Marylise Lebranchu a enterré le reste de nos illusions en déclarant, vendredi 19 juillet, à l’Assemblée nationale qu’il n’y aurait pas de collectivité à statut particulier pour le Pays Basque. Ce n’est pas un échec, c’est une humiliation ! La ministre de la décentralisation a proposé à la séance du jour un amendement écrit à la hâte créant un pôle Pays Basque, prolongeant le Pays Pays Basque actuel, qui n’a pas recueilli le moindre suffrage. Les parlementaires basques, absents, n’étaient pas informés. Voilà comment cette dame, élue de Bretagne, ancienne Garde des sceaux du gouvernement Jospin, conclut le chapitre basque pourtant ouvert par la réception, en novembre, à son ministère, d’une délégation des élus d’Iparralde, à qui elle avait promis de se rendre chez nous pour donner corps à notre revendication consensuelle.
Force est de reconnaître que l’apparente cacophonie socialiste, illustrée par les diverses propositions parlementaires basques à l’Assemblée nationale et au Sénat, toutes rejetées, débouche sur l’alignement sur la doctrine du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls. N’a-t-il pas refusé, dès l’origine, toute ouverture institutionnelle au Pays Basque, faisant un amalgame honteux avec ETA. Notre cas particulier illustre la perversion de la soi-disant volonté décentralisatrice du nouveau pouvoir qui, contrairement à celle de Mitterrand, n’est de fait qu’un aménagement du territoire. Il y a trente ans, les lois Defferre supprimaient la tutelle des préfets, créaient les Régions et le Statut particulier de la Corse. Seul le département Pays Basque restait aux oubliettes. ETA, déjà. Cette réelle décentralisation de l’Etat délivrait cependant le signe fort de ses limites car l’article 1 du Statut particulier de la Corse fut déclaré anticonstitutionnel: il proclamait le “peuple corse composante du peuple français”. Or, pour la République française il n’est pas de peuple corse. Le grand “droit de l’hommiste ” Robert Badinter fut particulièrement fier de sacraliser l’unicité du peuple français qui ne s’accommode d’aucun autre peuple intégré.
Cette vision jacobine de la France est largement partagée par toutes les familles de pensées de l’Hexagone, des souverainistes absolus du Front de Gauche-PCF-FN, aux libéraux des centres, socialistes et neogaullistes. Cette exception française est rarement au cœur des débats européens, pudiquement recouverte du manteau vertueux de la création littéraire et de l’audiovisuel. Les partenaires de la France au sein de l’Union européenne sont des pays démocratiques, mais la France, elle, est d’abord et avant tout une république. Les phénomènes de société communs à notre continent ont ici une résonance particulière. Après des émeutes populaires on ne rétablit pas l’ordre mais l’ordre républicain. La burqua est certes le non-respect de la femme mais ici, tout autant, le non-respect des valeurs républicaines. La laïcité n’est pas la juste neutralité publique vis-à-vis des religions, mais un pilier de la république. Si la démocratie est partout un mode de gouvernance de la société fondé sur la souveraineté du citoyen, en France c’est plus que cela car la république est une idéologie offerte en exemple au monde, qui donne à l’Etat la mission historique de l’unité de la nation. Le centralisme est sa composante. Si Napoléon est considéré comme un dictateur, il demeure cependant un maillon de cette chaîne culturelle française qui a créé un corps de fonctionnaires d’autorité, en uniforme, quadrillant le territoire. Unique dans le monde démocratique.
Cette digression permet de mieux comprendre l’incapacité de l’Etat à aborder, encore moins à comprendre, le fait basque dans la continuité territoriale de l’Hexagone. Idem le “baraguoin” Lebranchu. Doit-on pour autant renoncer à faire aboutir le consensus institutionnel d’Iparralde? Cette chronique a déjà répondu à cette interrogation collective en mobilisant nos énergies militantes pour ouvrir, enfin, un dialogue avec nos co-locataires départementaux, les Béarnais. Vu de Paris, on ne peut ajouter au jacobinisme l’abandon à leur sort non désiré de nos voisins. Nous serions autrement entendus s’il y avait divorce à l’amiable, d’autant que face aux adversaires anti-basques tel le député-maire de Mourenx, David Habib, nous pouvons déjà compter sur deux parlementaires Frédérique Espagnac et Jean Lassalle. On perd les combats que l’on refuse.
Il nous faut aussi rapidement répondre à une autre échéance. Les Conseils des élus et de développement doivent se prononcer avant la fin de l’année sur le renouvellement du contrat territorial. Déjà le pressing préfectoral pèse lourdement sur nos dernières assemblées. Au-delà des projets d’équipement et de financement pour les cinq ans qui viennent, c’est l’existence même de nos structures associatives, dont nous nous sommes dotés, qui est en jeu. On peut comprendre le K.O. debout de la plupart de nos élus et acteurs socio-culturels pleinement engagés dans l’institution spécifique, qui refusent de renouveler la contractualisation avec un gouvernement qui nous humilie jusqu’à menacer le maintien de la CAF à Bayonne. Peut-on décider du tout ou rien en quelques jours entraînant le sort des huit salariés de ces structures associatives ? Le Conseil des élus se réunit pour cela en AG le 5 septembre prochain et, d’ici là, son président, Jean-Jacques Lasserre, dans le même esprit, rencontrera les exécutifs des dix intercommunalités d’Iparralde. La gravité d’une telle décision engageant l’avenir ne peut relever d’élus en fin de mandat. Le pouvoir doit attendre le positionnement d’un personnel politique investi d’une nouvelle légitimité accordée par les élections municipales de mars prochain. Notre dialogue avec Paris, tant sur l’institution spécifique que sur la signature d’un troisième contrat territorial, doit être un des enjeux des prochaines élections municipales. Puisons dans la démocratie locale la force de notre destin.