Alors que nous vivions l’une des pires séquences de nos relations avec le pouvoir central, illustrant non pas l’échec d’un dialogue mais son impossibilité, s’est déroulée le 11 septembre au Parlement européen une éloquente prise en compte de nos langues minoritaires. On mesure, une fois encore, à cette occasion-là, notre désespérant enfermement hexagonal. La large approbation du rapport sur la diversité linguistique, présenté par l’eurodéputé François Alfonsi, porte en lui-même la traduction du blocage anti-basque de l’arc-en-ciel politique français. Sur 700 eurodéputés représentant les 27 Etats de l’Union, 645 ont voté pour, 26 contre et 29 se sont abstenus. Curieusement, parmi les 26 contre nous retrouvons les trois élus du Front national, dont les Le Pen père et fille, tous les UMP sauf Alain Lamassoure qui a voté pour et Jean-Luc Mélenchon.
Comment comprendre ce décalage entre le vote quasi unanime sur nos langues au Parlement de Strasbourg et, à la même heure, les déclarations anti ikastola du fonctionnaire d’autorité représentant le gouvernement français sur notre territoire? L’élaboration des ripostes du mouvement basque peut-elle ignorer la dichotomie des pouvoirs dont nous relevons, depuis que la construction de l’Europe entame, peu à peu, le pouvoir de Paris, organisant, au mieux accompagnant, notre disparition?
S’il nous faut être présents au plus près de la gestion de la vie publique en participant aux élections municipales de mars prochain, il est non moins nécessaire de ne pas négliger le scrutin suivant, celui des européennes de mai 2014. D’autant que le traité de Lisbonne change fondamentalement la donne de l’exécutif de l’Union. En effet, dorénavant, le président de la Commission, actuellement Manuel Barroso, sera élu par le Parlement européen où chaque famille politique présentera, sur l’ensemble des 28 Etats membres, son candidat à cette charge. Outre le vote du budget, ce sera une première ingérence de l’assemblée démocratique de l’Europe communautaire dans celle, intergouvernementale, des Etats qui, jusqu’ici, à travers le Conseil, gère l’essentiel de la réalité européenne. Nous sommes parvenus aujourd’hui à cet entre-deux —Europe des Etats ou Europe communautaire— où l’obstination et le talent d’un eurodéputé parvient à faire entendre la voix des langues minoritaires.
Pour cela, il a mené un long et remarquable travail de lobbying auprès de l’intergroupe composé d’une quarantaine de députés de toutes tendances politiques. L’habileté politique consista à positionner la question des langues menacées sur le terrain patrimonial. Bonne inspiration, puisque le Parlement européen rechignait à intervenir dans un domaine jugé hors de sa compétence. Les langues devenant patrimoine européen, l’UE était de fait habilitée à agir. L’argument a fait mouche et réussi à convaincre la présidente allemande de la commission Culture, élue de droite, jusque-là réfractaire. Il aura fallu deux ans de travail constant et près de 174 amendements pour enlever, le 18 juin dernier, l’adhésion de la commission Culture et l’inscription à l’ordre du jour et au vote en assemblée plénière.
Le rapport considère que les langues sont égales en valeur et en dignité et que les sociétés multilingues sont plus fortes en cohésion. Seul bémol, ces recommandations ne sont pas légalement contraignantes puisqu’ aucun traité européen ne reconnaît le domaine linguistique. C’est pourquoi, le tribunal européen ne peut en juger. La France notamment, s’y est toujours opposée au nom de l’exception culturelle. En revanche, la promotion des langues menacées peut désormais bénéficier des fonds européens (FEDER, FSE …). Seaska devrait, par-dessus l’épaule du sous-préfet, y regarder de près.