Non ratification de la Charte européenne des langues minoritaires, refus de la collectivité territoriale spécifique, alignement répressif sur Madrid, forcing en faveur de la LGV, n’en jetez plus, la cour est pleine soutient Peio Etcheverry-Ainchart. Que reste-t-il des raisons qui ont conduit nombre d’abertzale à voter socialiste aux élections de l’année dernière ?
Je sais, l’usage du latin fait pompeux, mais j’avoue que l’élection du nouveau pape a réveillé en moi le latiniste qui sommeillait. Heureusement que la liturgie catholique ne s’exprime pas en toungouse, car j’aurais eu plus de mal.
De la compatibilité entre confiance et socialisme
Bon, vous vous demanderez pourquoi en titre cette saillie associant les socialistes et le diable, dans une citation latine en outre incomplète. C’est légitime. Cette médiocre licence rhétorique a pour but de souligner l’erreur dans laquelle les socialistes sont, à mon humble avis, en train de s’enliser à nouveau en ce moment à l’endroit des abertzale, dont ils ont voulu faire leurs partenaires privilégiés voici quelques mois à l’occasion des élections législatives. A l’époque, je me souviens d’un coup de fil courroucé que m’avait passé Sylviane Allaux au lendemain du premier tour, lorsqu’elle avait appris qu’Euskal Herria Bai, tout en soulignant son inclination naturelle à appeler à voter PS pour chasser la droite, ne pouvait se résoudre à un appel formel du fait de positions trop éloignées sur certains points tels que l’institution, la langue, la résolution du conflit et la LGV. Elle avait passé vingt minutes à tenter de me convaincre que nous pouvions faire confiance aux socialistes, que les erreurs du passé étaient derrière nous, etc. Quant à François Maitia, qui n’a pas lésiné sur les déclarations et formules à l’emporte-pièce pour fustiger ces mêmes abertzale qui ont préféré choisir Jean Lassalle plutôt que lui faire confiance… Humainement, je le comprends, mais politiquement?
Car que constate-t-on aujourd’hui, près d’un an plus tard ? La question institutionnelle, autour de laquelle un consensus historique s’est manifesté au Pays Basque en faveur d’une collectivité territoriale, n’a pour l’instant reçu qu’une fin de non-recevoir, au mépris du plus élémentaire principe de souveraineté populaire qui fonde pourtant la philosophie politique de la gauche. La résolution du conflit, n’en parlons même pas: avec un changement tel que celui apporté par Manuel Valls, mieux vaut la continuité d’un ministre de l’Intérieur de droite. Quant à la LGV, il paraîtrait que le dossier avance toujours malgré la crise, tout va bien merci pour lui. Et il y a trois semaines, nous apprenons cette fois carrément la reculade de François Hollande sur une de ses promesses de campagne: la constitution ne sera pas modifiée pour permettre la ratification de la charte européenne des langues minoritaires.
La moutarde qui fait déborder le vase
Là, ça commence à faire beaucoup. En particulier lorsque l’on est obligé de lire dans la presse les justifications alambiquées de Colette Capdevielle sur le dossier de l’euskara –laissant entendre que ce n’est pas si négatif que cela, que ceci est prévu ou cela possible, etc.– et de fort opportunes envolées twitteresques sur l’arrivée de korrika. A s’enfoncer ainsi, elle va bientôt tomber sur du gaz de schiste, dont l’odeur est à peine plus nauséabonde que celle de l’hypocrisie. D’où le titre de cette chronique: les socialistes ne sont-ils pas en train de nous rejouer la partition de 1981, celle du renoncement mitterrandien? Auquel cas si en 1981 errare pouvait être humanum, perseverare serait vraiment diabolicum et je pense que ça commencerait sérieusement à nous gonfler, pour reprendre une expression des frères Montgolfier. Je me doute bien que notre exaspération ne les intéresse pas outre mesure, et que peut-être la sensation même de passer pour les éternels politiciens aux belles paroles et aux promesses creuses ne les empêche pas de dormir. Mais la mathématique électorale faisant partie de leur ADN, il y a là matière à réflexion sur le long terme.
Car il faut bien que les socialistes, qu’ils soient d’ici ou de Paris, comprennent que l’an dernier ils ont eu besoin des voix abertzale pour faire passer au moins une de leurs députées et que ces mêmes voix abertzale étaient aussi arbitres dans la 4ème circonscription. De même, l’an prochain aux municipales, puis encore en 2015 aux cantonales et en 2017 aux législatives, il est probable que si les abertzale ne leur passent pas purement et simplement devant – ce qui est indubitablement notre objectif –, ils soient encore une fois arbitres du second tour. En particulier alors que le PS devra subir le droit d’inventaire de son quinquennat au pouvoir.
Rendez-vous dans les urnes
Une mise au point doit alors être clairement faite: le PS local ferait une énorme errare diabolicum s’il pensait que les abertzale voteront toujours pour eux au second tour, sous prétexte qu’ils sont majoritairement de gauche. Les abertzale ne doivent absolument rien au PS. Ils ne sont les supplétifs de personne, encore moins d’un parti qui déploie autant d’efforts et montre autant de régularité à les décevoir.
Je ne sais pas quelle consigne donnera EH Bai, ni ce que feront l’ensemble des abertzale dans le secret de l’isoloir. Mais personnellement, si le PS ne change pas rapidement, sur les thématiques abertzale comme d’ailleurs sur sa conduite des affaires économiques et sociales, les boniments de ses candidat(e)s locaux n’y changeront rien: dans le cas peu probable où il n’y aurait pas d’abertzale au second tour, je serai évidemment tenté de voter «tout sauf la droite» car je suis abertzale et de gauche, mais contrairement au deuxième tour de 2012 je ne voterai pas PS… pour les deux mêmes raisons! Et que les socialistes ne crient pas au scandale ou à la trahison: ils auront été avertis. À bon entendeur…
Les socialistes ne sont-ils pas en train de nous rejouer la partition de 1981,
celle du renoncement mitterrandien ?
Auquel cas si en 1981 errare pouvait être humanum,
perseverare serait vraiment diabolicum
et je pense que ça commencerait sérieusement à nous gonfler,
pour reprendre une expression des frères Montgolfier.