Maite Goienetxe, membre de la direction d’EHBai relève ici la récente révolte de maires refusant la proximité de l’épandage des pesticides des habitations. Le mouvement devrait s’étendre…
Le gouvernement français s’apprête à mettre à la consultation publique des propositions de mesures en faveur de « la protection des populations dans les zones d’épandages de pesticides de synthèse ».
Cette actualité nous permet de rappeler la décision de plusieurs maires d’interdire ou de réglementer des épandages de pesticides de synthèse à proximité de lieux d’habitations de leurs communes. A l’approche des élections municipales de 2020 et alors que l’éloignement des lieux de décisions est de plus en plus mal perçu, voici une action courageuse d’élus locaux, qui montre que l’échelon municipal peut être un niveau de débat et d’orientation pour tenter d’organiser le vivre ensemble.
Concernant l’échelon dans lequel seraient discutées les propositions d’arrêtés et de décrets, il semble que le niveau départemental ait été choisi pour construire « les chartes d’engagements » concernant les zones de protection. Au niveau du Pays-Basque, la C.A.P.B qui travaille actuellement son projet agricole serait d’un niveau plus pertinent au regard de la réalité agricole de ce territoire.
Mais au-delà du débat sur « une distance de protection des populations » qui permettrait une possible cohabitation des utilisateurs d’un même espace (l’association Générations Futures, qui est le Mouvement pour les Droits et le Respect des Générations Futures, propose par exemple 0 pesticides de synthèse à moins de 100m de tous lieux de vie), il s’agit ici de rappeler la réalité des pesticides.
La France à elle seule déverse chaque année 70 000 tonnes de pesticides dans ses champs et cultures. Elle a jusqu’à peu, et ce depuis fort longtemps, été le 1er pays utilisateur de pesticides en Europe. L’Italie et l’Allemagne la rattrapent et l’Espagne la dépasse. Nous voilà bien en Euskal Herri au milieu de tout ça.
La France, premier pays utilisateur de pesticides en Europe
déverse à elle seule chaque année 70 000 tonnes de pesticides
dans ses champs et cultures.
L’Italie et l’Allemagne la rattrapent et l’Espagne la dépasse.
Nous voilà bien en Euskal Herri
au milieu de tout ça.
En France toujours, près de 90% des points d’observations de l’eau de surface montrent une présence vraisemblable de pesticides. Sur le Bassin Adour-Garonne on retrouve encore à ce jour des molécules chimiques dont l’utilisation est interdite depuis plusieurs années, comme par exemple la Triazine, molécule contenue dans un désherbant chimique.
Localement, la Bidouze connaît bien cette molécule ayant entraîné en partie sa détérioration. La période de re-largage des produits phytosanitaires peut ainsi durer plus de 15 ans. En France, l’estimation du coût complet de la dépollution des excédents de l’agriculture dans les eaux de surface et côtières (y compris donc les pesticides) s’élève à 54 milliards d’euros par an, soit le budget annuel européen de la PAC.
On rappelle enfin qu’entre 1978 et 2000, le nombre de cancer en France a évolué de + 63%. Bien que multi factorielles, la dégradation de l’environnement en général et l’augmentation des pesticides en particulier sont clairement portées comme cause possible dans la détérioration de notre santé. Rappelons par exemple que, selon une mission d’information commune sur les pesticides et leur impact sur l’environnement de 2012, le Sénat français concluait ainsi ce rapport : « les risques des pesticides sont sous évalués ».
Pour terminer, gardons tous et toutes en tête que la plupart des pesticides de synthèse est officiellement classée reprotoxique et/ou mutagène et/ou cancérigène.
Mais alors que faire ?
Le rapport de la FAO en mai 2006 concluait sans réserve que l’Agriculture Biologique (qui, rappelons-le interdit, l’utilisation des pesticides de synthèse) est un modèle alternatif au service du développement durable, qui a le potentiel nécessaire pour satisfaire la demande alimentaire mondiale, tout comme l’agriculture conventionnelle d’aujourd’hui, mais avec un impact mineur sur l’environnement.
Au final, les coûts environnementaux externes de l’AB sont nettement inférieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle. ». Localement en Pays-Basque Nord plus de 300 paysans-es produisent et sont certifié-es en bio, et bien d’autres cultivent au quotidien sans pesticides.
Au fond, le débat est bien celui d’une agriculture avec ou sans pesticides de synthèse. Olivier de Schutter, rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation au Conseil des Droits de l’Homme des Nations-Unies, concluait un séminaire international en Juin 2010 par cette phrase : « Nous pouvons développer des modèles d’agriculture durable et nous assurer qu’ils amélioreront le sort des paysans y compris les plus pauvres…Tout ce qu’il faut pour cela, c’est la volonté politique. C’est elle qui permettra de faire passer ces projets pilotes au stade de politiques nationales. ».
Maite Goienetxe Membre de la Direction d’EHBai