Jon Palais est le premier militant de Bizi! mis en procès suite à une action non-violente. Il risque cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende pour avoir dénoncé le rôle de la BNP-Paribas dans l’évasion fiscale en engageant la campagne des Faucheurs de chaises. Il est jugé le lundi 9 janvier à Dax (voir le communiqué bilan de Bizi! de cette journée), avec pour enjeu, de faire valoir que “la désobéissance civile ne rejette pas le principe de la loi” mais “que la loi soit plus juste” confie t-il à Alda dans cet entretien.
Quelles sont tes responsabilités au sein de Bizi! ?
Je fais partie de la Koordinaketa de Bizi depuis 2011. Je m’investis plus particulièrement dans le groupe “Gatzamartxa” dans lequel nous réfléchissons à la question de la stratégie globale permettant de relever le défi climatique, en lien notamment avec les mouvements dont nous faisons partie comme les Amis de la Terre, Alternatiba et ANV-COP21. J’ai participé régulièrement aux actions nonviolentes de Bizi, dont la toute première réquisition citoyenne de chaises, en février 2015, qui a été le déclencheur du mouvement des “Faucheurs de chaises” qui s’est ensuite déployé dans l’Hexagone.
Qu’a visé cette campagne de “réquisitions citoyennes” de chaises dans les agences bancaires ?
Le slogan que Bizi avait lancé dès la première action, c’était “l’argent pour la transition sociale et écologique existe : il est dans les paradis fiscaux !”. Alors qu’on entend dire qu’il manque de l’argent pour les services publics, les crèches, les transports collectifs, ce sont pourtant 60 à 80 milliards d’euros qui échappent aux finances publiques chaque année à cause de l’évasion fiscale ! Ce sont 1.000 milliards d’euros par an à l’échelle de l’Union européenne, et plus de 20.000 milliards de dollars qui seraient cachés dans les paradis fiscaux. Or nous sommes à un moment de l’histoire de l’humanité où nous devons révolutionner notre mode de vie à l’échelle planétaire en quelques années à peine. Cela demande de la créativité, de la coopération, de la solidarité, et aussi des moyens financiers.
Malheureusement, de grandes banques comme la BNP font exactement l’inverse, en organisant sciemment, et en toute impunité, un système d’évasion fiscale qui permet aux plus grandes fortunes et aux plus puissantes entreprises de ne pas participer à l’effort collectif, et qui nous prive de l’argent qui pourrait financer la transition sociale et écologique, qui est une urgence aujourd’hui vitale. Les actions de réquisitions citoyennes de chaises visaient à dénoncer cette situation. 40 actions ont été menées, toutes de manière non-violente et à visage découvert, par des mouvements comme ANV-COP21, Attac, les Amis de la Terre, Bizi, les Jedi for climate. Un grand sommet citoyen sur l’évasion fiscale et le financement de la transition écologique a ensuite été organisé pendant la COP21, avec 196 représentants de mouvements citoyens, paysans, de peuples autochtones, d’ONG, de syndicats, de tous les continents, chacun assis sur une des 196 chaises réquisitionnées.
Quels sont les motifs de cette convocation au Palais de Justice de Dax le 9 janvier ?
Les actions de réquisition citoyenne de chaises ont attiré l’attention, d’une manière originale et humoristique, et ont suscité beaucoup de commentaires de soutien et de sympathie. Elles sont néanmoins des actions de désobéissance civile, et sont donc passibles de poursuites judiciaires. Suite à une plainte de la BNP pour une action d’ANV-COP21 menée à Paris, dont j’étais le porte-parole, je suis le premier faucheur de chaises à être convoqué au tribunal, pour “vol en réunion”.
Quel est le poids de la légitimité face à la légalité ?
C’est justement un des enjeux du procès ! Eva Joly sera mon avocate, et Claude Alphandéry, Vincent Drezet et Antoine Peillon témoigneront à la barre, pour faire valoir la légitimité de l’action. La réquisition de chaises, c’est une action qui porte un préjudice dérisoire au niveau matériel, tant par rapport à la puissance financière des banques, que par rapport aux sommes qu’elles ont détournées. Ce n’est donc pas une action qui prétend être punitive, ni réparatrice : il ne s’agit pas de faire justice par nous-mêmes, mais de demander aux pouvoirs publics davantage de moyens pour garantir la justice. D’ailleurs, les Faucheurs de chaises ont tenté de rendre les 196 chaises réquisitionnées à la justice le jour de l’ouverture du procès de Jérôme Cahuzac. La police a empêché les porteurs de chaises d’approcher du palais de justice, et a récupéré elle-même les chaises. La désobéissance civile ne rejette pas le principe de la loi, au contraire, elle demande à ce que la loi soit plus juste. C’est tout cela qui fait apparaître cette action non pas comme un vol – nous ne nous sommes pas appropriés le bien d’autrui pour notre bénéfice personnel –, mais comme une réquisition citoyenne ; non pas comme une action de délinquance, mais comme une action civique, responsable, menée pour l’intérêt général.
Comment s’organise la mobilisation citoyenne?
Plus de 20 organisations associatives et syndicales appellent à se mobiliser massivement le 9 janvier à Dax, pour organiser un autre procès en parallèle du mien : celui de l’évasion fiscale ! Cela prendra une forme à la fois revendicative et festive avec des concerts, un meeting, des tables rondes, des animations artistiques, etc. Des personnalités comme Edgar Morin, José Bové, Pierre Larrouturou, Geneviève Azam, Patrick Viveret, Laurent Pinatel, et bien d’autres, ont déjà annoncé leur participation. Nous devons réagir pour faire bouger les choses, et faire cesser ce système d’évasion fiscale, dont nous subissons toutes et tous les conséquences dans notre vie quotidienne. À l’approche des élections présidentielles, nous avons l’opportunité de faire de cette journée un temps fort où s’exprime notre refus de cette situation d’injustice. Nous pouvons nous faire entendre, et il faut pour cela mobiliser le maximum de monde pour faire de ce 9 janvier une journée forte qui marque les esprits !
Un procès dans l’action
Des dizaines d’agences de la BNP-Paribas ont été la cible, durant ce mois de décembre, d’actions des Faucheurs de chaises, partout dans l’Hexagone. A Paris, une radio pirate a émis depuis une agence bancaire jusqu’à l’expulsion des 25 militants. A Marseille 80 militants ont réussi à faire fermer l’agence de la Joliette. Une fête de l’évasion fiscale a été célébrée à Montpellier pendant qu’à Saint-Denis, une maternité s’installait dans une agence de la BNP pour figurer l’usage public de l’argent qui disparaît chaque année dans les paradis fiscaux. A Limoges, les militants ont choisi une lecture de l’appel à organiser le procès de l’évasion fiscale et à Perpignan, ils ont créé une machine à laver les billets. Le samedi 10 décembre, quatre actions ont été organisées en simultanée sur la côte basque. A l’appel de Bizi, 70 personnes ont occupé la BNP de la rue Victor Hugo, à Bayonne, en présence du porte-parole national d’EELV et militant de “Sauvons les riches” Julien Bayou. Au même moment dix autres militants de Bizi faisaient le siège de l’agence BNP de la gare, qui avait été préventivement fermée, et 12 autres réalisaient une grande roue de l’évasion devant l’agence BNP de Saint-Jean-de-Luz, place Foch. Un groupe de militants d’ATTAC a également réalisé une action devant une agence BNP de Biarritz, également exceptionnellement fermée pour l’occasion. Le succès de ces actions de désobéissance civile, menée à visage découvert, témoigne de la volonté des citoyennes et citoyens d’appeler les pouvoirs publics à mettre en oeuvre les mesures permettant de lutter contre l’évasion fiscale et d’engager le financement de la transition écologique et sociale. Après ces dizaines de mobilisations, les Faucheurs de chaises ont appelé à maintenir la mobilisation en vue du premier procès de Jon Palais, qui sera jugé pour “vol en réunion” le 9 janvier à Dax sur une plainte de la BNP.
J’aimerais bien savoir ce qu’en pense Jean-Luc Mélanchon. A-t-il été contacté ?