Ils ne veulent pas la paix

IlsneveulentpaslapaixLa non-violence en politique est un mode de lutte qui permet, sur le temps long, l’émancipation de la Catalogne. D’autant qu’il l’oppose à la brutalité espagnole qui fait grandir l’indépendantisme pour parvenir à la majorité populaire absolue.

L’État espagnol est un va-t-en guerre. Il n’imagine pas d’autres voies pour réduire ceux qui le contestent que la menace, la peur, la répression voire la prison. Dialogue, persuasion, séduction, confrontation démocratique des projets et arbitrages par les urnes ne font pas partie de son logiciel. Pas plus que les solutions négociées, les compromis et les logiques d’apaisement. Face à ses ennemis, une seule logique : l’affrontement total et jusqu’au bout, et si l’Espagne est la plus forte militairement, alors aucune autre issue que l’écrasement total et l’humiliation du camp d’en face. Et du coup, les conflits peuvent s’arrêter un temps, faute de combattants, mais sont inévitablement appelés à renaître de leurs cendres un jour ou l’autre. L’absence de solution juste et globale, l’écrasement et l’humiliation de l’adversaire —on ne le sait que trop bien depuis le traité de Versailles— ne peuvent que cultiver et amplifier les haines et désirs de prendre sa revanche, souvent de manière exacerbée par rapport aux conflits précédents.

Hommage à la Catalogne

L’État espagnol voudrait bien jouer sur le terrain sur lequel il est le plus fort : celui des armes ou de la violence. Cela fait des années qu’il tente d’amener le “Procés” (Processus souverainiste catalan), résolument démocratique et absolument non-violent depuis ses débuts, sur ce terrain-là. Jusqu’à présent, il n’y est pas parvenu, malgré les humiliations, le “cepillado” (coup de rabot) du projet de nouveau statut d’autonomie catalan pourtant adopté par 90% du Parlament Catalan en septembre 2005 ou l’interdiction puis la brutale répression du référendum du 1er octobre 2017. Cette stratégie non-violente des Catalans s’est révélée largement gagnante. Rappelons nous qu’en 2006, les sondages d’opinion donnaient 13% d’habitant.e.s de la Catalogne appuyant l’indépendance de leur territoire et qu’ils sont aujourd’hui entre 45 et 50%, tout cela malgré l’opposition des médias dominants et des entreprises les plus importantes. Dans la même période, les partisans du statu quo institutionnel sont devenus largement minoritaires.

L’État espagnol voudrait bien jouer
sur le terrain sur lequel il est le plus fort :
celui des armes ou de la violence.

Après la répression du 1er octobre 2017, les incarcérations ou l’exil de ses principaux leaders, trois évidences se sont imposées : le Procés indépendantiste n’avait pas reculé d’un pas et s’était installé dans la durée. Il ne gagnerait pas sur le temps court et sa stratégie devait s’inscrire dans le moyen terme. Il devait viser une large majorité, dépassant amplement les 50 % de Catalans favorables à une République indépendante, pour gagner en légitimité interne et internationale. Cela passait bien évidemment par la poursuite d’une stratégie non-violente et des fissures dans le camp pro-espagnol et les pro-Statu Quo.

Sur les rails de la stratégie gagnante

L’État espagnol, en faisant condamner à des peines de prison allant de 9 à 13 ans sept responsables politiques Catalans de premier plan (dont le vice-président du gouvernement de Catalogne et la présidente du parlement catalan) et les présidents des deux associations les plus représentatives de la société civile indépendantiste, a clairement joué la carte de la violence. Et pour la première fois, il y est parvenu en partie.

Bien sûr, l’immense majorité des indépendantistes catalans a fidèlement suivi les consignes de non-violence de la plateforme Tsunami Democratic, spécialement lancée pour répondre par la désobéissance civile de masse aux sentences à venir. Mais pour la première fois, une minorité a participé à des affrontements violents contre la police. On peut évidemment comprendre ces explosions de colère contre l’injustice absolue de ces lourdes condamnations de leaders pacifistes, face à la brutale répression des forces de police et de la Guardia civil espagnoles. Toujours est-il qu’elles ont offert sur un plateau à l’État espagnol, à ses partis les plus centralistes et ses médias les plus anti-catalans, les images qu’ils désiraient depuis tellement longtemps : des images permettant de crédibiliser l’équation pourtant historiquement fausse “Indépendantisme catalan = violence voire terrorisme”. L’objectif pour Madrid est de gagner en légitimité internationale et d’enrayer la marche inexorable de l’indépendantisme catalan vers des majorités tournant autour de 55 %. Les leaders catalans incarcérés ne s’y sont pas trompés : “Il est nécessaire de gagner démocratiquement avec des majorités plus amples. Brûler des conteneurs, tout le monde peut le faire, même contre nous” (1) ou “J’ai pleuré en voyant la violence dans la rue, pas pour la sentence. L’histoire a triomphé avec des mouvements de désobéissance civile pacifistes, plus qu’avec des mouvements violents. La non violence, ce n’est pas seulement une conviction, c’est surtout efficace. (2) ou bien encore “Je salue les centaines de personnes qui ont organisé un cordon de paix samedi. Ils me représentent et donnent un sens à mon séjour en prison.(3) La victoire finale des indépendantistes catalans dépendra fortement de la capacité du Procés catalan à rester sur les rails de la stratégie non-violente et gagnante qu’il a empruntée jusqu’à aujourd’hui et à ne pas laisser la stratégie espagnole réussir à l’en faire dévier.

Txistor, Lorentxa, logiques guerrières ?

L’État français se laisse à nouveau embarquer par Madrid dans ses dynamiques belliqueuses et jusqu’au-boutistes. En refusant de désactiver la logique guerrière du Parquet anti-terroriste dans le dossier basque, par exemple par une circulaire actant que le contexte politique a fondamentalement changé avec le désarmement puis la dissolution de l’organisation ETA, il pose un problème stratégique aux partisans de la paix en Pays Basque. Les décisions judiciaires concernant Txistor et Lorentxa Beyrie sont non seulement humainement et socialement inacceptables, inutilement sources de souffrances et de désespérance pour le camp basque, mais elles sont politiquement lâches et dangereuses. Je reviendrai prochainement sur cette question cruciale pour notre avenir commun.

(1) Oriol Junqueras, ancien vice-président de la Generalitat

(2) Carme Forcadell, ancienne présidente du Parlament

(3) Jordi Sanchez, ancien président de l’ANC (Assemblea Nacional Catalana)

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