Voilà cinq ans que Carhaix délivre des livrets de famille bilingues français-breton. Une pratique qui jusqu’à présent n’avait soulevé aucune objection des services de l’État ni de la justice. Mais pas sûr qu’elle puisse perdurer. Une demande de duplicata d’un couple, dont l’un des membres est né en Allemagne, pourrait bien la remettre en cause.
Saisi -comme le veut la loi dans le cas d’un Français né à l’étranger- le ministère des Affaires étrangères (bureau de Nantes) a, en effet, refusé de procéder à la mise à jour du livret de famille en question. «(…) Seule la langue française, langue de la République, doit être utilisée dans les actes publics», indique, pour justifier ce refus, le chef du service central d’état-civil qui s’appuie, notamment, sur la loi n°118 du… 2 Thermidor An II (20 juillet 1794).
1.500 livrets français-breton
Dans la foulée, le parquet de Brest a également adressé un courrier au maire de Carhaix, Christian Troadec, pour lui rappeler que «la législation actuelle s’oppose à la délivrance de tels livrets». En l’invitant «à faire toutes les observations nécessaires sur la réalité de cette pratique».
Une pratique assurément bien réelle, que Carhaix a été la première à mettre en place dans le cadre de la promotion de la langue bretonne. 1.500 livrets de ce type ont déjà été délivrés aux familles. Christian Troadec l’assume totalement. «L’ensemble des textes réglementaires figure en français dans le document. Il y a juste une traduction réalisée par l’Office de la langue bretonne», souligne le maire qui explique cette affaire par le geste d’un fonctionnaire zélé.
Qu’en est-il précisément de la loi? Joint, le parquet de Brest persiste dans sa position. «C’est une pratique illégale, les actes d’État doivent être exclusivement rédigés en français. Les quelques textes internationaux qui ont tenté de donner une nouvelle place aux langues minoritaires n’ont jamais été transcrits dans le droit français».
Le tribunal administratif saisi
Le constitutionnaliste Guy Carcassonne est lui plus nuancé. «Une langue minoritaire ne peut pas être imposée mais je ne pense pas qu’elle puisse être interdite». La position du ministère lui paraît en tout cas rigoriste. D’autant, explique-t-il, que «maintenant l’article75-1 de la Constitution dit que les langues régionales font partie du patrimoine de la France».
Pour avoir le coeur net sur la légalité du document, la commune centre-bretonne a décidé de saisir le tribunal administratif. Reste à savoir s’il se déclarera compétent sur cette question. Pas sûr. Une question, souligne Christian Troadec, qui pourrait être définitivement réglée avec la ratification par la France de la charte des langues minoritaires. Une promesse du candidat Hollande.
Yvon Corre
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