Quatre réflexions pour un bilan des élections

PEAPlus que le large progrès des abertzale au premier tour, c’est leur second tour, par son caractère fédérateur, qui marque les esprits. Ce pays est abertzalisable.

A défaut de pouvoir livrer un bilan officiel de ces élections au nom d’EHBai, Enbata me fait le plaisir de pouvoir les commenter en mon nom propre. Afin de ne pas abuser, je me contenterai de quatre points.

Le grand bond en avant

Pas la peine ici de me lancer dans des calculs savants sur les résultats abertzale, leur analyse approfondie viendra en son temps et nécessite bien davantage de  recul que je n’en
ai ici. Une chose paraît toutefois évidente au regard des scores obtenus sur les deux tours des 22 et du 29 mars : EHBai a opéré un “grand bond en avant”. Dépassant les 5% sur
tous les cantons y compris dans le BAB, obtenant de manière générale des scores flatteurs, sa qualification au second tour sur près de la moitié des cantons basques forçait déjà le
respect au lendemain du premier tour.

Mais ce sont surtout les résultats obtenus lors de ce second tour qui peuvent frapper les esprits. En effet, on connaissait le mouvement abertzale comme force d’opposition, de plus en plus efficace à l’échelon municipal ; dans d’autres types d’élections plus “politiques”, on le savait également capable de se hisser à de hauts niveaux, mais il restait souvent porté ensuite
à se poser la question d’un report sur le PS au tour suivant. On en tirait une conclusion plaisante – “nous sommes la troisième force” –, mais restait à savoir quand on serait capable
de passer le palier suivant.

Cette fois, ça y est. Dans 5 cantons, EHBai mettait directement la droite en ballotage et se frottait à la reine des questions, celle de savoir si les abertzale seraient assez crédibles pour
fédérer massivement derrière leur logo, auparavant si sulfureux. Le résultat est d’ores et déjà là : une écrasante victoire face au FN pour l’unique conseiller général abertzale sortant Alain Iriart ; une remarquable résistance face à l’ancien/futur président du conseil départemental, sur un canton difficile ; et entre 42% et 46% sur les trois autres cantons, dont celui de
Saint-Jean-de-Luz où l’on ne donnait pas cher de la peau du binôme abertzale !

C’était un vrai test et il est franchi. Ce sont des milliers d’électeurs et électrices qui ont accordé leur voix aux abertzale, souvent pour la première fois, en une sorte de “dépucelage”  politique. Cela ouvre des perspectives exaltantes pour l’avenir, surtout lorsqu’on replace ces résultats dans la dynamique positive de ces dernières années. Par ailleurs, c’est un succès qui n’est plus seulement cantonné au Pays Basque intérieur mais réparti sur quasiment toute la géographie d’Iparralde —la présence au second tour concerne toute la Soule et la Basse-
Navarre, une partie du Labourd intérieur périurbain et désormais un canton côtier véritablement urbain— avec une belle progression même dans le BAB.

C’était un vrai test et il est franchi.
Ce sont des milliers d’électeurs et électrices
qui ont accordé leur voix aux abertzale,
souvent pour la première fois,
en une sorte de « dépucelage » politique.
Cela ouvre des perspectives exaltantes pour l’avenir,
surtout lorsqu’on replace ces résultats
dans la dynamique positive
de ces dernières années.

Structure et conjoncture

Attention, toutefois, à ne pas trop fanfaronner. Il serait aisé de se voir plus beau qu’on n’est et de se dire que 45% des voix sur un canton équivalent à 45% d’abertzale, mais la réalité des faits pourrait vite nous calmer. Bien sûr, le mouvement abertzale peut se flatter de sa progression régulière, sur tous les types d’élections, qui constitue une donnée structurelle. Mais il doit aussi savoir reconnaître le contexte favorable dans lequel il évolue depuis deux ans : d’une part celui de la désastreuse épreuve du pouvoir pour le PS, qui lui ouvre un boulevard à gauche ; d’autre part celui de la tout aussi désastreuse image donnée par le personnel politique en France, drapant le mouvement abertzale d’une dimension protestataire.

Ces éléments conjoncturels ont évidemment pesé dans le résultat de cette élection, et sont par définition appelés à pouvoir se retourner dans les années à venir – ce qui est même souhaitable pour le second d’entre eux car personne n’a à gagner dans la perte de valeur et d’estime de la parole politique.

Cette année, EHBai a donc bénéficié de conditions favorables à sa progression. Les suffrages obtenus se fondent sur un socle solide, mais au-dessus duquel l’édifice en élévation constante ne doit pas être considéré comme inébranlable : nous sommes maintenant dans la cour des grands, et on sait que dans cette division-là les votes sont mouvants. A nous de savoir durablement les capter, en prouvant la validité de notre projet et la crédibilité de celles et ceux qui le portent. Par-là seulement nous pourrons espérer que même dans un retournement de conjoncture politique en France, nous maintiendrons voire augmenterons nos résultats au Pays Basque et rendrons structurel le conjoncturel.

Le résultat de la lisibilité

Mais réussir ce pari, surtout dans un contexte de perte générale de repères, c’est d’abord continuer à être lisibles. Comment ne pas comprendre un électeur lambda, parfois même un militant encarté à l’UMP ou au PS, lorsqu’on le voit déprimer face au spectacle affligeant des divisions dans sa propre famille politique ? Une alliance entre partis dans certains cantons en
France mais les mêmes en opposition dans d’autres ; deux voire trois candidatures d’un même parti se déchirant pour cause de primaires ratées ; des campagnes menées à la va-vite sans vrai programme, parfois sans même voir la tête des candidats ailleurs que sur les professions de foi… La force du mouvement abertzale, sur cette élection plus encore que par le passé, c’est d’abord d’avoir su se restructurer. Certes, on a pris du temps à organiser le congrès constitutif de décembre dernier ; certes, tout n’est pas encore achevé et ce sera long. Mais l’outil EHBai vient de prouver son efficacité. Quinze ans après une douloureuse scission, et malgré les esprits chagrin qui longtemps renâclèrent à renouer les liens, le visage abertzale est devenu séduisant : unité, jeunesse, dynamisme, authenticité, sérieux, abnégation, c’est un visage tout en contraste avec celui d’un personnel politique traditionnel à bout de souffle. Cela, les gens l’ont vu et ils nous l’ont dit durant la campagne. C’est notre force, et cela aussi doit s’entretenir.

Mais comme toute chose, cette force connaît chez nous aussi certaines limites, qu’il faudra étudier sans jugement à l’emporte-pièce mais sans fard non plus. Si je devais en citer une parmi celles qui me paraissent les plus importantes, ce serait celle de certaines de nos stratégies municipales. Pour illustrer ma pensée sans juger quiconque, et même si ma proverbiale fierté luzienne doit en souffrir, je citerai l’exemple vertueux le plus proche que j’aie  eu à observer, celui de Ciboure. En 2008, Ciboure était devenu un champ de ruines abertzale : pas de liste municipale et un résultat cantonal médiocre, alors même que les résultats abertzale étaient flatteurs partout alentour. Sept ans plus tard, 2 ans seulement après qu’une dynamique ait refleuri derrière une bande de jeunes volontaristes, la liste municipale Ziburu bizi obtient 21% et EHBai passe en tête à Ciboure au second tour des départementales !

Bien sûr, aucun cas particulier n’est une vérité absolue, mais personne ne m’ôtera de l’idée que dans les communes d’une certaine taille, là où existe une dynamique municipale abertzale propre les résultats dans les autres élections en bénéficient, tandis que leur absence les plombe au contraire. Réussir, c’est être connu et reconnu au quotidien.

La force du collectif

Pour finir, je ne saurais passer comme anecdotique la force du collectif que représente EHBai. Si la campagne se mène derrière des “produits d’appel” que sont les candidat-e-s, il doit  être souligné l’énorme effort militant qui rend leur succès possible.

De la gestion de la campagne générale d’EHBai à la rébarbative besogne des mandataires financiers, de l’élaboration  d’un programme à la traduction des textes, de l’affichage à toutes les formes de tractage, sans compter les soutiens et aides de tout type, c’est une aventure collective qui porte une campagne électorale… en tout cas dans le cas d’EHBai. Les résultats obtenus appartiennent à tous ces gens-là, qu’on ne voit si sur les affiches, ni sur les tableaux de suffrages.

Un  hommage et de sincères remerciements sont un bien modeste mais si nécessaire minimum. Quant à la sphère privée, qu’on oublie également si souvent, c’est par elle qu’on me permettra de finir. A moins de vivre en ermite au quotidien, aucun candidat-e ne pourra jamais faire campagne sereinement sans le soutien —voire le sacrifice temporaire— de ses proches. Femme, mari, enfants, mère, père, frère, soeur, parfois même beaux-frères et belles-soeurs; tous assument, supportent, compatissent, participent, eux aussi dans l’ombre. Sans
cela, le résultat ne serait jamais le même, ou alors à quel prix humain ! Que ces lignes reflètent la reconnaissance que tous les candidat-e-s EHBai doivent probablement avoir pour leurs proches sans avoir la chance de pouvoir le dire publiquement, et que les miens en soient définitivement assurés, avec un gros pott à tous.

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4 thoughts on “Quatre réflexions pour un bilan des élections

  1. Bravo pour vos résultats fruits de votre travail. Les abertzales ont su fédérer contre la droite, c’est bien car au 2ème tour on vote contre alors qu’au 1er on vote pour. C’est ce que j’ai fait en votant abertzale au 2ème tour, comme je l’aurait fait en votant pour un socialiste pro LGV par exemple. Mais les voix d’électeurs de gauche lambda comme moi pourraient manquer un jour si la réciproque n’est pas vraie.
    La décision du NI NI que vous avez défendue aux législatives de 2012 (même contre votre pire ennemie Alliot Marie! ) ou en faisant élire la droite bayonnaise l’an dernier n’est pas tenable à moyen terme si vous voulez vous implanter encore plus profondément dans le paysage politique. Il ne s’agit pas de soutenir l’indéfendable de la politique de Hollande mais de se rassembler sur des valeurs certes minimales mais importantes que sont les valeurs de gauche la famille à laquelle vous appartenez.
    Cordialement
    André GARO
    Ustaritz

  2. Le problème est que la stratégie politique des socialiste pour le Pays basque nord est dirigée de Paris. Les élus PS du Pays basque ne sont pas crédibles aux yeux des abertzale de gauche.

  3. Un peu court comme analyse.
    Que les avancées du point de vue abertzale soient trop lentes, tout militant a connu ce sentiment.
    Ensuite il faut voir le verre à moitié plein: une grande majorité d’électeurs de gauche a voté abertzale un peu partout où le choix était à faire avec la droite. On pouvait également voir que la liste du jacobin Etcheto était en majorité favorable à l’entité locale basque (Voir l’analyse des municipales par Jean Marc Abadie.)
    Tout le monde est susceptible d’évoluer, comme par exemple les abertzale qui ont décidé de ne plus soutenir la lutte armée d’ETA ou le PC qui a lâché trop tard certes le grand frère soviétique.

    Pour un rassemblement autour d’un projet de relative autonomie locale il vous faudra rassembler toute la gauche ou alors faire des alliances très périlleuses avec la droite ( Voir l’expérience désastreuse de Martine Bisauta à Bayonne qui se retrouve avec ses nouveaux amis à liquider le festival Translatines des Chimères.)
    Que vous sanctionniez Espilondo dont l’antibasquime est caricatural, OK, ne passanctionnerMAM c’est plus qu’une faute, je crois.
    A vous lire plus longuement

  4. En effet je ne suis pas un grand analyste, je préfère me baser sur la réalité du terrain, la pratique et les faits. A partir de là vous comprendrez ma position sur le fait qu’un rassemblement de la “gauche” en ce moment pour moi ne me conviens pas.
    Même sans consigne de vote les abertzale ont été assez grand pour sanctionner MAM.
    En espérant que la réalité du terrain, la pratique et les faits changent pour qu’un rassemblement de la “gauche” soit possible, à bientôt.

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