Peggy Kançal (déléguée au Plan Climat Région Aquitaine) et Françoise Verchère (co-présidente du CéDpa, le Collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes) participeront à Alternatiba 2013 à Bayonne. Toujours militantes, elles témoignent pour Alda ! sur le parcours qui les amène à avoir actuellement des responsabilités politiques.
Comme elles, plus de 100 conférencier-e-s dont Christophe Aguiton, Geneviève Azam, Eva Joly, Patrick et Brigitte Baronnet, Michel Berhocoirigoin, José Bové, Annick Coupé, Jean-Marie Harribey, Hervé Kempf, Claude Labat, Pierre Larrouturou, Corinne Morel Darleux, Paul Nicholson, Thierry Salomon (négaWatt), Patrick Viveret etc. seront présent-e-s à Alernatiba, le dimanche 6 octobre 2013 à Bayonne.
Grâce à cette interview croisée de Peggy Kançal et de Françoise Verchère le lecteur d’Enbata aura un avant-goût de tout ce qu’Alternatiba permettra de découvrir en une riche journée d’expositions, de stands, de projections, de démonstrations pratiques dans toutes les rues et places du Petit Bayonne.
Du militantisme à la fonction d’élue politique quelle a été votre cheminement, et, qu’est-ce qui vous permet d’être toujours mobilisée pour “autre monde nécessaire et possible” ?
Françoise Verchère : Militante associative et politique depuis très longtemps, j’ai évidemment pensé que la fonction d’élue (j’ai été maire d’une commune assez importante et vice-présidente d’un Conseil Général) me permettrait d’agir de façon efficace. Et de fait j’ai eu la chance de participer concrètement à de belles réussites. Cependant, j’ai aussi pris conscience des dangers du pouvoir, des dérives d’un monde politique très décrédibilisé et de l’aveuglement de beaucoup sur les causes des problèmes que nous vivons… Mon refus des compromissions et ma volonté de rester fidèle à mes valeurs m’ont poussée à une forme de rébellion qui me ramène aujourd’hui à un militantisme d’action. Car il y a urgence à changer de modèle ! Tout nous le montre chaque jour. Je ne finirai pas ma « carrière » politique sous les ors de la République mais je pense qu’il y a plus de créativité, de solidarité et de conscience collective chez tous ceux qui luttent contre ce projet inutile et coûteux d’aéroport à Notre Dame des Landes que dans bien des assemblées élues…Et c’est en pensant à demain, à nos enfants et petits-enfants qui auront peut-être raison de nous accuser que je reste mobilisée malgré parfois la tentation du découragement
Peggy Kançal : Comme beaucoup de jeunes, le 21 avril 2002 m’a interpellée : j’ai voulu m’engager et rejoindre une force politique. Ce sont des rencontres (militants anti-nucléaire), des lectures (Alain Lipietz) et des engagements associatifs (Greenpeace, AMAP…) qui m’ont amenée à adhérer aux Verts en 2003. Aujourd’hui, à 33 ans, je suis fière d’être la benjamine du Conseil Régional d’Aquitaine pour y porter les valeurs de l’écologie politique. Ma mission est de proposer et de mettre en œuvre des solutions locales à des problèmes aussi complexes que le changement climatique ou la crise énergétique. C’est un challenge réellement passionnant, car cela m’amène à travailler en synergie avec des acteurs très militants (chefs d’entreprises, acteurs associatifs et coopératifs…) : c’est ensemble que l’on peut construire cet « autre monde » pour nos enfants !
L’urgence climatique (ou de façon plus générale écologique) et la justice sociale… pourquoi et comment sont-elles et doivent-elles être compatibles ?
Françoise Verchère : La crise écologique frappe et frappera d’abord les plus faibles et les plus pauvres dans tous les pays : accès à l’eau, pollutions locales, coût de l’énergie, mauvaise alimentation ou faim, déplacements forcés à cause de la montée des eaux, etc. Neuf milliards d’êtres humains sur la planète, c’est possible mais seulement si la répartition des richesses change. Justice sociale et réponse aux défis environnementaux sont donc intrinsèquement liées si nous ne voulons pas que les déséquilibres actuels aboutissent à des conflits de plus en plus violents et/ou à l’irréparable pour l’espèce humaine.
Peggy Kançal : On sait bien que ce sont les gens les moins favorisés qui seront les premiers et les plus touchés par les impacts du changement climatique, c’est vrai à l’échelle de la planète, comme dans nos territoires. Une récente étude du CREDOC a montré que la précarité énergétique, en France, est aujourd’hui la plus forte dans les territoires ruraux, où les charges liés au chauffage de l’habitat et aux déplacements explosent pour les ménages. C’est ce type de constats qui sous-tend nos politiques régionales : par exemple, dans le cas du programme « Territoires à énergie positive » (TEPOS), la Région contractualise avec des communautés de communes rurales, pour que les premiers bénéficiaires de l’autonomie énergétique soient les habitants de ces zones-là.
Françoise Verchère :
«Justice sociale et réponse aux défis environnementaux
sont intrinsèquement liées
si nous ne voulons pas que les déséquilibres actuels
aboutissent à des conflits de plus en plus violents
et/ou à l’irréparable pour l’espèce humaine.»
Françoise Verchère, vous êtes co-présidente du CéDpa (Le Collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes). Comment et pourquoi est né ce collectif ? Quelles sont ses formes de mobilisations et ses premiers résultats/ses premières victoires ?
Françoise Verchère : Ce collectif de près de mille élu-e-s est né en 2009 du refus d’un modèle de développement, celui que symbolise le projet de nouvel aéroport à Notre Dame des Landes : la croissance sans fin, la métropolisation et la concurrence entre métropoles, le gaspillage des terres agricoles et naturelles, la collusion entre pouvoir politique et lobbies économiques, les projets inutiles mais coûteux en argent public, nous n’en voulons plus et nous le disons ! En finançant par exemple des contre-études qui montrent les mensonges du dossier officiel. Ou en portant le contentieux au niveau juridique national et européen. Après beaucoup de mépris de la part des «grands élus» et de l’État, nous sommes désormais reconnus comme interlocuteurs légitimes mais les porteurs du projet cherchent toujours à nous séparer des autres opposants, alors que la résistance sur le terrain et la désobéissance sont évidemment indispensables car elles ont permis d’empêcher le démarrage des travaux.
Peggy Kançal, vous êtes déléguée au Plan Climat de la Région Aquitaine. En quoi cela consiste-t-il ?
Peggy Kançal : Ma délégation consiste :
- d’une part à piloter le plan climat régional : démarche relancée en 2011, notre “Défi aquitaine climat” vise à réduire l’empreinte carbone du fonctionnement et des politiques de la Région, à travers 300 mesures et un objectif de 200 000 T de CO2 économisées d’ici 2014 (fin 2012, nous en étions à 42 000 T).
http://aquitaine.fr/politiques-regionales/environnement-climat-energie/defi-aquitaine-climat,6602.html - d’autre part à favoriser le développement raisonné les énergies renouvelables (EnR) en Aquitaine : en termes de niveau d’ambition, la Région souhaite doubler la part des EnR dans le mix énergétique (passer de 16% à 32%) d’ici 2020, sachant que le grand défi est celui de la diversification (en plus de l’hydraulique et du bois-énergie, il s’agit de développer le solaire, l’éolien terrestre, la géothermie, la méthanisation, les énergies marines) ; mais il faut aussi que ce développement soit combiné et cohérent sur les territoires, qu’il réponde au plus près aux besoins locaux de consommation (c’est pourquoi une politique telle que «TEPOS» nous permettra de rationaliser les projets EnR et de tester des montages juridiques et financiers innovants, en lien étroit avec les élus locaux).
Peggy Kançal :
«Un événement comme Alternatiba est crucial :
dans le domaine du changement climatique,
sans ce lien avec la population,
toute l’action des chercheurs,
des acteurs socio-économiques
et des politiques, sera vaine.»
En quoi un évènement comme Alternatiba (le village de transition vers le monde de demain, permettant dès aujourd’hui à chacun (individus, communes, associations, etc.) de lutter concrètement contre le changement climatique et de faire face à la crise énergétique) vous semble important ?
Françoise Verchère : Malheureusement la plupart des politiques au pouvoir, à quelque niveau que ce soit, n’ont ni le courage de prendre les décisions qui s’imposeraient, ni même peut-être conscience de la gravité des enjeux. Englués dans un logiciel d’avant-hier, ils vivent encore dans l’illusion du P.I.B. et de la reprise de la croissance. C’est donc du côté de la mobilisation citoyenne qu’on peut trouver des raisons d’agir et d’espérer. Un événement comme Alternatiba s’inscrit dans cette démarche de réflexion collective et de propositions d’alternatives concrètes. Si nos politiques ne sont pas capables de montrer la voie, alors il faudra les forcer à nous suivre !
Peggy Kançal : Je me souviendrai toujours des paroles de Hervé le Treut lorsqu’il est intervenu lors du lancement de notre «Défi Aquitaine Climat». Il a expliqué que le GIEC – malgré toute la compétence et l’expertise scientifique – avait sous-estimé l’importance de l’appropriation de ce sujet par le grand public et de l’effort de vulgarisation. Un événement comme Alternatiba est crucial de ce point de vue : sans ce lien avec la population, toute l’action des chercheurs, des acteurs socio-économiques et des politiques sera vaine. C’est pourquoi je veux me mobiliser aux côtés des organisateurs et des citoyens pour cette manifestation majeure.
Tous les détails sur Alternatiba en cliquant sur : www.bizimugi.eu/fr/climat-un-rendez-vous-important-les-5-et-6-octobre-a-bayonne