Lundi 13 mars, double déflagration institutionnelle au Royaume-Uni. La Première ministre britannique, Theresa May, fait voter par le parlement de Westminster la demande de sortie de l’Union européenne voulue, à 52% des votes, par le référendum de juin 2016. En écho, le même jour, la Première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, annonce qu’elle saisira le parlement d’Edimbourg pour l’organisation d’un référendum sur l’indépendance de l’Ecosse, entre l’automne 2018 et le printemps 2019. “Les Ecossais ne se laisseront pas expulser de l’Europe contre leur gré” dit-elle, eux qui ont repoussé le Brexit à 62% des électeurs.
Le parlement et le gouvernement de Londres ne l’entendent pas de cette oreille et s’y opposent, bien sûr. Mais à la britannique : “le moment n’est pas venu”, s’exclame Theresa May. Les Catalans se prennent alors à rêver d’un tel discours venant de Madrid. Il est vrai qu’en septembre 2014, Londres avait autorisé la tenue d’un premier référendum sur l’indépendance, perdu à 55% par les Ecossais.
Dialogue à front renversé à deux ans de distance, car les leaders anglais, conservateurs et travaillistes, venus faire campagne en Ecosse même contre un démantèlement du Royaume-Uni, agitaient alors, comme argument suprême, les avantages du maintien de l’Ecosse dans l’union européenne. Le Brexit, depuis, a inversé cette logique, car pour rester dans l’UE il faut aujourd’hui une Ecosse indépendante. On voit là combien l’appartenance à l’Europe est un révélateur des contradictions internes à la Grande Bretagne.
Elle agit tout aussi vigoureusement en Irlande du Nord, cette province conçue par Londres pour s’assurer d’une majorité protestante. Elle y percute la disparition de l’historique combattant de l’IRA, Martin McGuinness. Placé à la vice-présidence de l’autonomie par les accords de paix du Vendredi Saint 1998, le leader du Sinn Fein, frappé d’une grave maladie de coeur dont il est décédé à l’âge de 66 ans le 21 mars, en avait démissionné, provoquant des élections législatives. Le 2 mars, surprise, les nationalistes irlandais progressent au point de faire presque jeu égal avec les unionistes. Un seul siège les séparent à Stormont, le parlement autonome. “L’idée qu’une majorité unioniste existe pour toujours au Nord est balayée” a triomphé Gerry Adams.
Revient alors un volet presque oublié des accords du Vendredi Saint entre l’IRA et le gouvernement anglais, stipulant l’obligation pour Londres d’organiser un référendum sur la réunification de l’Irlande si une majorité apparaissait en ce sens à Stormont. Cette consultation démocratique serait la suite institutionnelle de celle organisée alors par Dublin dans la république de l’Eire qui avait modifié sa constitution pour permettre l’éventuelle réunification historique de l’île.
Le Brexit, aujourd’hui, rafraîchit toutes ces mémoires comme il tend à recréer une frontière, actuellement pacifiée et économiquement prospère, entre les deux Irlande. On voit bien que lors de la négociation du Brexit, entre le Royaume-Uni et les 27, qui durera deux ans, le sort de l’Ecosse et celui de l’Irlande du Nord ne pourront être passés sous silence. D’autant que l’interlocuteur européen s’interrogera lui-même sur son propre avenir.
Cette nouvelle donne européenne est déjà au coeur de la campagne présidentielle française où certains candidats ne cachent plus leur proximité physique avec Poutine, allant jusqu’à la redéfinition des frontières héritées de l’éclatement de l’empire soviétique.
L’Europe des Etats-nations peut très vite s’ouvrir à celle des nations sans Etat.
“L’essentiel de l’arsenal des séparatistes d’ETA est caché en France” dit Le Monde du 18 mars rendant compte du Forum tenu à Biarritz par Bake Bidea. La date du 8 avril y a été choisie pour une remise totale des armes à l’initiative de la société civile d’Iparralde qui s’est donc mise en marche depuis l’acte de Luhuso du 16 décembre 2016. Cette échéance du 8 avril, ce pari, doit être réussie. Parce que, pour la première fois, il ne s’agit plus d’une affaire “espagnole”. Le pouvoir français, ici, est seul en cause, car les armes sont sur son sol et les artisans de la paix sont ses citoyens. Paris peut, doit saisir cette opportunité et cesser d’être le “petit télégraphiste de Madrid” comme le dit si bien Michel Tubiana, ancien président de la Ligue des droits de l’homme.