidemment, que dénoncer avec la plus ferme énergie cette approche d’un autre âge qui se présente sous les atours de la modernité.
L’avenir de nos langues « autochtones » est à bien des égards une question d’urgence et pleinement d’actualité :
- Les langues autochtones participent de la « biodiversité culturelle », laquelle est une composante indiscutable de la biodiversité du vivant en général. Quel monde voulons-nous demain ?
- Les langues autochtones sont des langues territorialisées. Leur mise en valeur participe de la reconnaissance des territoires et de leur nécessaire prise en considération tant dans le combat écologiste global dont ils sont des acteurs fondamentaux que dans une répartition harmonieuse des activités pour lutter contre une sur-concentration intenable à terme. Les langues « régionales » sont un élément évident du dynamisme des territoires ;
- Avec la problématique des langues territoriales se pose inévitablement la question de la démocratie territoriale dont l’acuité n’est guère à démontrer (les « Gilets jaunes » sont passés par là !) : de qui relève fondamentalement la décision sur l’avenir de nos langues : de Paris et du Gouvernement central ou des territoires qu’elles ont contribué à façonner et donc de leurs populations ? C’est l’éternelle interrogation soulevée pour tout ce qui touche à un développement adapté à chacun de nos territoires.
De quoi avons-nous besoin aujourd’hui pour l’avenir de nos langues et de nos territoires ?
Une question préalable toutefois : Pourquoi ce qui est possible ailleurs est-il interdit ici ? Pourquoi l’usage social du gallois a-t-il pu se développer grâce à une politique résolue au Pays de Galles, par exemple, et pourquoi ceci ne serait-il pas possible pour les langues territoriales au sein de la République ? Pourquoi, ce qu’impose la Convention Européenne des droits de l’Homme à la Russie en Transnistrie (d’après un arrêt de la Cour de Strasbourg de septembre 2019) ne vaudrait-il pas chez nous ?
C’est bien évidemment une approche entièrement renouvelée de la question des langues régionales au sommet de l’État comme dans nos différents territoires qu’il convient donc de promouvoir. Il n’est pas question ici d’en exposer tous les tenants et les aboutissants, mais d’insister sur l’essentiel, en rappelant l’urgence.
- S’impose comme première nécessité un véritable statut constitutionnel pour nos langues dans leurs territoires respectifs, en confiant aux institutions territoriales les compétences nécessaires. Il faut le dire et le redire : l’unité de République n’a rien d’incompatible avec une réelle prise en compte de la diversité territoriale ;
- S’impose aussi une politique, ambitieuse et progressive mais déterminée, de valorisation et de promotion de ces langues, à rebours de la déconsidération dont elles ont été l’objet depuis des siècles de la part de l’État. Osons le dire, une sensibilisation de toute la jeunesse des territoires concernés est indispensable en même temps que des actions tendant à renforcer l’usage social de ces langues de la part du public et des médias en général.
- Dans cette approche, l’État doit apporter sa contribution, organisationnelle et financière, à côté de celle des territoires, ne serait-ce qu’au titre de sa responsabilité qui, pour être partagée, n’en est pas moins première. Une politique conséquente pour nos langues, même si elle n’est pas, par nature, plus dispendieuse qu’une autre (un enseignement par immersion à parité horaire, par exemple, ne coûte pas plus cher qu’un enseignement intégralement en français), n’en a pas moins besoin de moyens et de moyens sérieux de financement.
Pareille approche nécessite une prise en compte politique de la demande sociale (manifestée par tous les sondages), autrement dit que la question des langues territoriales devienne une véritable question politique se traitant de manière pleinement démocratique. Cette prise en compte politique doit être le fait non seulement des élus des territoires, mais aussi des responsables politiques d’État.
C’est donc bien à un abandon de la vulgate traditionnelle en la matière que nous en appelons et à une reconnaissance véritable de nos langues « régionales » afin de les considérer dans un esprit d’égalité entre toutes les langues.
Pourquoi ménagez-vous M. Lamassoure, auteur de la phrase assassine de la Constitution. Son français n’étant contaminé par aucune langue minoritaire, formé à l’ENA, il savait parfaitement ce qu’il faisait en écrivant cette phrase de la constitution. Et il a eu le culot de se présenter chez nous ! Et malheureusement il a été élu. Quand nous en avons l’occasion, n’hésitons pas de mettre son nez dans son kk.
xipri