Après le succès de la manifestation Deiadar du 24 octobre à Bayonne en faveur du statut de la langue et de la communauté de communes unique pour Iparralde, revenons sur l’argumentaire des opposants au projet de l’EPCI unique pour en souligner le manque de cohérence: comment s’opposer alors qu’on était favorable à la collectivité spécifique ? Personne ne peut prédire l’issue de la séquence qui s’est ouverte durant ces deniers mois. Mais une chose est sûre, elle va produire à la fois du débat idéologique et technique, de la confrontation démocratique, de belles aventures militantes.
Les débats sur la création d’un EPCI unique commencent à connaître une accélération, le préfet des Pyrénées-Atlantiques ayant fixé les règles du jeu d’ici au printemps prochain. Il est évidemment trop tôt pour tirer des conclusions sur les propos tenus ça-et-là, mais déjà certaines choses me paraissent à relever.
Noyer le bébé avec l’eau du bain ?
Tout d’abord, évidemment, la teneur des débats et surtout le niveau d’argumentaire produit par les opposants au projet d’EPCI. En substance, il y a essentiellement deux réserves importantes : la gouvernance et la fiscalité. Sur ces deux plans, il faudrait que tout soit ficelé et parfaitement bordé pour que le projet général soit jugé acceptable. On le sait désormais de manière assez claire, les réponses techniques à ces deux problématiques existent, et sont déjà pour certaines expérimentées ailleurs dans l’État français ; pas la peine de les répéter ici, encore moins sous la plume forcément défaillante d’un béotien.
Dans ce genre de situation, on ne peut toutefois que se poser une question : les opposants au projet n’ont-ils donc pas pris connaissance desdites solutions, ou doutent-ils de leur validité ?
Dans le premier cas, rien de dramatique puisque la campagne de Batera s’apprête à se lancer pour dissiper ces doutes au plus près du corps citoyen – corps citoyen qui visiblement n’existe pas aux yeux du préfet puisque celui-ci n’a laissé le débat et la décision qu’aux seuls élus.
Dans le second cas, je suis vraiment circonspect, surtout lorsque je conserve en mémoire le fait que les opposants à l’EPCI d’aujourd’hui faisaient partie de la cohorte des partisans de la collectivité territoriale d’hier. Alors même que l’opportunité se présente d’adopter une structuration la plus proche « possible » (comprenons « parmi celles consenties par l’État ») de l’objectif fixé, comment comprendre que l’on invoque ses doutes au point de risquer de noyer le bébé institutionnel avec l’eau du bain de scepticisme ?
Quand on a véritablement envie de se marier, refuse-t-on du jour au lendemain de le faire sous le seul prétexte que l’on a des craintes sur la manière avec laquelle on organisera sa vie de famille ou son compte commun ?
Faire confiance à l’intelligence collective
En basque, on dit joliment “gatu horrek badu beste buztanik”, et en l’occurrence d’autres éléments entrent probablement en jeu pour jeter ainsi un trouble totalement honnête chez des gens auparavant convaincus. Car dans un tel débat, ayant connu tellement de péripéties et depuis tant de temps, comment oser faire mine de réclamer l’idéal quand cela met en péril l’avancée elle-même, certes frustrante mais bel et bien tangible ?
Le mieux est parfois l’ennemi du bien, espérons que cela ne se colore pas de mauvaise foi. Car si tout le monde agit vraiment de manière désintéressée dans cette affaire, on vous en conjure, amis biarrots, bidartar ou encore angloys, faites confiance à l’intelligence collective qui a si souvent su porter ce pays.
Dans ce périmètre unique que nous nous apprêtons à créer, on saura sans aucun problème trouver les méthodes adéquates ; nous ne sommes pas plus bêtes que les autres.
Et puis franchement, n’y-a-t-il donc jamais eu saut plus périlleux au cours de l’histoire ? Pour n’en rester qu’à l’histoire de France, heureusement que les hommes et les femmes de 1789 ne se sont pas perdus en pinaillages ou autres inquiétudes sur la future gouvernance au moment de renverser le régime, sinon personne ne s’agiterait autant aujourd’hui pour gagner des régionales ou des primaires présidentielles (je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur exemple mais bon…).
Effort collectif
Laissons là les opposants. Parmi les partisans, ce n’est pas toujours mieux. À l’heure où j’écris ces lignes, je suis encore sous la sourde colère qui m’a étreint à la lecture de la presse du week-end dernier, évoquant la communication publique du PNB. Que ses porte-parole parlent de “big bang” et d’un projet “partagé, ambitieux et réaliste”, pour ce qui ne reste jamais qu’un ersatz de la collectivité territoriale initialement réclamée, passe encore; il est vrai qu’on a les ambitions qu’on peut. Mais qu’ils annoncent également l’impression et l’envoi à tous les élus du Pays Basque Nord d’une brochure à ce sujet, alors même que Batera peine encore à boucler le budget d’une campagne – elle – collective et non partisane, j’avoue que cela me dépasse. A moins bien sûr que l’on ne voie demain affluer espèces sonnantes et trébuchantes depuis Sabin Etxea et dizaines de militants jeltzale en renfort de la dynamique de Batera et là, à la limite…
Le moment où jamais
Personne ne peut prédire l’issue de la séquence qui s’est ouverte durant ces derniers mois. Mais une chose est sûre, elle va produire à la fois du débat idéologique et technique, de la confrontation démocratique, de belles aventures militantes, et un enjeu qui, s’il n’est pas un big bang, pourrait toutefois nous faire franchir un pas en avant comme à l’inverse nous faire reculer pour plusieurs années. La responsabilité de cette issue incombe en premier lieu à ceux qui fragilisent cette entreprise, sans aucun doute. Mais comme toutes les batailles au Pays Basque, elle nécessite en conséquence un gros effort collectif. Or comme l’intelligence, l’effort aussi sait ici être collectif. Il nous incombe à chacun-e d’en prendre la mesure et d’apporter notre pierre, même la plus modeste.
Agur.
Encore une attaque inutile contre un parti Abertzale venant d’un autre Abertzale. De la nourriture pour nos adversaires politiques. Quelques mots seulement pour fustiger la position des opposants au projet et un paragraphe complet pour critiquer EAJ-PNB. En prime, fruit de “la sourde colère”, un “petto” monumental en ce qui concerne l’EPCI, l’aveu de l’auteur dans le texte dudit paragraphe: “pour ce qui ne reste jamais qu’un ersatz de la collectivité territoriale initialement réclamée”. Certainement pensé et écrit pour nous encourager à poursuivre notre combat. Un argument supplémentaire donné en pâture à nos opposants. Nos adversaires n’ont pas à se creuser les méninges pour trouver des arguments. Il suffit de nous lire. Merci pour eux. Pierre, membre AB et EH Bai