Travailler plus pour produire plus, un contre-sens écologique

Le rapport de synthèse du Giec, publié au plus fort de la crise sociale provoquée par la réforme des retraites, jette un contraste accablant sur cette mesure aux antipodes de l’urgence sociale et écologique. La réforme des retraites va à rebours des mesures à prendre pour engager les changements structurels profonds indispensables pour limiter le choc climatique. Travailler deux ans de plus, pour produire plus et pousser encore plus à la consommation ?

Le lundi 20 mars, le jour même où le gouvernement dégaine le 49.3 pour contrer le probable vote négatif de l’Assemblée nationale sur la réforme des retraites, le GIEC publie son sixième rapport de synthèse, fruit d’un travail de huit années. Rappelons que le GIEC est le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, qui a été créé en 1988 par l’ONU en vue de fournir des évaluations détaillées de l’état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur les changements climatiques, leurs causes, leurs répercussions potentielles et les stratégies de parade.

S’il n’est pas passé complètement inaperçu, ce rapport a quand même été largement éclipsé par une actualité sociale brûlante. Son traitement médiatique s’est réduit à la portion congrue. Tout juste annoncé, il a disparu dans les 24h de l’information des principaux journaux.

C’est pourtant bien dommage car le climat n’est pas une affaire de spécialistes mais une urgence absolue qui nous concerne tous et il serait temps que notre société arrête de faire l’autruche pour enfin se décider à agir immédiatement. Pour reprendre une des conclusions du rapport : « Il existe une fenêtre de tir très courte pour assurer un avenir vivable pour tous. […] Les choix et les actions pour cette décennie auront des répercussions aujourd’hui et pendant des milliers d’années. »

Un habitant sur deux

Ce sixième rapport nous indique par ailleurs que « 3,3 à 3,6 milliards de personnes vivent dans des contextes hautement vulnérables au changement climatique », soit un habitant sur deux sur la planète. C’est bien au présent que le constat est fait, et non pas dans le futur. Les conséquences du changement climatique sont déjà là et elles sont pires que ce qui était prévu il y a quelques années, selon ce même rapport : « Dans tous les scénarios, de nombreux risques liés au climat sont plus élevés que ce qui était estimé par notre précédent rapport en 2014. » Il est vraiment urgent d’agir, tout de suite. Les températures se sont déjà réchauffées de plus de 1,1°C par rapport à 1850, et les experts du GIEC estiment possible que le réchauffement dépasse 1,5°C très rapidement au vu de la trajectoire actuelle, soit dès 2030 / 2035. Chaque augmentation de dixième de degrés correspond à une escalade rapide des risques et des menaces : hausse des vagues de chaleur meurtrières, fonte des glaciers, hausse du niveau des océans, réduction de l’accès à l’eau, tempêtes, inondations, propagation de maladies et recul de la production alimentaire. Sans compter les dizaines de millions de réfugiés climatiques prévus au cours des prochaines décennies. « Lorsque ces risques s’ajoutent à d’autres événements indésirables, tels que les pandémies ou les conflits, ils deviennent encore plus difficiles à gérer », alerte le GIEC. En vain ?

Solutions connues

Les solutions sont connues, le GIEC les rappelle. Il faut d’une part limiter au maximum les conséquences sur la population : réformer les systèmes de santé, préparer les infrastructures aux catastrophes inéluctables (incendies, inondations, canicules…). Mais il faut d’autre part limiter les émissions des gaz à effet de serre. Pour limiter le réchauffement à 1,5°C, il faut diminuer notre utilisation du charbon de 95 %, celle du pétrole de 60 % et celle du gaz de 45 % par rapport aux niveaux de 2019. Cette baisse drastique passe par le développement des énergies renouvelables et par une sobriété énergétique. C’est donc à tous les niveaux qu’il faut agir : les individus, mais aussi bien entendu les entreprises et les États car sans changement structurel, ces baisses sont impossibles à atteindre. Rien de nouveau malheureusement, sauf que le temps passe et que la fenêtre d’action est de plus en plus étroite. Où sont alors les urgences de réforme pour notre société ? Comment redonner espoir en l’avenir pour notre jeunesse, elle qui va devoir vivre dans des conditions de plus en plus hostiles ?

Pire que l’inaction

Pire que l’inaction, la réforme des retraites va à rebours des mesures à prendre pour engager les changements structurels profonds indispensables pour limiter le choc climatique. Travailler deux ans de plus, pour produire plus et pousser encore plus à la consommation ? Provoquer une crise sociale doublée d’une crise démocratique par l’utilisation du 49.3 qui fait perdre le peu de confiance restant dans les institutions ? Précariser encore plus les plus précaires ? Ce n’est évidemment pas dans ce sens qu’il faut agir. La question centrale du travail devrait être posée en préliminaire. Bien sûr, il est fondamental de parler de l’usure au travail, des métiers pénibles, des reconversions en cours de carrière et de la place des plus âgés au travail. Mais il faudrait aussi discuter du sens qu’on donne à ce travail, de son utilité pour une société en conversion vers un mode de vie soutenable pour les générations futures. Il ne s’agit plus de produire tout ce qui peut se vendre, mais de produire ce qui est nécessaire pour une société solidaire, dans des conditions de sobriété énergétique et de bien-être pour tous. Dans ces conditions, c’est aussi le temps de travail hebdomadaire mais aussi le temps de travail tout au long d’une vie qui doit être repensé. Ces débats-là redonneraient du sens à l’engagement politique, et permettraient de reconstruire une société résiliente, respectueuse de la planète, beaucoup plus solidaire, juste et heureuse.

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