Les attentats du 13 novembre 2015 à Paris ont été l’occasion pour le pouvoir d’en appeler à la solidarité nationale, à l’identité française, avec force Marseillaises chantées à tout bout de champ et drapeaux tricolores déployés aux fenêtres. Bref, un grand moment de nationalisme à la française. Mais que veut précisément dire “nationalisme”, sachant qu’il y a autant de nationalisme à défendre l’idée de l’existence d’une nation basque que dans celle de lui opposer une fin de non-recevoir au nom d’une autre nation, française ou espagnole en l’occurrence.
Il y a quelque temps, à l’occasion d’une réunion rassemblant quelques militants de diverses tendances politiques (toutes de gauche mais pas toutes abertzale), un débat intéressant s’est lancé autour de la nature nationaliste de l’abertzalisme. Un débat assez classique à vrai dire, mais autour duquel beaucoup de non-dits et de malentendus persistent.
L’abertzalisme, ce nationalisme
Le mot “nationalisme” est sulfureux, et à mon avis à raison. L’histoire récente l’a chargé d’une connotation très négative, souvent même dramatique, et il est rarement de bon ton de s’assumer “nationaliste basque”. Mais alors comment définir l’abertzalisme, à supposer que le terme “patriote” soit plus reluisant, ce dont je doute fort ? Le problème est que le terme “nationalisme” a plusieurs définitions selon les lieux, les circonstances, les disciplines scientifiques, et il fait partie de cette cohorte de concepts qu’on utilise à tort et à travers sans se soucier de son sens véritable.
Toute glose de spécialiste mise à part, si l’on considère que le nationalisme est l’attachement – plus ou moins affirmé, plus ou moins exclusif, plus ou moins ouvert – à une identité nationale, l’abertzalisme en est objectivement une forme. Le reconnaître est aussi plaisant à l’heure actuelle que de s’afficher carnivore devant un élevage porcin en batterie, mais c’est ainsi. Autre chose est par contre de s’arrêter à cela et d’éviter de se demander s’il n’est de nationalisme au Pays Basque que le nationalisme basque, et si tous se valent (non pas en termes de représentativité démocratique – évidemment inégale aujourd’hui – mais en termes philosophiques).
Car à mon sens, il y a autant de nationalisme à défendre l’idée de l’existence d’une nation basque que dans celle de lui opposer une fin de non-recevoir au nom d’une autre nation, française ou espagnole en l’occurrence.
N’est-il pas intellectuellement hypocrite de n’accorder de légitimité de principe qu’à la nation française, sous prétexte que les fortunes de l’histoire l’ont associée à un Etat et en ont au contraire privé toute nation basque ? Et ce, alors même que l’une comme l’autre ne sont à l’origine que des concepts “imaginés” (B. Anderson), sans aucun fondement réellement objectif, toutes deux étant en cela parfaitement similaires ? Par nature, l’attachement d’un abertzale à la représentation de sa nation est exactement le même que celui d’un Français moyen à la sienne ; la seule et unique différence tient dans le fait que le premier le revendique comme projet et que cette posture est qualifiée de nationaliste, alors que le second ne se soucie guère de la question puisque cette identité nationale lui est déjà acquise et considérée comme une norme.
Si l’on a recours à une comparaison sportive pour que ce soit plus concret, mettez un maillot de football d’Euskal selekzioa sur les épaule d’un quidam, vous en ferez un nationaliste basque ; mettez-lui maintenant le maillot bleu frappé du coq gaulois, vous n’en tirez aucune conclusion particulière.
Nationalisme et nationalisme
Au plan purement théorique, tous les sentiments d’appartenance nationale sont donc à peu près équivalents. Autre chose est de se demander si, au-delà de leur caractère “officiel” ou “minoritaire”, les idéologies dont on colore ces sentiments sont aussi équivalents. Encore faut-il souligner le fait qu’une même identité nationale suscite une grande variété de tendances, en fonction de la manière avec laquelle celles-ci combinent des éléments tels que les fondements théoriques de la nation, la conception de la souveraineté, l’ouverture sur l’immigration, la vision de l’Europe et du monde, etc.
En schématisant, un facho basque n’aura qu’un drapeau de différence avec un facho français, alors qu’il sera diamétralement à l’opposé d’un militant abertzale classique, disons d’EH Bai. Ce dernier, par contre, ressemblera comme deux gouttes d’eau à un Français moyen, à la différence près qu’il n’aura pas le droit de se dire basque.
“Mais quelle importance à l’heure de l’Europe”, objectera-t-on ? Certes. Mais le Français moyen est-il prêt à renoncer à sa carte d’identité pour une citoyenneté européenne ? On ne le saura pas de sitôt, et c’est en soi significatif.
Quant au Basque, il est rétrograde du simple fait de vouloir une égalité de droits, à défaut de cette Europe politique véritable qui aurait – du moins je l’espère – son assentiment premier.
Et puis il y a ceux qui mettent tout le monde d’accord en parlant “d’internationalisme” – ce qui revient au même puisqu’il s’agit de mêler des nations supposées reconnues – voire mieux, “d’universalisme”. Belle idée en vérité, mais qui n’engage à tellement rien de précis, encore moins de concret, que la brandir de manière moralisatrice paraît souvent un peu facile, surtout chez ceux dont l’identité ne suscite aucun débat.
Il y a autant de nationalisme
à défendre l’idée de l’existence
d’une nation basque
que dans celle de lui opposer
une fin de non-recevoir
au nom d’une autre nation,
française ou espagnole
en l’occurrence
Etre précis pour être compris
Majoritaire ou minoritaire, revendicatif ou passif, tout le monde est consciemment ou inconsciemment nationaliste aujourd’hui, comme M. Jourdain est prosateur, sauf peut-être quelques authentiques anarchistes (ils sont rares à dépasser le stade de la posture). Ce sera ainsi tant qu’on n’aura pas enterré le vieux paradigme dix-neuviémiste de l’Etat-nation. Ce jour-là, je serai aux funérailles avec une couronne, mais je ne pleurerai pas.
Par contre et pour finir, je suis convaincu du fait que le mouvement abertzale, tout en se plaignant d’être catalogué, pêche encore par imprécision dans le contenu qu’il donne à son corpus idéologique. Indépendantisme, fédéralisme, gauche plus ou moins à gauche…
Depuis que ce mouvement a commencé à se structurer, disons depuis les années 1960, ce qui l’a toujours prioritairement rassemblé est “Euskal Herria”. Il a majoritairement grandi à gauche en Iparralde, il a été parcouru de débats tactiques et stratégiques, il produit un projet politique collectif qui me semble sérieux, mais derrière le paravent d’Euskal Herria la pluralité idéologique est parfois évidente.
Or pour être davantage qu’un simple “nationalisme” dans la pratique, il faudra se montrer capable d’expliquer avec plus de précision tout ce que nous proposons à la population de ce pays.
Beti plazer bat duk enetako hire artikuluen irakurtzea, baitakit ez dutela faltan ukanen ez biperrrik, ez gatzik. Bainan goazen harira ! Orain dela zonbait urte (15 bat gutxienez) antzeko eztabaida bat ukan genian elkarren artean. Hik garai hartan gutxi gora behera gaur egun defendatzen duana erraten huen kasik hitzez hitz. Nik aldiz, kontrakoa ez izanik ere, hitzen garrantziari kasu gutxiago egiten nizkion : abertzalea (patriote), nazionalista, identitarioa (ikus zer itsuskeri bilakatu den hitz hori zonbat gazte faxistek bereganu dutenetik !), etabar horiek hitzak ziren, bainan kontutan hartzekoa zena haien izenean ematen zen “praxia”. Egia duk hala ere garai hartan hurbil genuela Yougoslavia ohian izandako gerlak, sarraskiak eta garbiketa etnikoa… Nazionalista hitzari kutsu kirasgarri hau atxikia gelditu zitzaion denbora haietatik.
Bainan denbora aintzina doalarik,lexikoa berkokatu egiten duk ere. Eta hitzak hitz, aintzin erran bezala, gakoa enetzat hitzarekin batera doan praxian, praktika politikoan datza. Adibidetzat hartu nahi diat Korsikako Lurralde Kolektibitateko lehendakari nazionalistak Politis aldizkarian dioena haren burua nazionalistatzat duenez azaltzeko ? “Nationaliste, oui, mais, dans le sens du concept validé par l’histoire contemporaine de la Corse. Inutile de préciser que je ne me reconnais absolumment pas dans le concept de nationalisme tel qu’il peut être défini en France ou en Europe. Je dirais que je suis nationaliste parce que le peuple auquel j’appartiens et ses droits ne sont pas reconnus. Le jour où ce sera le cas, je pourrai abandonner cette appellation.” (Politis 5-11/05) . Ederra ezta ?
Bidenabar, mila zorion Politis aldizkariari, periferietako mugimenduen konprenitzeko egin duen ahalegin honengatik. Gomendatzen dizuet benetan aipatutako artikukuaren irakurtzea.
Beti plazer bat duk enetako hire artikuluen irakurtzea, baitakit ez dutela faltan ukanen ez biperrrik, ez gatzik. Bainan goazen harira ! Orain dela zonbait urte (15 bat gutxienez) antzeko eztabaida bat ukan genian elkarren artean. Hik garai hartan gutxi gora behera gaur egun defendatzen duana erraten huen kasik hitzez hitz. Nik aldiz, kontrakoa ez izanik ere, hitzen garrantziari kasu gutxiago egiten nizkion : abertzalea (patriote), nazionalista, identitarioa (ikus zer itsuskeri bilakatu den hitz hori zonbat gazte faxistek bereganu dutenetik !), etabar horiek hitzak ziren, bainan kontutan hartzekoa zena haien izenean ematen zen “praxia”. Egia duk hala ere garai hartan hurbil genuela Yougoslavia ohian izandako gerlak, sarraskiak eta garbiketa etnikoa… Nazionalista hitzari kutsu kirasgarri hau atxikia gelditu zitzaion denbora haietatik.
Bainan denbora aintzina doalarik,lexikoa berkokatu egiten duk ere. Eta hitzak hitz, aintzin erran bezala, gakoa enetzat hitzarekin batera doan praxian, praktika politikoan datza. Adibidetzat hartu nahi diat Korsikako Lurralde Kolektibitateko lehendakari nazionalistak Politis aldizkarian dioena haren burua nazionalistatzat duenez azaltzeko ? “Nationaliste, oui, mais, dans le sens du concept validé par l’histoire contemporaine de la Corse. Inutile de préciser que je ne me reconnais absolumment pas dans le concept de nationalisme tel qu’il peut être défini en France ou en Europe. Je dirais que je suis nationaliste parce que le peuple auquel j’appartiens et ses droits ne sont pas reconnus. Le jour où ce sera le cas, je pourrai abandonner cette appellation.” (Politis 5-11/05) . Ederra ezta ?
Bidenabar, mila zorion Politis aldizkariari, periferietako mugimenduen konprenitzeko egin duen ahalegin honengatik. Gomendatzen dizuet benetan aipatutako artikukuaren irakurtzea.