Amaiur le test du groupe parlementaire

Nous avions annoncé dans notre dernière contribution que la possibilité ou non accordée à Amaiur de former un groupe parlementaire constituerait le premier test permettant de jauger les dispositions sur le conflit basque, du nouveau pouvoir espagnol sorti des urnes le 20 novembre. Depuis le 16 décembre, nous avons la réponse: niet d’entrée et sur toute la ligne.
Le règlement des Cortes espagnoles stipule que pour constituer un groupe parlementaire, au moins cinq députés doivent en faire la demande et qu’ils doivent avoir obtenu plus de 15% des voix dans leur circonscription. Sur les sept députés d’Amaiur, seul l’élu navarrais n’arrive qu’à 14,82% des suffrages. Sachant cela et pour contourner l’obstacle, Amaiur s’est soumis à une ultime contorsion: son député de Navarre ne s’est pas présenté aux Cortes pour son intronisation officielle. Le groupe était donc parfaitement «dans les clous».
Rien n’y a fait. Le bureau du parlement a rejeté la demande de constitution de ce groupe, pour des raisons «exclusivement juridiques», bien entendu.

Prêts de députés
Au même moment, le parti de gauche ultra centraliste et nationaliste UPyD a obtenu le droit de constituer son groupe, bien que n’ayant que quatre élus. En se faisant provisoirement prêter un député par le petit parti FAC (Foro Asturias) qui a ensuite rejoint le Groupe mixte, dès que l’opération juridique a été réalisée. Au Sénat, le PNV a fait de même: pour constituer un groupe, il lui fallait 10 sénateurs, or il n’en a que 5. Qu’à cela ne tienne, le PSOE lui prête 5 élus, le temps de constituer le groupe!
Auparavant, lors de législatures précédentes, en 1989, 1992, 1996, 2000 et 2004, le PNV comme les indépendantistes catalans d’ERC, ont bénéficié d’une interprétation plus ouverte de la réglementation des Cortes. Ils ont constitué des groupes parlementaires, que la droite ou la gauche espagnoles soient au pouvoir. Ce qui n’est évidemment pas le cas d’A-maiur aujourd’hui.
Disposer d’un groupe au parlement est essentiel pour une formation politique. A cela plusieurs raisons. Elle a accès au bureau permanent de l’assemblée, à la commission des porte-paroles de groupes, aux conférences de presse officielles organisées chaque mardi par les responsables de groupes. Un groupe parlementaire peut présenter des propositions de loi et des amendements aux projets de loi du gouvernement. Le temps de parole du groupe est infiniment plus long et enfin il dispose d’un ensemble de conseillers et autres assesseurs pour assister les députés dans leur travail. Dépourvu de groupe, Amaiur ne disposera que d’un seul assistant. C’est donc toute la capacité d’action de la coalition basque qui est en jeu dans cette affaire.

Respecter la Constitution
«por imperativo legal»
Lorsque les députés et les trois sénateurs d’Amaiur ont officiellement pris leurs fonctions, il a fallu qu’ils jurent fidélité à la Constitution… Ils ont bien voulu s’y plier, en précisant bien, «par obligation de la loi». A noter que les députés du PNV ont fait de même, comme Uxue Barkos de Geroa bai et les Catalans d’ERC qui ont ajouté «travailler à une Constitution propre à la Catalogne». Quant aux députés d’IU, ils ont eux aussi précisé «por imperativo legal», en rappelant qu’ils ne renonçaient pas à leurs «convictions républicaines».
Autre signe d’ouverture d’Amaiur, le 15 décembre, Xabier Mikel Errekondo, porte-parole des députés souverainistes basques, s’est présenté au palais de la Zarzuela avec les autres délégués des partis représentés aux Cortes, il y a été reçu par le roi Juan Carlos en personne. Rencontre protocolaire qui lui a permis de remettre au monarque une lettre sur la résolution du conflit basque. Xabier Mikel Errekondo aurait pu parler au Bourbon de son gendre, Iñaki Urdangarin, impliqué dans un gros scandale financier qui, ces jours-ci, défraie la chronique en Espagne. Il s’en est bien gardé. Pourtant, Errekondo connaît fort bien le mari de l’infante: ils firent partie de la même équipe de hand-ball au Mondial de 1993 en Suède!
La nouvelle humiliation aux Cortes subie par Amaiur n’a pas empêché la gauche abertzale d’aller de l’avant dans son aggiornamento. Le 17 décembre, avec tous les signataires du Pacte de Gernika, l’ex-Batasuna a officiellement «reconnu la douleur et la souffrance de toutes les victimes de toutes les violences, aussi bien celle d’ETA que celle des stratégies répressives des Etats espagnol et français» Elles doivent toutes être traitées à égalité, sans faire de distinction. Les signataires déclarent vouloir participer aux dé-marches de réparation de toutes les victimes, chacune étant détentrice d’une vérité. Une déclaration remarquable, aussi bien sur le fond que sur la forme et que les Espagnols ont repoussé du pied… tant elle les gêne.

Eurorégion
Aquitaine-Euskadi

L’Eurorégion Aquitaine-Euskadi est née officiellement lundi 12 décembre 2011 à Gazteiz. Le président de la Communauté autonome basque Francisco Lopez et son homologue Aquitain, Alain Rousset, ont signé la convention et les statuts du Groupement Européen de Coopération Territoriale (GECT) “Eurorégion Aquitaine-Euskadi”.
Après quasiment une décennie de contacts et de pourparlers entre les deux collectivités, la signature de lundi donne une existence officielle à l’Eurorégion. Elle trace les orientations et les «compétences» qui seront les siennes à l’avenir.
L’objectif spécifique du GECT est de conduire les actions de coopération qui contribuent au développement économique, social et culturel de l’Eurorégion. Il a également pour ob-jectif de représenter l’Eurorégion, tant dans les instances locales, régionales et nationales qu’européennes et internationales.
À travers ce GECT, les deux Régions souhaitent améliorer et renforcer leurs actions en matière de transport des personnes et des marchandises, dans le domaine de la re-cherche et de l’innovation, notamment par la mise en réseau des clusters et des pôles de compétitivité, dans le domaine de l’éducation et de la formation, de la culture, de la politique linguistique, de la production alimentaire, de la santé ou encore du développement du-rable.
«Ce rêve a pris corps, après deux ans de travaux», s’est félicité Alain Rousset. «Aujourd’hui, c’est une signature symbolique de notre proximité, de nos échanges, de notre attractivité réciproque». Francisco López, de son côté, a situé cette naissance dans le contexte politique actuel: «Cette signature arrive à un moment important pour tous. Après l’ombre de la terreur qui a créé des ravages aussi bien en Aquitaine qu’en Euskadi, une nouvelle ère s’ouvre qui va nous permettre de développer pleinement, sans bâillon ni menace, ce à quoi nous aspirons».
Effectivement, on ne peut que se féliciter de toute initiative qui tend à gommer un peu plus la frontière existante. A un moment où l’idée d’une Europe des peuples véritablement fédérale que nous autres abertzale appelons de nos vœux s’éloigne chaque jour davantage, plombée par la succession des crises financières et des difficultés économiques, toute avancée en matière de coopération institutionnelle, si minime soit-elle, ne peut que nous réjouir.

Tour de verrou supplémentaire
Mais pour nous autres Basques, la création de l’Euro-région dans la configuration voulue par les deux responsables socialistes, ne ré-pond nullement à nos aspirations. Pour nous l’Euro-région ne peut qu’épouser les contours des territoires historiques basques. Le GECT créé lundi exclut la Navarre et englobe l’ensemble de cette entité nommée Aquitaine que les lois de décentralisation de 1984 ont érigée en région mais qui n’a jamais eu d’existence historique. Ni du reste de cohérence économique ou culturelle. Le Pays Basque Nord n’a jamais été interrogé sur son désir de faire partie de la région Aquitaine, pas plus qu’il n’avait été consulté avant d’être accouplé au Béarn en 1790 pour générer le monstre bicéphale des Basses-Pyrénées.
La création de la nouvelle institution officialise en quelque sorte la non-existence territoriale du Pays Basque Nord. Elle est un tour de verrou supplémentaire à la porte ouvrant sur la reconnaissance institutionnelle d’Iparralde. Elle inscrit l’avenir de notre pays à l’intérieur d’instances qui lui sont extérieures et sur lesquelles elle n’a aucune prise.
En vérité, le poids qu’un Pays Basque Nord sans existence institutionnelle aura dans le fonctionnement de la nouvelle institution ne laisse pas de place au doute. Tout ce qui dans le programme du GECT touche à la langue, la culture, l’université et la recherche, l’agriculture, les transports, sera géré sans qu’Iparralde ait son mot à dire, institutionnellement, autrement dit démocratiquement. En un mot, l’absence de cadre institutionnel pour Iparralde l’empêchera une fois encore de défendre ses options pour le développement économique, social et culturel de son propre territoire.

Dorade à la plancha
On ne nous fera pas croire que cette arrière-pensée était absente de l’esprit des deux signataires de la convention. En excluant la Navarre et en niant l’existence d’Iparralde, les deux présidents socialistes ont voulu en quel-que sorte inscrire encore un peu plus dans le marbre leur refus de toute évolution institutionnelle future: l’octroi d’une collectivité territoriale spécifique d’un côté, le rattachement de la Navarre à la CAV de l’autre. Dès lors, la décision de fixer le siège du GECT à Hendaye ne trompera personne.
Du reste Rousset aura rapidement levé les doutes. Pour lui, l’objectif principal, pour ne pas dire unique, de la coopération transfrontalière est la construction de la ligne à grande vitesse Dax-Gazteiz/Bilbao. Il l’a déclaré à l’issue de la signature: ce qui l’intéresse, c’est de mettre la capitale biscayenne à 1h15 de Bordeaux. Peu lui importe que la TGV s’arrête à Bayonne ou pas. A l’évidence, aux yeux du président du Conseil régional, le développement économique d’Iparralde est loin d’être un objectif prioritaire de l’Euro-région. Si développement il doit y avoir, il doit se faire au bénéfice des deux métropoles majeures: Bordeaux et Bilbao. Même si, comme il l’a déclaré dans sa prise de parole, la LGV sera accessoirement bien utile pour aller «manger une dorade à la plancha dans ce petit port de Getaria que j’aime bien».

Abertzaleen Batasuna dénonce l’opération policière survenue mardi matin à Saint-Jean-Pied-de-Port. Surtout, AB s’interroge sur le sens de cet événement.
Après la déclaration d’arrêt définitif par ETA, claire et par ailleurs reconnue par les autorités espagnoles; après la déclaration historique d’Aiete; après la manifestation massive de samedi dernier; tout ceci lançant le Pays Basque vers une sortie de conflit qui sera encore longue et difficile, comment expliquer que des arrestations surviennent encore, en particulier sur le territoire français?
Pour AB, les problèmes à régler sont encore nombreux et l’enjeu des années prochaines est de les régler progressivement, l’un après l’autre, dans un effort commun de toutes les parties. Avec les arrestations d’hier, la France, au lieu de régler un certain nombre de problèmes lui incombant, en ajoute au contraire de nouveaux et hausse à nouveau une tension que tout le monde espérait enfin disparue.
AB appelle la France à la responsabilité et à contribuer positivement à la résolution du conflit au Pays Basque, comme le lui demande la déclaration d’Aiete et comme l’enseigne l’histoire des conflits dans le monde. AB rappelle que la paix n’est jamais un effort unilatéral mais une construction collective.

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