Sauvons le retable d’Esnazu

Un vote en ligne de votre part peut accorder une aide substantielle pour la restauration d’un bijou de l’art religieux d’Iparralde. L’historien René Cuzacq nous le présente.

Nous sommes à Esnazu, petit quartier des Aldudes en Basse-Navarre, en l’église Notre Dame de l’Assomption qui détient un retable exceptionnel des XVII-XVIIIe siècle. Peint et doré, il comprend une dizaine de statues. Le contraste entre son ornementation ostentatoire et la sobriété du reste du décor font le charme de l’église construite à la fin du XIXe siècle. Comme on le lira plus loin, il a été acheté en 1888 à Larressore en Labourd et provient d’une église alors en ruine.

Bien que classé Monument historique, le retable d’Esnazu est aujourd’hui en mauvais état, « très fragile et en péril », avec des bois vermoulus et un affaissement de la partie droite. Les travaux de restauration sont nécessaires et urgents, ils s’élèvent à environ 85.000 euros, dont 40 % payés par la DRAC. La commune des Aldudes qui ne compte que 330 habitants, manque cruellement de moyens pour faire face au reste de la dépense. Malgré les difficultés, le maire Martin Suquilbide, son adjointe Estitxu Sabarots et les autres élus, se lancent dans l’aventure. L’opération peut bénéficier d’une subvention de 8.000 euros par le biais d’un concours. Trois monuments de la Nouvelle-Aquitaine sont en concurrence en sa phase finale. Pour faire gagner le projet basque, cela passe par un vote auquel vous pouvez participer. Donc cliquez immédiatement sur le lien suivant afin de soutenir le projet :  https://www.sauvegardeartfrancais.fr/sondages/allianz-plus-grand-musee-de-france-2025-nouvelle-aquitaine/

Les délais étant assez restreints, nous vous suggérons de voter dès la lecture de cet article.

L’historien René Cuzacq présente le retable

Pour en savoir plus, voici un extrait de l’article de l’historien René Cuzacq, paru dans la revue Gure Herria (1972-6, pages 321 et suiv.).

« A la façon successive des scènes d’une pièce de théâtre classique, le grand retable d’Esnazu déroule ses compartiments divers en deux étages, entourés partout de colonnes cannelées, aux grandes bases à moulures typiques. Par côté, deux petits retables de style identique surmontent leur fronton triangulaire d’un pot à feu. Leur intérieur s’orne d’une niche en cintre incurvé entourant chacune leur statue. Par côté, deux ailerons longitudinaux, tout en hauteur, se dessinent. Le tout surmonté de bas petits gradins étagés à même l’autel.

Le compartiment inférieur du retable offre à sa gauche et à sa droite deux grands saints, leur soubassement portant deux palmettes symétriques et recourbées au bas ; même motif ornemental non moins typique en son genre, au sommet, ou encore tout au long de l’horizontal entablement sur qui repose l’étage. Toute cette ordonnance demeure « classique ». Voici au support des colonnes de délicieuses et évocatrices petites têtes d’angelots ailés, un peu réalistes peut-être…

Le milieu de cet étage inférieur prend toute son ampleur, son décor du haut est une véritable dentelle parsemée de têtes d’angelots. Ici, comme le cœur de toute cette grande et superbe mise en scène religieuse, voici le tabernacle ornant ses côtés de panneaux sculptés, de même les bas reliefs des panneaux à la paroi attenante.

Le geste désespéré du Sauveur

Ils sont non moins remarquables que la grande statuaire en ronde bosse. Ainsi Jésus tombant sous le poids de la croix, à l’entour la foule pressée des légionnaires avec leurs enseignes ou l’échelle qui va servir à la crucifixion ; soulignons le geste désespéré du Sauveur, son regard, ses bras tendus. Les têtes sont barbues et expressives. Ainsi le repas de la Cène où le Christ est surmonté d’un dais à glands selon la mode « classique » du temps. On verra encore les costumes et leurs contournements. Ainsi la scène de l’agonie au jardin des oliviers (ici stylisés dans un coin), le Christ dans l’attitude suppliante demandant à son Père que ce calice s’éloigne de Lui. Non moins curieux est le panneau du lavement des pieds ; il accompagne un repas (saint Jean, XIII), le motif supérieur étant celui de deux serviteurs qui semblent s’occuper avec deux vases à porter l’eau pour le petit bassin, plutôt que de s’occuper du repas (« pendant le repas », dit l’Apôtre).

Bien des détails seraient à souligner : telle la draperie des petits soubassements, incurvée, une tête d’angelot ailé au centre, et retombant aux deux bouts en « chute », comme une guirlande. A la porte du tabernacle, un magnifique ostensoir à rayons s’encadre de guirlandes de feuillages cette fois, deux anges typiques aux ailes déployées tiennent la monstrance et adorent le Dieu de l’Eucharistie. Pièce capitale, le tabernacle à même l’autel est mis en valeur et s’inscrit dans tout ce décor d’hommage multiplié à l’infini et plein de vie. La foi trouve son profit parmi cette profusion de magnificence de notre retable. Un dôme prestigieux surmonte au demeurant le tabernacle. A l’entour de cette grande scène centrale, entre deux colonnes à nouveau cannelées, deux saints, à droite et à gauche, non moins parlants, mettent leurs statues dans un grande niche en plein cintre.

Il en est de même à l’étage, porté par un entablement superbement décoré de ses palmettes de feuillages contournés. Au centre ici, il est une statue de la Vierge reine de la terre et du ciel, vierge assise qui y trône entre quatre montants verticaux. (…)

Style baroque et jésuite

On serait déjà porté à dater notre retable du XVIIIe siècle, peut-être vers ses premières décennies. Il n’y a donc pas lieu de chercher un rapprochement avec la vierge assise aux quelques survivances romanes, surtout d’un art populaire mais gothique (plis caractéristiques incurvés du manteau en leur symétrie) du XIVe siècle qui se trouve non loin de là à Aincille. Marie est ici à sa place, bien en vue, dans son rôle d’intercession et de médiatrice.

Nouvel entablement à denticules et feuillages ondulés… Nous arrivons au fronton triangulaire. Sur ses rampants, il s’orne de deux grands anges assis aux ailes ouvertes, et en oblique aussi. Ses écoinçons se timbrent chacun d’une petite croix de Malte en son cercle. Entre deux colonnes cannelées, accotées de deux autres en torsade, voici saint Michel au curieux costume d’archange ailé, droit et debout, calme et tranquille, tête nue. C’est le patron local, au glaive tuant le dragon du mal, dans l’autre main la symbolique balance du jugement final.

Au-dessus du saint, petit et moins large entablement à nouveau, mêmes denticules et feuillages. Puis deux ailerons posés à plat entourant une grande palmette en feuille lobée triomphale. De part et d’autre, deux anges aux ailes éployées debout; on verra l’attitude des jambes et surtout le geste parlant des bras. Digne couronnement et achèvement aux lignes nettes, de cette immense page décorative et chrétienne catholique. Deux ailerons au feuillage découpé flanquent aussi l’encadrement de saint Michel et se raccordent heureusement aux rampants du fronton. Jusqu’en ces petits détails, la recherche esthétique est aussi heureuse.

De quand date pareille œuvre ? Style « baroque », « jésuite », « classique », dira-t-on volontiers. La nuance rococo et tout son mouvement (cf le drapé et les plis des costumes) peuvent s’y refléter non moins à l’occasion. D’où quelque possible datation du XVIIIe siècle, et plutôt vers ses premières décennies. (…) L’arrêté de classement [au titre des Monuments historiques, indique] « retable du maître autel de bois doré, peint et sculpté » et il ajoute « du XVIIe siècle ». Datation possible certes, si à notre sens il faut songer à la fin du XVIIe siècle et sa tendance vers le style régence, alors, un style digne de l’œuvre. La datation resterait donc un peu incertaine à première vue.

Accent basque

Il convient de souligner encore l’ajout d’un curieux accent basque dans sa surcharge, son goût du décor, sa manière un peu naïve ou originale de rendre la figure humaine, au fond un peu simpliste et un peu gauche en son genre ; autant de notes d’un art populaire des plus savoureux.

Où pareil retable a-t-il pu être fait, avec tout le temps qu’il fallut ? Non dans un village, mais plutôt dans quelque atelier un peu collectif de ville. Bayonne eut de nombreux ateliers de sculpture sur bois. Quelques-uns survivaient encore en 1930. Tout avait pratiquement disparu à la date fatidique de 1939. Bidache, à l’ombre du château des Gramont, avait pareil grand atelier : de là, terminé en 1669 en son style Louis XIV, vint le retable fameux de St-Jean-de-Luz.

C’est ici que Louis Dassance vient à la rescousse (…). Voici ce qu’il a bien voulu nous dire en l’occurrence. Le retable d’Esnazu provient de l’ancienne église de Larressore (donc pas loin de Bayonne), entourée du cimetière et contre le bas du parc boisé du château Saint-Martin, de la famille Diesse. Elle était tellement délabrée qu’il a fallu y interdire le culte. Le retable fut acheté par Jean Etchebarren, un fidèle d’Esnazu, au curé de Larressore en 1888, l’abbé Dibildox, qui cherchait des fonds pour la nouvelle construction. Il y songeait depuis qu’il était question de fermer l’église dont l’état devenait dangereux. Jean Etchebarren fit restaurer le retable à Pampelune, après quoi il gagna la petite église d’Esnazu (…) ».

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2 thoughts on “Sauvons le retable d’Esnazu

    1. Oui il faut soutenir la restauration du retable de la chapelle des aldudes dans les Pyrénées atlantique

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