Est-il imaginable que le double attentat djihadiste des 17 et 18 août à Barcelone et Cambrils ne puisse influer sur le comportement des Catalans à cinq semaines de leur référendum du 1er octobre sur l’indépendance ? L’événement qui a interpellé l’opinion mondiale pèsera sûrement sur la décision du peuple catalan qui a affirmé à la face des nations son identité profonde et la maturité de ses institutions.
Ce tsunami de violence fut le révélateur impromptu des rapports antagonistes entre Barcelone et Madrid.
Alors qu’on relevait à peine les 13 morts et les dizaines de blessés fauchés sur les Ramblas par la fourgonnette-bélier zigzaguant à vive allure dans la foule, conduite par un jeune loup solitaire, toute la société catalane s’est mise en marche.
Spontanément, des milliers de gens emplissent la place de Catalogne et, tapant des mains, surgit un cri “No tinc por”, (je n’ai pas peur).
Le roi d’Espagne et son premier ministre, Mariano Rajoy, présents, compatissent.
L’appareil politico-administratif autonomique, lui, opère en toute souveraineté, car cela est de la compétence pleine et entière des Catalans. La presse internationale capte de suite la singularité de l’affaire dont les victimes relèvent de 34 nationalités. Conférence de presse en catalan, suivie de communiqués en quatre langues, conduite politique par le président du gouvernement de la Generalitat, Carles Puigdemont, assisté pour l’enquête par le chef de la police autonome, Josep Lluis Trapero, à la tête de 21.000 mossos d’esquadra. Les journaux français essaient de faire au mieux et, en l’absence totale de policiers espagnols, parlent de police locale, alors qu’il n’y en a aucune autre sur le terrain des investigations et des arrestations. Le ministre de l’Intérieur espagnol tente bien de faire croire à son implication, mais ne fait que conforter le rôle exclusif des Catalans. De fait, non seulement la police catalane opère comme une vraie police d’Etat, avec des moyens modernes et un professionnalisme affirmé, mais elle démontre, l’espace de cette fenêtre sur le terrorisme islamique mondialisé, son efficacité.
En quatre jours, ce que l’on croyait jeudi 17 l’oeuvre d’un loup solitaire sur les Ramblas, s’avère une opération commando de douze djihadistes longuement organisée, aux ordres de EI qui revendiquera les attentats.
Lundi 24 août, la police catalane avait neutralisé, abattu ou arrêté, la totalité des membres de la cellule vivant depuis des années dans la petite ville catalane de Ripoll, au pied des Pyrénées. La politique d’intégration de la Catalogne, souvent citée en exemple, trouve dans ce drame ses limites, bien que nombreux étaient les musulmans à participer, en tant que tels, aux manifestations de solidarité.
Jordi Munell, le maire de Ripoll, où est dressée, sur la place du village, une pancarte revendiquant “une république catalane”, parle d’un traumatisme. Tous ces jeunes marocains impliqués dans le terrorisme “jouaient au foot, participaient aux fêtes du village et parlaient parfaitement catalan” dit-il, effondré.
La douleur des premiers instants a laissé place, à présent, à l’émotion intense provoquée par le bilan de l’enquête policière qui apprend que les 120 bonbonnes de gaz découvertes à Cambrils étaient destinées à un carnage au coeur de la cathédrale de Gaudi, la Sagrada Familia. La Catalogne est encore marquée par l’attentat perpétré par ETA, en 1987, au centre commercial Hipercor qui fit 21 morts et 45 blessés.
Les jeux olympiques de Munich, en 1972, avaient révélé au monde entier la réalité des pouvoirs d’un Land de l’Allemagne Fédérale par le règlement sanglant de l’enlèvement de la délégation sportive israélienne par des Palestiniens.
On sait aussi que l’attentat d’Al-Qaïda, le 11 mars 2004, à la gare Atocha à Madrid, qui fit 191 morts et des centaines de blessés, fut, par un mensonge, l’élément déclencheur de l’éviction du pouvoir d’Aznar pourtant largement pronostiqué gagnant.
Tout porte à croire que la Catalogne puisera dans la traversée de sa dramatique épreuve la force du “oui” à l’indépendance.