L’Édito du mensuel Enbata
Et l’orchestre du Titanic continue à jouer… Cette fois, cela n’a pas le charme de musiciens consciencieux qui vont couler en tambour et trompette, ni même d’un hymne à la vie qui repeindrait la peur en beauté. Nous sommes en novembre 2021, dans le récit haletant d’un livre d’histoire qui s’écrit à toute vitesse, entre un rapport du GIEC qui nous coince en flagrant délit de sabotage et une COP26 qui met en scène la partition du naufrage. Les canots sont à l’eau, ils sont notre territoire, notre échelle de vie, la bouée que l’on arrache, comme ces 12 pauvres hectares de terres agricoles à Arbonne.
Depuis plus d’un an, dans ces colonnes, une bataille se prépare, “la mère des batailles” a-t-on dit. Une intense analyse des problèmes de logement et de foncier au Pays Basque, pour défendre le droit d’y vivre et de s’y loger. Une réflexion qui, chaque mois, clame son besoin d’organiser notre territoire, d’interpeler les pouvoirs publics et finit par converger vers cette manifestation d’ampleur qui, à Bayonne, à l’appel d’une trentaine d’organisations, marquera, ce 20 novembre, la prise en main officielle de notre propre destin, à la bonne échelle.
Car cette COP26 a au moins l’intérêt de mettre en scène, pour le monde entier, l’impuissance des pays à agir. C’est au plus près de nos vies que s’organise désormais la riposte. La métropole du Grand Lyon appliquera, dès ce mois-ci, l’encadrement des loyers dans les deux grosses villes de son territoire, en espérant faire mieux que les expérimentations récemment menées à Paris et à Lille.
Et c’est dans ce tempo que le président de la Région Aquitaine, Alain Rousset, immisce sa rengaine pour relancer son plus grand projet inutile. Ce n’est même plus un couac et ça n’a plus le charme désuet des années 90, quand on croyait encore pouvoir traverser le mur à grande vitesse. La LGV est un anachronisme stupéfiant, qui ne résonne au présent que pour nous parler de cette COP26, de lobbies puissants qui contiennent les décideurs, de logiciels que les briscards de la politique sont incapables de mettre à jour. Plus de 14 milliards d’euros pour un tronçon supplémentaire de LGV, de Bordeaux à Dax ou à Bayonne, dont 20% que l’Europe devrait financer ce qui souligne bien l’intention de connecter le réseau espagnol.
Nous sommes au bord d’une rupture de civilisation, d’un bouleversement inévitable. Par chance, la métamorphose a déjà commencé au Pays Basque et tout ce qui nous fait mieux vivre aujourd’hui est le fruit d’une lutte populaire. Ressortir les vieilles banderoles que l’on croyait remisées pour barrer la route à la LGV aurait pu être risible entre deux loisirs. Mais dans le chantier colossal qui s’impose à nous, il est aussi consternant d’être ainsi pris à revers. 6300 hectares de terres agricoles, de terrains boisés, de zones humides, confisquées pour la nouvelle voie, quand nous manquons si éloquemment de terres nourricières et de foncier. 40 millions d’euros par kilomètre, quand nos moyens sont déjà si faibles pour anticiper notre vie à venir, pour relocaliser notre économie ou assurer une nécessaire transition énergétique. Pour gagner 22 minutes de trajet vers Paris, en perdre, au mieux autant, pour rallier la nouvelle gare et “désenclaver” notre territoire, nous promet-on sans rire, à l’heure du wifi et du télétravail et alors même que l’attrait de notre pays est déjà source de pénurie de logements.
Les milliers de Basques, coincés chaque jour dans les embouteillages, pourront toujours méditer sur l’intérêt de ce transport public et préfèreraient sans conteste davantage de bus ou des lignes de trains rénovées et plus performantes. Dans cette attente, et comme l’a imploré le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, à Glasgow pour l’ouverture de la COP26, “il est temps de dire : assez !” Et s’il n’est, pour l’instant, pas bien compris là-haut, puisse-t-il être entendu ici bas ce 20 novembre.
Oui pour + de bus et de TER
Non à la destruction de nos terres pour la LGV