Kitzik Herri
A force de présenter des “listes ouvertes” pour les élections municipales, on en oublie le sens des mots. On comprend qu’une “liste fermée” ne serait pas très engageante à l’heure de glisser un bulletin dans l’urne mais les socialistes bayonnais ont soufflé tout le monde en promulguant “Bayonne ville ouverte” avec insistance, depuis déjà la dernière échéance électorale.
Astucieux pour contrer d’éventuels candidats d’une “ville fermée” mais malheureux pour qui sait qu’une “ville ouverte” est un terme militaire qui, loin d’évoquer le partage et l’échange, signifie hier comme aujourd’hui la reddition sans combat, l’ouverture des portes à l’ennemi pour éviter la destruction. Paris ville ouverte ramène à la capitulation de Paris le 14 juin 1940 dans le récit de l’historien Fabrice d’Almeida, comme Jérusalem, ville ouverte, broyée par les forces politiques et militaires sous la plume de Régine Dhoquois-Cohen, ou Athènes, ville ouverte que Yiorgos Voudiklaris, dépeint comme la cité vendue au plus offrant. Le film de Samir Habchi, Beyrouth, ville ouverte met en scène la vie des Libanais livrés aux services secrets syriens après 1989. Le pompon est bien sûr le film de Roberto Rossellini, Rome ville ouverte, offerte à la barbarie fasciste, dans ce chef d’oeuvre du néo-réalisme italien.
Bayonne ville offerte ? Sur un plateau, par la tête de liste Henri Etcheto, accessoirement docteur en histoire et spécialiste de l’histoire romaine. Dont la nature belliqueuse, qui fusille à tout va dans les boîtes aux lettres bayonnaises, tranche avec une présentation de liste incolore et inodore, comme déjà livrée.
On s’y déclare “fidèle aux valeurs d’humanisme et de solidarité qui depuis toujours forgent l’identité bayonnaise” ou soucieux “de rendre à Bayonne ce qui a fait son identité”. L’opposition dans la continuité. Reste à savoir laquelle… Et ce ne sont pas les “citoyens engagés de tous horizons, aux parcours et aux opinions diverses” qui répondent à cette question, en abdiquant donc sur le combat politique.
“Bayonne ville ouverte” ne se livrera que plus tard. Dans cette attente, on méditera les paroles de circonstance de ce bon vieux Jules César, qu’Henri Etcheto ne peut ignorer : “Il vaut mieux être premier dans son village que second à Rome”.