Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve. La crise du logement s’aggrave et s’accélère avec une violence inédite. Mais les réactions de la société basque et sa capacité de mobilisation également. L’heure n’est plus aux vaines protestations, mais aux victoires concrètes, permettant d’inverser la tendance. Une grande manifestation prévue le samedi 20 novembre à Bayonne va constituer un tournant et un moment fondateur dans cette perspective.
L’actualité de cette année 2021 a été rythmée en permanence par une série de mobilisations dénonçant la crise et la spéculation immobilière et foncière en Iparralde : occupation des terres agricoles d’Arbona ou d’un logement vacant à Hazparne, rassemblement d’EHBai devant le Conseil Communautaire ou pose de panneaux indiquant le nombre de résidences secondaires et de logements vides dans chaque commune, conférence de presse sur le logement social et très social de la plateforme Bâtir les solidarités, manifestation parodique de Bizi pour que le droit des riches à avoir deux logements passe avant celui d’en avoir un, rassemblement à Baigorri pour dénoncer la vente d’une maison à 899.000 euros, actions et manifestations de Gazte Ekintza ou de BAM, campagne d’Alda pour exiger des mesures urgentes contre la saignée du parc locatif à l’année par les locations de courtes durées de type Airbnb…
Le coût humain de la loi du marché
La mobilisation citoyenne ne risque pas de baisser et va au contraire redoubler d’intensité dans les mois à venir. Car la crise s’aggrave et s’accélère, multipliant les situations désespérées. Personnes gagnant entre le Smic et 2000 euros ne trouvant pas de logement car de plus en plus d’agences —et même un bailleur social !— exigent trois fois pile le loyer… Retraités locataires à Cambo virés par le propriétaire qui devait soit-disant s’installer dans leur maison, restée pourtant vide depuis leur départ dans les Landes (le couple n’ayant rien trouvé dans leur budget en Pays Basque)… Assistante maternelle perdant d’un coup son logement et son outil de travail car son appartement est vendu pour devenir une résidence secondaire… Employée de restauration d’Hazparne en attente de logement social depuis plus de 4 ans… Jeunes travailleurs vivant dans leur voiture à Anglet… Couple Biarrot apprenant par SMS que le propriétaire a décidé de transformer en Airbnb permanent le meublé touristique qu’il leur louait illégalement de septembre à juin seulement… Personne handicapée virée de son appartement à Bayonne, vendu pour devenir on ne sait quoi… Les permanences d’Alda ne désemplissent pas et offrent un bon reflet des diverses conséquences concrètes et cruelles de cette situation du logement, tendue depuis des décennies, mais qui échappe à tout contrôle depuis deux ans.
La mobilisation citoyenne
ne risque pas de baisser
et va au contraire redoubler d’intensité
dans les mois à venir.
Car la crise s’aggrave et s’accélère,
multipliant les situations désespérées.
Épée de Damoclès sur la tête des locataires actuels
C’est en fait désormais l’ensemble des locataires qui vit aujourd’hui avec une épée de Damoclès sur la tête et qui découvre ainsi l’angoisse du lendemain. Leur appartement ou leur maison seront-ils vendus à prix d’or pour devenir une résidence secondaire de plus, ou un “investissement financier”, c’est-à-dire un meublé touristique permanent ? Pourront-ils demain rester dans leur quartier, dans la commune où ils ont toujours habité, voire tout simplement en Pays Basque, où ils ont toute leur vie, leurs relations et leurs habitudes quotidiennes ? Les quelques élus de droite qui dénoncent les articles ou actions “exacerbant les colères” s’en prennent au “doigt qui montre la lune”. Ne voient-ils pas que cette situation du logement se suffit largement à elle-même pour générer l’angoisse, parfois le désespoir et de plus en plus souvent la colère ?
Gagner rapidement !
Les divers collectifs, structures et organisations militant ou travaillant dans les domaines du logement ou de l’hébergement et les élus de ce territoire, ont en commun un devoir pressant : gagner au plus vite un certain nombre de batailles pouvant avoir un impact important sur la question du logement.
Les terrains où mener ces batailles ne manquent pas : stopper la prolifération des meublés touristiques, obtenir l’encadrement renforcé des loyers, protéger systématiquement l’accession sociale à la propriété par le Bail réel solidaire, forcer à la réhabilitation d’une partie des logements vacants, sanctuariser le foncier agricole, empêcher les dérives qu’on voit se multiplier dans les pratiques de certaines banques et agences immobilières, veiller à l’application de la totalité des mesures du nouveau Plan local de l’habitat qui vont dans le bon sens, dissuader les nouvelles résidences secondaires…
Le temps n’est plus à la seule protestation. Il s’agit de faire adopter au plus vite un certain nombre de pratiques, propositions et mesures efficaces, pouvant calmer le jeu et inverser la tendance. Le Pays Basque doit reprendre le contrôle de ses biens communs que sont le foncier et le logement, face à la main invisible et destructrice du marché.
Rassembler nos forces
Pour cela, nos forces doivent se rassembler et notre capacité d’impact sur la réalité doit changer d’échelle. C’est l’enjeu de la grande manifestation pour le droit au logement et contre la spéculation immobilière et foncière organisée le samedi 20 novembre à 15 heures à Bayonne.
Nous serons des milliers et des milliers dans la rue ce jour-là pour exprimer toute la gravité de la situation actuelle, et pour exiger un certain nombre de solutions immédiates. Cette manifestation, qui s’annonce massive, plurielle, à la fois sereine et déterminée, constituera un tournant dans la lutte, un moment fondateur.
Elle sera une étape décisive vers la mise en place d’un front large du logement capable de garantir notre droit fondamental à vivre et à se loger au pays.
Se loger au pays ?
Une personne veut acheter un bien pour loger un de ses enfants, seulement voilà qu’il est impossible d’acheter un appartement dans une résidence touristique : si vous achetez vous ne pouvez pas utiliser votre bien un mois… ou bien quelques petites semaines… ou bien pas du tout, c’est le comble ! Vous achetez et votre bien ne vous appartient pas, mais depuis quand existe cette façon de faire ? Les communes laissent faire ?