Au départ de notre civilisation il y a la cité antique, – grecque, latine, celtique, aquitaine, – cité idéale de notre imaginaire collectif, reprise en fait au Moyen Age : ce n’était pas une ville, mais un territoire rural centré sur un gros bourg, un noyau urbain dont le marché, le sanctuaire, la tour de garde, le tribunal desservaient l’ensemble et assuraient sa cohésion.
De son côté la campagne fournissait l’espace, les paysages, l’air, l’eau, la nourriture, les matériaux, les nourrices, la main-d’oeuvre, les soldats…
Qu’est-ce qui a changé, pour l’essentiel au XXe siècle ? Beaucoup de choses évidemment, mais surtout le fait que le pétrole à bon marché et les transports faciles donnent à la ville actuelle l’illusion de ne rien devoir à son arrière-pays, d’où la tentation de lui tourner le dos : l’on croit se suffire à soi-même.
Pour le moment ça marche, avec des produits de toutes sortes qui viennent rapidement du monde entier. Mais qu’en sera-t-il demain avec le tarissement des puits qui pointe inéluctablement à brève échéance ?
Pour la Côte basque, l’énergie viendra forcément de l’intérieur du territoire, sous des formes renouvelables qui auront besoin d’espace pour exister et se développer.
Les transports seront coûteux, et de plus l’on ne pourra pas compter sur des continents surpeuplés pour approvisionner sa table depuis l’extrémité de la planète.
Déjà la Côte basque reçoit des terres contiguës son eau, la moitié de son air et ce fameux label “Basque” si typé qui fait tout vendre, notamment aux touristes en mal d’exotisme : est-ce négligeable ?
Et que dire de notre apport humain ? Ce ne sont pas les retraités venus du nord qui pourront assurer l’avenir démographique de Biarritz et de Bidart par exemple. La ville balnéaire sans espace, sans arrière-pays, est à plus ou moins brève échéance vouée au déclin, notamment par manque de terrains pour le logement, avec de plus la montée de l’océan qui ronge son littoral.
Une cité hors-sol n’a pas d’avenir : elle est toutes proportions gardées une nouvelle bande de Gaza en perspective.
Pensez-y, chers édiles des cités balnéaires, osez regarder au-delà du court terme. Gardez-vous de mépriser les bouseux du terroir, n’insultez pas l’avenir, ne dites pas “fontaine, je ne boirai pas de ton eau”, déjà elle étanche votre soif et arrose vos douches : vous ne pourrez pas vous passer de nos sources !
L’avenir est clairement à la complémentarité de la Côte basque et du Pays Basque intérieur, à leur coopération, à leur solidarité, et non au chacun pour soi, à l’isolement égoïste et stérile.
Il faudra aussi peser au sein d’une région Aquitaine devenue énorme. Ensemble nous ne serons pas de trop pour nous faire entendre à Bordeaux. Séparément nous ne serons que des pions minuscules sur la carte, en concurrence entre nous, des presque rien.
La Soule non plus n’a pas intérêt à s’isoler de l’ensemble basque. Ses relations traditionnelles avec le Béarn sont plus qu’équilibrées par les liens qu’elle développe avec la Basse-Navarre. Si la Haute-Soule est proche d’Oloron, par contre les Arbailles et la Basse-Soule, largement majoritaires, vivent en symbiose avec l’Ostabarret et le Pays de Mixe, notamment en liaison avec le complexe agricole, hospitalier et post-scolaire de Saint-Palais.
Enfin l’important mouvement culturel et folklorique se tourne résolument vers les autres “provinces” basques et, signe des temps, à peu près la moitié du public des grandes pastorales vient désormais de Basse-Navarre et du Labourd. La grande majorité des élus souletins a fait le bon choix et je ne peux que m’en réjouir sans réserve.
Quant à la chevauchée fantastique du baron de Mixe en territoire béarnais, à quoi rime-t-elle ? Soudain le raisonnable Sancho Pança se mue en Don Quichotte aventureux, et son équipée conquérante me semble avoir autant d’avenir que celle du chevalier à la triste figure.