Comme le titrait la une de Mediabask dans son numéro spécial sur cette affaire, on ne peut qu’adresser un grand milesker aux cinq protagonistes de l’opération de Luhossoa. Ce que l’on ressent d’abord devant l’initiative qu’ils ont prise, c’est un énorme sentiment de respect. Que des personnalités de cet acabit, dont on sait qu’elles n’ont rien à voir avec la lutte armée d’ETA, poussent la prise de responsabilité vis-à-vis du processus de résolution du conflit jusqu’à risquer la prison : chapeau !
Dans ses interviews (Mediabask, Berria), Mixel Berhocohirigoin affirme que l’ampleur des mobilisations qui ont suivi leur arrestation est l’expression d’une attente dans la société face au blocage du processus.
Moi je dirais pas seulement : elle témoigne également de ce que représentent ces personnalités en Pays Basque, et aussi à l’échelle de l’État français.
L’ampleur des mobilisations au lendemain de leurs arrestations est impressionnante, mais également leur instantanéité et leur diversité. Les différents élus et responsables politiques ont démontré un soutien sans faille à la feuille de route d’Aiete, et l’unité qu’ils ont affichée, dans un contexte préélectoral, atteste d’une grande maturité politique.
De plus, les milliers de personnes qui ont participé à la manifestation de Bayonne du 17 décembre, et aux multiples rassemblements qui ont eu lieu tout au long de la semaine suivante montrent que le concept de “société civile” n’est pas un concept abstrait, mais bien un concept pertinent, doté d’une puissance toute particulière en Pays Basque.
En fin de semaine encore, en marge d’un déplacement à Berlin, le ministre de l’intérieur Bruno Leroux avait beau continuer de se féliciter de l’opération, il ne pouvait escamoter le fait que les actes portent plus que les paroles : leur libération est une première victoire des “artisans de la paix”, et le véritable coup dur est celui porté à l’alignement des autorités françaises sur la stratégie de blocage et de sape du processus de paix imposé par Madrid. La question est maintenant de savoir si, pour reprendre l’expression de Michel Tubiana, le gouvernement français va s’obstiner dans son rôle de “petit télégraphiste de son homologue (espagnol), dans une espèce de solidarité aveugle et absurde”.
Plus généralement, l’enjeu est de débloquer le processus de résolution dans sa globalité. Le communiqué de Txetx, Mixel Berhocohirigoin et Michel Tubiana rendu public dans les heures qui ont suivi leur arrestation trace les contours de cette globalité : le désarmement bien sûr, mais aussi, “la prise en compte de toutes les victimes avec les réparations que cela suppose dans le cadre d’une démarche de type ‘vérité et réconciliation’, et la libération de tous les prisonniers en lien avec le conflit basque”.
L’impact de l’initiative de Louhossoa et de la mobilisation qu’elle a suscitée nous a indéniablement situés dans une nouvelle étape du processus.
Cette nouvelle étape se caractérise, me semble-t-il, par deux éléments clés. D’une part, dans les échanges de lettres ETA affirme vouloir pouvoir “déclarer dans les plus brefs délais qu’ETA n’est plus une organisation armée”.
D’autre part, Txetx souligne dans ses déclarations que le fait majeur c’est qu’ETA ait accepté de confier à la société civile la responsabilité de son désarmement. Dans cette nouvelle étape, il est fondamental que la prise de responsabilité et la mobilisation de la société civile qui a pris forme en Iparralde se propage aussi en Pays Basque Sud.
Dans cette nouvelle étape,
il est fondamental que la prise de responsabilité
et la mobilisation de la société civile
qui a pris forme en Iparralde
se propage aussi en Pays Basque Sud.
A cet égard, au delà de la photo d’une conférence de presse commune qui nous rappelle fortement Lizarra-Garazi, la déclaration conjointe du PNV, EH Bildu, Podemos Nafarroa, Geroa Bai, ELA, LAB, ESK, STEE-EILAS, Etxalde, pose un jalon important vis-à-vis du potentiel de mobilisation de la société civile en Hegoalde.
Je ne doute pas que l’année 2017 sera une année décisive pour la résolution du conflit en Euskal Herria.
Il y eu un avant, et il y aura un après Louhoussoa : berriz ere Béatrice, Etxe, Mizel, Txetx, Mixel et Michel milesker.