Urgence d’agir

Les rues de Houston, au Texas, sont innondées par l'ouragan «Harvey».
Les rues de Houston, au Texas, sont innondées par l’ouragan «Harvey».

Après avoir remporté le Grand Prix du Jury du festival de Cannes, le film 120 battements par minute a également fait l’unanimité des critiques et battu des records d’entrées dès sa sortie dans les salles. Il y a un parallèle entre l’action d’urgence menée par Act Up en son temps pour éveiller les consciences sur le sida et celle des lanceurs d’alerte qui mobilisent sur le désastre à venir du réchauffement climatique.

Le film 120 battements par minute nous parle d’un groupe militant, Act Up Paris, de son travail et de ses actions dans les années 90, alors que le Sida décimait les rangs de la communauté gay.

Pour prendre la mesure du problème à l’époque, rappelons qu’au moment de l’apparition des premiers traitements vraiment efficaces, au milieu des années 90, on recensait près de 8 millions de cas de sida, 548.102 aux USA dont 343.000 qui étaient déjà morts !

La France était alors le pays le plus touché par l’épidémie en Europe.

Action = vie

Les louanges sont aujourd’hui unanimes et tout le monde s’accorde à dire que l’action d’Act Up a contribué à accélérer la mise au point de traitements efficaces et l’accès à ces médicaments pour un nombre très important de personnes infectées par le virus du sida, avant même les autorisations de mises sur le marché de ces médicaments, sauvant ainsi des milliers et des milliers de vies, et cela sans parler des résultats en terme de contaminations évitées du fait de leur action radicale en matière de prévention (1).

Pourtant, Act Up était très loin de faire l’unanimité tout au long des années où elle mena le travail le plus intense et le plus efficace, y compris au sein de la communauté homosexuelle.

Une des scènes du film le montre d’ailleurs, quand deux colleurs d’affiches d’Act Up se font engueuler par des homos, qui leur reprochent leurs cris d’alerte sur le sida, et leurs appels à la mobilisation générale contre ce fléau.

C’est en substance “On est là pour nous amuser et vous venez nous emmerder en parlant sans cesse de sida et de mort”.

Les militant- e-s d’Act Up étaient régulièrement confronté-e-s à ce type de réactions. Bref, on préférait ignorer le problème et du coup le laisser grandir jusqu’à devenir ingérable, plutôt que de l’affronter, de le combattre au risque de gâcher la fête du moment et l’insouciance ambiante.

Nous avons à peine plus d’une décennie
pour garder ce climat relativement stable
qui a permis, il y a 10 ou 11.000 ans,
l’apparition de l’agriculture,
la sédentarisation des populations
et la naissance des grandes civilisations.

Silence = mort

Comment ne pas faire le parallèle avec ce qui se joue aujourd’hui entre la communauté humaine dans son ensemble, et le changement climatique en cours d’accélération dramatique ?

Les cris d’alerte et premiers signes incontestables du désastre à l’oeuvre se sont multipliés tout au long de l’été. Rapports scientifiques disant que tout est bien plus grave et rapide que ce qui était décrit pendant l’année de la COP21, il y a à peine deux ans.

Fonte des glaces, dislocations de pans entiers des calottes glacières, montée des océans, menaces sérieuses sur l’approvisionnement en eau potable pour des millions d’être humains, ouragans d’une violence extrême, inondations, incendies jamais vus, sécheresses et canicules prolongées, premiers conflits meurtriers et migrations massives dues aux conséquences du changement climatique : tout cela s’aggrave et s’accélère ces dernières années, et ce n’est pourtant que la bande-annonce du film qui vient si nous ne changeons pas notre système rapidement et en profondeur.

Jean Jouzel est l’un des climatologues et glaciologues les plus réputés au niveau mondial. Il a reçu de très nombreuses distinctions, dont la médaille d’or du CNRS, soit la plus haute distinction scientifique française ou encore le prix Vetlesen, considéré comme le Nobel des sciences de la Terre et de l’Univers. En 2007, le GIEC dont il est alors vice-président du groupe scientifique reçoit le Prix Nobel de la paix. Le 12 août 2017, voici ce qu’il a déclaré, dans une interview qui a fait la Une du JDD en France : “Pas besoin de faire de catastrophisme : la situation est catastrophique (…) Pour espérer rester en deçà de 2°C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle, il faudrait que le pic d’émissions de gaz à effet de serre survienne au plus tard en 2020 (…) un degré de plus nous fera basculer dans un autre climat.

Bref, nous avons trois ans pour agir, pour éviter le seuil des + 2°C que tous les Etats du monde se sont engagés à ne pas franchir le 12 décembre 2015 à Paris.  Nous avons à peine plus d’une décennie pour garder ce climat relativement stable qui a permis, il y a 10 ou 11.000 ans, l’apparition de l’agriculture, la sédentarisation des populations et la naissance des grandes civilisations.

Et que fait-on ?

Voit-on autour de nous chacun s’arrêter, réfléchir, prendre conscience de ce que ces mots et ces chiffres veulent dire ? Voit-on les parents des enfants ayant quelques années se dire que leurs choix politiques et économiques d’aujourd’hui peuvent leur préserver un monde vivable ou au contraire leur façonner un enfer pour quand ils seront adultes ? Voit-on les pouvoirs publics prendre des mesures d’urgences pour bloquer toute artificialisation de terres, toute aide et autorisation à l’agriculture industrielle fortement émettrice de gaz à effet de serre, impulser des campagnes de sensibilisation pour manger moins de viande et n’en acheter que si elle provient de l’agriculture paysanne et locale, faire enfin payer leur vrai prix au transport routier et aérien, bloquer l’ouverture de nouvelles grandes surfaces, réduire au strict minimum la publicité, interdire l’incitation à la surconsommation, empêcher l’obsolescence programmée des produits, mettre en place des politiques économiques et sociales visant à partager les richesses produites et le travail nécessaire à les produire ?

Urgence d’agir

Non, et cela paraîtra incroyable, voire criminel aux générations vivant en 2030. Nous avons plus de mal à imaginer la possibilité de changer ce système que d’envisager la disparition de l’espèce humaine, ou la fin des conditions de vie civilisées sur terre. Le type de militantisme d’Act Up Paris doit être une source d’inspiration pour tous ceux et celles qui ne se résignent pas au pire, et entendent secouer l’indifférence sidérante de notre génération. Nous sommes confrontés aujourd’hui à la même urgence d’agir, aux mêmes enjeux de vie ou de mort.

(1) Un livre passionnant, et très formateur sur le plan militant, retrace avec précision le fonctionnement et l’action de ce mouvement : Act Up, une histoire publié aux éditions Denoël et écrit par Didier Lestrade, fondateur et premier président d’ActUp Paris.

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