“On ne va pas subir le poids croissant des logements vacants et des résidences secondaires”

AlainIRIART

Entretien Alain Iriart  – Maire de Saint-Pierre-d’Irube

La commune de Saint-Pierre-d’Irube a produit une analyse critique du Plan local de l’Habitat (PLH) de la Communauté d’agglomération Pays Basque en relevant des incohérences dans le scénario proposé et en soulignant l’impact des résidences secondaires et des logements vacants qui excluent du marché immobilier la majorité de la population locale. Alain Iriart, maire de la commune, défend un “plan massif” de réhabilitation des logements vides à usage de résidence principale et une diminution des constructions neuves qui favorisent la prolifération de résidences secondaires.

Quel bilan tirez-vous de la situation de l’habitat au Pays Basque ?

Aujourd’hui la population nous dit “vous construisez trop, on ne peut plus acheter et le prix des loyers est trop élevé”. Au-delà de ce ressenti, dans les faits, quand on regarde le bilan de ce qui s’est passé ces dernières années et en particulier les cinq années étudiés dans le document du PLH, c’est entre 2010 et 2015 que les plus grands déséquilibres ont eu lieu.

S’il y a beaucoup de constructions, pourquoi les prix augmentent-ils ?

Les prix augmentent et privent finalement les locaux de l’accession à la propriété ou de locations dans du logement classique. Aujourd’hui, dans les constats réalisés, l’accession à des logements neufs ne s’adresse plus qu’à 30% de notre population. Ce qui veut dire que 70% des habitants sont exclus de ce marché à cause du prix…

L’accession à des logements neufs
ne s’adresse plus qu’à 30% de notre population.
Ce qui veut dire que 70% des habitants
sont exclus de ce marché à cause du prix…

Ces logements s’adressent donc à une population de nouveaux arrivants ?

Voilà ! Ces logements s’adressent à 30% de la population qui peut encore acheter et à une population plus fortunée, qui vient d’ailleurs, compte tenu de l’attractivité. On est au centre de paradoxes très importants et il ne suffit pas de dire : “on refuse la population qui vient de l’extérieur”. Si elle vient travailler, vivre et participer à la vie de ce pays, bien sûr, il faut qu’elle le fasse, mais aujourd’hui l’importance des résidences secondaires et du logement vacant déstructure et augmente de façon très importante les prix.

On disait pourtant que, si on construisait beaucoup, le prix n’augmenterait pas. On n’a jamais autant construit qu’entre 2010 et 2015 et le prix a augmenté, rien qu’entre 2015 et 2018, de 20%. C’est la moyenne au Pays Basque.

On n’a jamais autant construit
qu’entre 2010 et 2015
et le prix a augmenté,
rien qu’entre 2015 et 2018, de 20%.
C’est la moyenne au Pays Basque.

Le déséquilibre est profond et bien sûr, il est dû à notre attractivité. Les résidences secondaires pèsent sur ce marché. Si on adopte le scénario préconisé, on passe de 41.000 résidences secondaires à 51.000, soit 10.000 de plus pendant le temps d’application du PLH et on passe de 11.689 à 13.829 logements vacants.

On construit donc et on laisse des logements sans utilisation. Il faut pouvoir louer ou vendre à des prix accessibles pour ces 70% qui aujourd’hui ne peuvent pas accéder au marché. Le constat est fait. Il faut en tirer des conclusions. Il faut des orientations fortes qui aient la volonté d’inverser ce mouvement qui est subit.

Pensez vous que cette proposition de PLH autorise trop de constructions ?

Au final, ce déséquilibre qui est créé par la résidence secondaire conduit à construire trop de résidences neuves puisque sur les 2777 logements par an qui sont préconisés, 892 sont destinés à devenir des résidences secondaires. Si on réduit par cinq cette préconisation et en réduisant également les 238 logements vacants que l’on continue à constater, si l’on enlève 1.000 logements on se retrouve à 1777, c’est à dire un scénario que nous proposons autour de 2000. Ce chiffre est important car si nous disons qu’il faut faire 60% de logement locatif ou en accession sociale, contre 47 dans le PLH, il nous permet, même si on diminue le nombre de logements neufs, d’atteindre les 1200 logements locatifs et en accession sociale. C’est un point d’équilibre grâce à la réduction des résidences secondaires.

Tous les constats disent qu’il y a trop de constructions. 37.000 habitants sont arrivés ces dix dernières années et on en prévoit 39.000 de plus dans dix ans.

Tous les constats disent
qu’il y a trop de constructions.
37.000 habitants sont arrivés
ces dix dernières années
et on en prévoit 39.000 de plus dans dix ans.

Des populations très importantes s’installent, sur une bande côtière, sans donner de réponse, en terme d’accession, aux populations locales et aux moins fortunés. Sur le terrain, je vois tous les jours des jeunes couples qui travaillent et ne peuvent acheter un appartement ou une petite maison. Le fameux parcours résidentiel, qui a existé il y a une quarantaine d’années, n’existe plus aujourd’hui. Le constat est sévère. Seul 30% de la population peut accéder à un logement compte tenu des prix qui sont pratiqués dans le territoire. C’est un vrai enjeu de territoire, donc il faut vraiment envoyer un message à la population et se donner les moyens de faire évoluer la législation pour mieux encadrer les loyers et donc réorienter nos aides publiques pour mettre l’accent sur la rénovation et la résidence principale.

Le Plan local de l’habitat qui est proposé au vote reproduit en quelque sorte les vieilles recettes ? 

Exactement. Ce qui est proposé en terme de résidences secondaires, c’est 892 résidences secondaires, alors qu’il y en avait 911 entre 2010 et 2015, c’est à dire qu’on repart avec le même poids. Le poids de la résidence secondaire et du logement vacant représente plus de 40% de la construction neuve. Une fois qu’on a assumé la résidence secondaire et le logement vacant, il faut en plus construire. De façon très importante et à des prix plus élevés puisque tout le marché est tiré vers le haut, pas simplement du fait de l’attractivité mais parce que les résidences secondaires déstructurent, avec un pouvoir d’achat supérieur, tout le reste du marché.

Parmi les solutions il y a donc cette incitation à aménager les logements vacants et à les destiner à la population locale…

A la population actuelle en priorité, bien sûr, avec des aides importantes et massives. Il s’agit de doubler le nombre de réhabilitation de logements vacants, sous condition d’aide pour qu’ils soient destinés à la location ou à la vente à titre de résidence principale. Il faut une action très forte, même si on n’a pas tous les moyens législatifs aujourd’hui, pour faire en sorte que le poids de la résidence secondaire soit divisé par cinq. C’est un des éléments clé qui déstructure la situation de l’offre. Bien sûr il faut continuer à produire des logements à prix accessible ou sociaux mais il vaut mieux parler de prix accessible ou accession sociale aujourd’hui avec le Bail réel solidaire, que l’on pourra mettre en œuvre de façon très importante.

Dans la catégorie sociale il y aura l’accession à prix maîtrisé et également la production de logements locatifs sociaux, pas simplement pour rattraper le manque de logements sociaux, mais pour permettre à ceux qui vivent et travaillent ici de pouvoir bénéficier d’un logement.

Il ne faut pas que cette population soit uniquement cantonnée à une accession dite sociale. Il faut aussi qu’elle puisse accéder à la propriété ou louer dans le parc dit classique.

Le bail réel solidaire est un dispositif qui permet de conserver la vocation sociale d’un logement ?

Oui et qui évite également la spéculation sur ces accessions. Le prix de revente est encadré. On entre dans un système encadré. C’est le seul moyen qui permet aujourd’hui à des gens d’acquérir un logement à un prix plus bas que le marché mais en évitant ensuite les spéculations importantes dont nous sommes victimes, compte tenue de notre attractivité.

N’est-il pas compliqué de s’attaquer aux logements vacants ?

Il est difficile de s’attaquer aux logements vacants, c’est-à-dire des logements qui n’en sont plus car ils ne sont pas occupés. Il s’en réhabilite tout de même 700 par an, mais l’objectif serait de diminuer la part de ces logements, parfois insalubres, d’avoir un plan massif de réhabilitation, ce qui veut dire des aides spécifiques, pour réhabiliter la fonction du logement à condition qu’il soit loué à titre de résidence principale. Ces dispositifs existent déjà et doivent être renforcés. La nouveauté, c’est de dire qu’il faut un plan d’aide massif, ce qui implique de mettre suffisamment d’argent pour que ce soit incitatif pour les particuliers et que tout le monde soit en situation de le rénover ou de vouloir le louer.

Est ce que la loi permet de distinguer résidence principale et résidence secondaire ?

Toute la problématique est que, dans les moyens qui sont à notre disposition… Il va falloir faire évoluer la loi, il va falloir que des obligations réglementaires sur l’encadrement des loyers soient envisagées rapidement. Toutes les clés pour mettre en place cela, quel que soit le scénario, ne sont pas disponibles. A l’inverse d’un scénario qui continue à déstructurer le marché et répond peu à la demande locale pour augmenter l’impact des résidences secondaires qui augmente le prix d’achat et le prix de location, sur tout le territoire d’ailleurs. Si 90% des constructions concernent le littoral, par ruissellement les prix augmentent en Pays Basque intérieur, y compris dans des zones où il y a beaucoup moins de construction. C’est donc un déséquilibre profond qui est en train de se créer et on ne peut pas avoir pour ambition de laisser se dérouler un scénario qui va provoquer les mêmes effets que dans les années précédentes.

Comment se caractérise la proposition alternative de Saint-Pierre d’Irube?

Ces grandes orientations sont des messages que nous envoyons à la population pour répondre à la demande qui nous est faite. Et c’est aussi un message que l’on doit envoyer à tous les opérateurs et concepteurs.

On ne va pas continuer à subir le poids croissant des logements vacants mais surtout des résidences secondaires qui tirent tous les prix vers le haut, y compris dans les zones où on construit beaucoup plus.

On ne va pas continuer à subir
le poids croissant des logements vacants
mais surtout des résidences secondaires
qui tirent tous les prix vers le haut,
y compris dans les zones
où on construit beaucoup plus.

Ce phénomène là, je le prends sous son angle social. Il pose aussi le problème de l’aménagement du territoire. La population qui s’installe sur les zones littorales entraîne un développement économique, de la production de services supplémentaires et prive a contrario de développement d’autres zones en particulier en Pays Basque intérieur, où des logements pourraient être réalisés à condition d’y mettre des moyens, que ce soit en terme de réhabilitation ou de production et en réorientant nos participations et nos aides.

Pour accompagner le logement, il faut aussi de l’emploi, des zones d’activités, des services à la population.

Cette réorientation du PLH interroge aussi notre volonté d’aménager et de bâtir le Pays Basque.

Un territoire plus harmonieux ?

C’est ça. Et beaucoup plus équilibré. Les populations souhaitent s’installer, à 90% sur le littoral et le littoral est en train d’être saturé, on le voit en termes de mobilité tous les jours. Mais également ces populations nécessitent des écoles, des commerces, des crèches, des activités économiques et privent d’autres territoires de ce développement. Il faut qu’on équilibre cette construction de façon beaucoup plus incitative que ce qui est prévu dans le PLH.

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One thought on ““On ne va pas subir le poids croissant des logements vacants et des résidences secondaires”

  1. Je suis catalan, de Collioure et votre constat est malheureusement le même que pour notre village.Les villages se meurent l’hiver, les travailleurs locaux habitent dans les villages à l’intérieur des terres! Il y en a mare de ces résidences secondaires !Il faudrait que les gérant de logements sociaux permettent l’accession des biens mais avec des conditions très rigoureuses pour éviter les reventes facilement! Restez dans cette optique!

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