ENBATAk 60 urte
Pour faire un bon selfie, il faut prendre la photo en regardant le sud. Ainsi, après avoir écarté des dizaines de tentatives qu’on oubliera, grâce à un soleil qui montre nos visages radieux, nous obtenons une image qui nous convainc, avec laquelle nous nous sentons à l’aise et avec laquelle, surtout, nous cachons notre part d’ombre.
C’est l’un des grands problèmes de l’abertzalisme en Hegoalde. Il s’est habitué à avoir une belle apparence sur les photos, toujours en regardant vers le sud, en faisant attention à lui-même, en ne reconnaissant pas ses faiblesses, en s’accrochant désespérément aux quelques images qui le montrent splendide. Cependant, si l’abertzalisme du Sud se regardait dans le miroir, le matin, dès le réveil, juste pour faire face un jour de plus à sa marche vers la souveraineté, il verrait des cernes, une certaine apathie, un corps fatigué, usé,… sans l’énergie qu’elle possédait il y a seulement quelques dizaines d’années. Soyons sérieux. Au cours des dernières décennies, l’abertzalisme du sud n’a pas arrêté l’entrée du fascisme dans ses institutions, il n’a pas gardé la dynamique de rue, il n’a pas créé de structures permettant de progresser vers la souveraineté, il n’a pas attiré de nouveaux secteurs, il n’a pas réussi à construire d’entente entre différents secteurs de la société. Il n’a même pas réussi à désarmer l’ETA.
Cependant, en septembre dernier, nous avons vu le Lehendakari, président d’Iparralde participer à un acte de désobéissance civile en faveur des prisonniers. Ces dernières années, nous avons vu comment Euskal Moneta est devenue l’une des monnaies locales les plus importantes d’Europe; comment Euskal Herriko Laborantza Ganbara se renforce; comment l’abertzalisme est entré dans les institutions locales; comment se remet en question le modèle de développement via Bizi; comment on mise sur de nouveaux modèles rendus visibles grâce à dynamique Alternatiba; comment les Artisans de la Paix ont définitivement enterré les armes de l’ETA.
L’abertzalisme d’Iparralde est un acteur politique central de la dynamique du territoire. Il a noué des alliances avec des secteurs institutionnels. Cela a des conséquences dans les domaines des prisonniers et de l’euskara. Le mouvement abertzale d’Iparralde a contribué aux mobilisations de rues, en attirant et faisant participer des secteurs de la société qui en étaient éloignés après les avoir sensibilisé aux causes défendues. Il a œuvré à la structuration du territoire et a mis en place une stratégie de participation et de mobilisation basée sur des moyens conventionnels et disruptifs. Il n’a pas mis toute l’énergie dans les institutions, renonçant à présenter une candidature à la présidence de l’Agglomération, et a gardé une dynamique de rue en réussissant même à impliquer les Institutions publiques dans la confrontation politique.
Toute personne ne connaissant pas tout le travail derrière ces avancées se contente de dire que c’est dû au fait qu’il y n’y a pas eu autant de violence en Iparralde. Certes, mais cela cache la finesse tactique et stratégique qui nous manque tant ici. C’est ainsi que nous apparaissons toujours plus beaux sur la photo en expliquant ce qui se passe en Iparralde à partir de la réalité d’Hegoalde. Mais le petit frère, celui que l’abertzalisme du Sud traitait ou traite avec paternalisme, est devenu majeur, un exemple de savoir-faire. Un exemple duquel l’Euskal Herri péninsulaire a beaucoup à apprendre, si cette dernière décide, ne serait-ce qu’une fois dans son histoire, d’arrêter de se regarder elle-même, et de regarder vers le Nord.
Milesker, Igor,
Que de compliments !
Mais en iparralde aussi, il nous reste tellement de chemin à parcourir !
Ongi segi!
Bravo pour cet article plein de lucidité.