Absente des formations agricoles, l’organisation du travail sur la ferme est pourtant un élément clef pour pouvoir concilier juste revenu et temps libre permettant de participer pleinement à la vie sociale.
La place des paysans dans notre société s’est réduite au fil des ans pour ne plus représenter que 1,5 à 2 % des actifs en France et 4 à 5 % en Iparralde. Sur notre territoire, malgré un type d’agriculture majoritairement paysanne plus qu’industrielle, le nombre de fermes et d’actifs agricoles est en constante diminution. La transformation de la société paysanne en Iparralde est en cours et s’accélère principalement par deux puissants leviers : la Politique agricole commune qui encourage la restructuration et l’élimination des paysans par un mécanisme d’aides directes lié aux hectares et au nombre d’animaux, et l’évolution de la part du temps de travail dans la société par le culte des loisirs et du temps libre. Ici, le choix fait par les paysans de se tourner vers les productions de qualité (présence de quatre Appellations d’Origine Protégées, les vins d’Irouléguy, le fromage Ossau-Iraty, le piment d’Espelette, le jambon du Kintoa et bientôt la cerise d’Itxassou) avec un important développement de l’agriculture biologique et de filières locales spécifiques permet de maintenir une activité agricole importante. Par ailleurs, la dimension culturelle et patrimoniale des fermes du Pays Basque génère également une forte exigence de main-d’oeuvre quant à l’entretien de l’etxe.
Elément clef
Le défi à relever est bien celui de concilier un niveau de rémunération de son temps de travail et celui de pouvoir libérer du temps pour participer à la vie sociale. Pour répondre à cet objectif, le métier de paysan a beaucoup évolué dans les tâches à effectuer, facilitées par la mécanisation mais plus pour répondre aux exigences économiques de la rentabilité que pour se réaliser dans la vie sociale. Il est en effet difficile de sortir de l’engrenage productiviste qui, tout en participant à la libération de certaines tâches manuelles, génère d’autres formes de contraintes et de stress. L’organisation du travail sur la ferme est un élément clé pour pouvoir relever ce défi. Établir les priorités, enchaîner les activités diverses et viser une certaine efficacité dans la réalisation des tâches est en effet essentiel pour faire face à la complexité du métier de paysan, sans compter la réactivité nécessaire à tous les aléas générés par les éléments du vivant que sont les conditions météorologiques ou les réactions et comportements des animaux. En élevage en particulier, il convient de faire tous les jours un peu la même chose, régularité des soins, de la traite, mais il n’y a pas un jour qui soit identique à l’autre.
Dans les éléments d’attractivité du métier de paysan, il y a bien sûr le sens que l’on donne à son activité professionnelle, mais aussi la notion de liberté dans l’organisation de son travail. Et pourtant, cette notion d’organisation du travail n’est nullement abordée dans les formations agricoles, alors qu’elle est indispensable pour pouvoir s’épanouir et non subir les tâches quotidiennes, en particulier en élevage. S’il devient courant de constater que nombre de paysans s’organisent pour prendre quelques jours de congés en famille, nombreux sont ceux qui commencent à s’organiser à plusieurs, à travers des groupements d’employeurs pour l’organisation permanente du travail. Et la nouvelle génération envisage aussi une formule d’installation à plusieurs sur la même ferme avec des ateliers diversifiés. Ces dernières décennies ont vu le développement des formes sociétaires avec plusieurs personnes qui travaillent sur la même ferme. Faire que chacun ait sa place et puisse se réaliser dans les activités de la ferme, apprendre à gérer les situations délicates et anticiper les conflits sont indispensables pour le bien-être paysan.
Dans les évolutions sur les fermes, il faut aussi noter la fin d’une génération de retraités qui restaient en permanence sur la ferme et représentaient un appoint important de main d’oeuvre dans l’entretien de l’etxe. Maintenant, les aînés revendiquent le droit de se prendre du temps et de se déplacer tout en consommant leur maigre retraite.
Tous ces nouveaux éléments sont à prendre en compte et autant d’opportunités à saisir pour permettre à des jeunes et des moins jeunes de découvrir le métier de paysan et de faciliter leur intégration.
L’enjeu au Pays Basque du maintien d’un nombre important de paysans est de compléter le système de transmission intergénérationnel au sein de l’etxe par des conditions d’accueil de personnes issues ou non du milieu paysan. D’où l’intérêt des espaces test sur des lieux qui appartiennent à la collectivité ou sur des fermes privées pour assurer leur formation et permettre la transmission des fermes, mais aussi celui de compléter les formations sur l’organisation du travail et sur les relations humaines afin de répondre à ces nouvelles attentes et susciter des vocations qui seront les bienvenues !