Sursaut militant

Sursaut

En ce début de mois de juin 2020, difficile d’écrire une chronique politique sans évacuer de son esprit cette impression de curieux intermède dans la séquence électorale ouverte au début de l’année. Tous les adjectifs auront été sollicités pour qualifier l’épisode de confinement dont nous sortons, et je n’ai nullement l’intention de revenir dessus. Par contre, il restera dans l’histoire que les élections municipales et intercommunales de 2020 auront été fortement conditionnées par cette inédite crise sanitaire. Et il me semble que cela aura agi comme révélateur dans de nombreux domaines, dont l’action militante abertzale.

Le 28 juin, voter !

D’abord, je ne saurais oser quelque analyse sans conserver à l’esprit le fait que l’élection n’est toujours pas achevée et que l’on ne dressera le bilan global de la campagne que dans un bon mois, si ce n’est davantage en tenant compte du troisième tour communautaire. Il n’est jamais bon de commencer la cuisson d’un ttoro avant d’avoir ramené sa ligne, et je ne voudrais pas pécher par excès d’anticipation (oui, un luzien déçu par ses propres résultats électoraux ose tout dans son processus de résilience, même les pires jeux de mots perlés). Or les enjeux sont majeurs dans plusieurs communes, et en particulier dans celles où des abertzale sont encore en lice et parfois avec de très bons coups à jouer.

La première des choses sera donc pour moi d’appeler à la mobilisation pour le 28 juin prochain, histoire que les espoirs nés de ce premier tour ne soient pas déçus au second.

Car, et c’est là le premier constat que je souhaiterais sinon dresser car il est déjà connu, mais rappeler car il me semble préoccupant, l’image d’un électorat abertzale votant le doigt sur la couture, sans qu’une voix ne manque jamais, a fait long feu depuis longtemps.

Le dimanche 15 mars dernier l’a une fois de plus démontré, sans que le Covid soit une raison valable. L’abstention s’est constatée partout, c’est un fait évident. Mais il paraît tout aussi évident qu’elle n’a pas touché tout le corps électoral avec la même intensité. Il n’était que de constater, en siégeant dans les bureaux de vote du premier tour, l’étonnante assiduité dont faisaient montre les électeurs les plus âgés à qui l’on laissait pourtant envisager un risque pour leur santé, tandis que les électeurs plus jeunes brillaient par leur absence.

Ceux-là-mêmes qui sont le cœur de cible que le mouvement abertzale souhaite toucher. Et parmi eux, combien d’électeurs abertzale habituels, dont on ne s’étonne plus de ne pas trouver leur signature sur les listes d’émargements ?

Lorsque vient l’heure des comptes et que, même loin d’avoir pu prétendre emporter l’élection, c’est à une poignée de voix que se joue le résultat voire pire, la conservation de l’unique siège au conseil communautaire, cette désinvolture pèse très lourd. Le cas luzien est cette année l’un des plus révélateur, sans qu’il dédouane la liste abertzale locale d’une remise en question quant à sa propre défaillance au moment de motiver les troupes. En tout cas, si lutter contre l’abstentionnisme en général est un acte citoyen, lutter contre l’abstentionnisme abertzale est un acte militant, la base sans laquelle toute ambition d’émancipation de ce pays, aussi bruyamment scandée qu’elle soit, sera vaine. Le 28 juin prochain, à Ustaritz, Ciboure, Urrugne, Itxassou, Mauléon, et tant d’autres communes où les jeux restent à faire, allons voter !

Faiblesse militante

L’abstentionnisme abertzale n’est qu’un aspect d’un phénomène qui me paraît plus général, celui de la désaffection vis-à-vis de l’engagement partisan. Il n’est finalement pas si étonnant que les abertzale votent moins consciencieusement quand on constate la faiblesse de plus en plus évidente de l’investissement militant dans quasiment toutes les structures qui auparavant faisaient la force du mouvement abertzale. C’est particulièrement évident dans le mouvement politique lui-même. Certes, de nouvelles utopies ou de nouveaux modèles ont germé, notamment autour de l’écologie, qui font que le tableau du militantisme en soi n’est pas totalement noir, mais le militantisme abertzale est, lui, en crise.
Les luttes des premiers militants ont-elles lassé leurs enfants à force de leur être ressassées ? Ces derniers considèrent-ils que les avancées obtenues de haute lutte suffisent, en particulier quand elles génèrent autant d’emplois pour lesquels il n’y a plus besoin de se battre ? Pour prendre un raccourci commode, le mouvement basque ne s’est-il pas quelque peu « fonctionnarisé » ?

Retrouver la flamme

Si les temps glorieux des débuts, si durs pour ceux qui les ont vécus, avaient une vertu, c’est au moins celle de générer la contradiction : quels choix stratégiques pour sortir de la marginalité, quelles lignes politiques, quels moyens y compris armés ? Des questionnements d’une telle portée et générant de tels désaccords qu’ils en étaient puissamment mobilisateurs, en particulier lorsque les réactions du camp adverse – invariablement négatives – suscitaient à leur tour un nouveau sursaut. La fameuse dynamique « action-répression-action », moteur traditionnel de la lutte révolutionnaire, n’est pas qu’une théorie.

Aujourd’hui, il faut visiblement offrir de nouvelles raisons aux gens pour se mobiliser, réinventer le mouvement abertzale et en quelque sorte le ré-enchanter, le rendre plus attractif. La seule promesse institutionnelle ou électorale, à supposer qu’elle se suffise à elle-même, ne fait pas rêver, notamment les plus jeunes. Alors « que faire », aurait dit celui qui justement n’aura pas vécu assez longtemps pour avoir à gérer ce genre de crise de croissance ? Au moins en prendre conscience, pour tenter d’inventer la voie vers un nouveau sursaut militant.

Soutenez Enbata !

Indépendant, sans pub, en accès libre, financé par ses lecteurs
Faites un don à Enbata.info ou abonnez-vous au mensuel papier

Enbata.info est un webdomadaire d’actualité abertzale et progressiste, qui accompagne et complète la revue papier et mensuelle Enbata, plus axée sur la réflexion, le débat, l’approfondissement de certains sujets.
Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés par les dons de nos lectrices et lecteurs, et les abonnements au mensuel papier : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre.
« Les choses sans prix ont souvent une grande valeur » Mixel Berhocoirigoin
Cette aide est vitale. Grâce à votre soutien, nous continuerons à proposer les articles d'Enbata.Info en libre accès et gratuits, afin que des milliers de personnes puissent continuer à les lire chaque semaine, pour faire ainsi avancer la cause abertzale et l’ancrer dans une perspective résolument progressiste, ouverte et solidaire des autres peuples et territoires.
Chaque don a de l’importance, même si vous ne pouvez donner que quelques euros. Quel que soit son montant, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission.
Faites un don ou abonnez vous à Enbata : www.enbata.info/articles/soutenez-enbata

  • Par chèque à l’ordre d’Enbata, adressé à Enbata, 3 rue des Cordeliers, 64 100 Bayonne
  • Par virement en eusko sur le compte Enbata 944930672 depuis votre compte eusko (euskalmoneta.org)
  • Par carte bancaire via système sécurisé de paiement en ligne : paypal.me/EnbataInfo
  • Par la mise en place d’un prélèvement automatique en euro/eusko : contactez-nous sur [email protected]

Pour tout soutien de 50€/eusko ou plus, vous pourrez recevoir ou offrir un abonnement annuel d'Enbata à l'adresse postale indiquée. Milesker.

Si vous êtes imposable, votre don bénéficiera d’une déduction fiscale (un don de 50 euros / eusko ne vous en coûtera que 17).

Enbata sustengatu !

Independentea, publizitaterik gabekoa, sarbide irekia, bere irakurleek diruztatua
Enbata.Info-ri emaitza bat egin edo harpidetu zaitezte hilabetekariari

Enbata.info aktualitate abertzale eta progresista aipatzen duen web astekaria da, hilabatero argitaratzen den paperezko Enbata-ren bertsioa segitzen eta osatzen duena, azken hau hausnarketara, eztabaidara eta zenbait gairen azterketa sakonera bideratuagoa delarik.
Garai gogorrak dira, eta badakigu denek ez dutela informazioa ordaintzeko ahalik. Baina irakurleen emaitzek eta paperezko hilabetekariaren harpidetzek finantzatzen gaituzte: ordaindu dezaketenen eskuzabaltasunaren menpe gaude.
«Preziorik gabeko gauzek, usu, balio handia dute» Mixel Berhocoirigoin
Laguntza hau ezinbestekoa zaigu. Zuen sustenguari esker, Enbata.Info artikuluak sarbide librean eta urririk eskaintzen segituko dugu, milaka lagunek astero irakurtzen segi dezaten, hola erronka abertzalea aitzinarazteko eta ikuspegi argiki aurrerakoi, ireki eta beste herri eta lurraldeekiko solidario batean ainguratuz.
Emaitza oro garrantzitsua da, nahiz eta euro/eusko guti batzuk eman. Zenbatekoa edozein heinekoa izanik ere, zure laguntza ezinbestekoa zaigu gure eginkizuna segitzeko.
Enbatari emaitza bat egin edo harpidetu: https://eu.enbata.info/artikuluak/soutenez-enbata

  • Enbataren izenean den txekea “Enbata, Cordeliers-en karrika 3., 64 100 Baiona“ helbidera igorriz.
  • Eusko transferentzia eginez Enbataren 944930672 kontuan zure eusko kontutik (euskalmoneta.org-en)
  • Banku-txartelaren bidez, lineako ordainketa sistema seguruaren bidez: paypal.me/EnbataInfo
  • Euro/euskotan kenketa automatikoa plantan emanez: gurekin harremanetan sartuz [email protected] helbidean

50€/eusko edo gehiagoko edozein sustengurentzat, Enbataren urteko harpidetza lortzen edo eskaintzen ahalko duzu zehaztuko duzun posta helbidean. Milesker.
Zergapean bazira, zure emaitzak zerga beherapena ekarriko dizu (50 euro / eusko-ko emaitzak, 17 baizik ez zaizu gostako).