Oeuvre collective

DonapaleuL’EPCI aurait-il vu le jour en 2017 sans l’énorme foisonnement et la confrontation d’idées surgies de la grande manifestation du 11 juillet 1991 organisée par le collectif “Avenir du Canton” à Saint-Palais ? Nous sommes en présence du fruit du travail de prospective complexe, tortueux et tenace d’un quart de siècle.

La revendication du département Pays Basque aura certes contribué à faire émerger la nouvelle Collectivité Pays Basque. Mais elle seule n’aurait pas suffi à susciter la création de cet outil XXL sur des bases solides, forgées au prix d’un immense travail collectif.

Il faut remonter au 18 juillet 1991 et faire une halte en Pays Basque intérieur pour en retrouver de solides racines.

Ce jour-là, le canton d’Amikuze (Pays de Mixe, Saint-Palais et 26 communes environnantes) abrita une grande manifestation (1.500 participants) autour de banderoles, l’une portant trois mots : “Avenir du canton”. Syndicats ouvriers, enseignants (CFDT, CGT, FO, FEN), agricoles (FDSEA, CCJA, ELB), parents d’élèves public-privé, Union Commerciale et artisanale, monde associatif, élus… réclamaient “la défense des activités et de l’emploi existants” et la recherche collective de “propositions alternatives”.

En 1990, Saint-Palais avait vu fermer son abattoir, sa salle de découpe moderne (en partie financée sous forme d’usine-relais par Saint-Palais, lourdement endettée), ses antennes locales EDF et douanière !

Sauveur Bacho, ancien syndicaliste CFDT, maire d’Arbérats- Silhègue défenseur de l’EPCI, explique que “le foisonnement né de ce sursaut populaire porta son premier fruit dès septembre 1992”. Et d’ajouter : “Nous ne voulions pas subir ! Nous voulions une redynamisation profonde à partir de la confrontation d’idées entre ouvriers, enseignants, employés, commerçants, agriculteurs, associations, élus, CCI, administrations… Cet échange de plusieurs années a été fructueux”.

Chasser les idées reçues !

Le cri lancé à Saint-Palais trouva un premier écho chez Christian Sapède, sous-préfet de Bayonne. Il lança l’idée d’un Forum de réflexion. Les 14-15 septembre 1992, 152 personnes de tous horizons furent invitées à Saint-Palais autour d’un jeune prospectiviste, Michel Godet, qui se prit au jeu. Des années plus tard, ex-professeur au CNAM, auteur spécialisé dans l’observation de la “France d’en bas”, celle des territoires, le chercheur en parlait encore avec enthousiasme : “Ce fut l’expérience de prospective territoriale la plus intéressante que j’ai faite de ma vie et l’une des plus passionnantes menées en France. Elle a d’ailleurs suscité beaucoup d’écrits et fait école dans l’Hexagone”(1). Le chercheur avait apporté de nouvelles grilles de lecture et des méthodes de travail appliquées à une méthodologie de prospective participative. L’un des exercices consistait par exemple à chasser les idées reçues. Cinq questions préalables devaient être posées: Qui sommes-nous ? Que peut-il advenir? Que pouvons-nous faire ? Qu’allons-nous faire ? Comment le faire?

Pays Basque 2010

Fort de ce bagage, le club de prospective Pays Basque 2010 naquit dans la foulée en 1992. Localement, la démarche de développement partagée avec le syndicat intercommunal à vocation multiple d’Amikuze, (SIVOM auquel succédèrent un District, puis en 1995 la Communauté de communes d’Amikuze) se poursuivait. Pays Basque 2010 devait imaginer des scénarios possibles de sortie de crise. Dans le climat très tendu, les élus étant constamment interpellés par deux questions cruciales : dévitalisation de l’intérieur et aspiration du développement économique par la Côte.

C’était une problématique à laquelle se greffaient de nombreux épisodes de violence et une grande frustration générée par la question institutionnelle toujours irrésolue” rappelle Battitta Bolloquy. “Aucun consensus sur une future institution Pays Basque jusqu’à ce que l’idée avancée en 1982-1983 par la mission interministérielle Ravail revienne sur la table !” Très décriée celle-ci avait proposé aux élus un schéma proche du Conseil de développement dont le principe fut retenu en 1994.

Battitta Bolloquy son directeur jusqu’en 2016, ajoute : “Ce long cheminement avait créé du débat local dans un contexte où les gens non seulement ne se rencontraient pas mais s’invectivaient. Ce processus a heureusement pu se poursuivre jusqu’à rendre possible la création d’un outil aussi complexe que la Collectivité territoriale Pays Basque actuelle, fruit d’une compétence collective rare”.

La communauté de communes
la plus hostile à l’EPCI
aura bel et bien été Amikuze.
Le territoire avait pourtant
une longue pratique de l’action collective :
mouvement coopératif ancien,
SIVOM d’avant-garde
à l’origine de nombreuses réalisations
dont une clinique public/ privé.

Le meilleur exemple

Paradoxalement, la communauté de communes la plus hostile à l’EPCI aura bel et bien été Amikuze(2). 17 communes opposées sur 27. Le territoire avait pourtant une longue pratique de l’action collective : mouvement coopératif ancien, SIVOM d’avant-garde à l’origine de nombreuses réalisations dont la construction d’une clinique public/privé en 1975.

Selon Sauveur Bacho la transformation (réussie) de cette clinique en établissement hospitalier dépendant de l’Hôpital de la Côte Basque à Bayonne, est le meilleur exemple de la complémentarité Côte/Intérieur du pays : “Chacun doit désormais faire valoir ses arguments et ses richesses plutôt que de livrer bataille !”.

L’opposition (conduite par Barthelemy Aguerre, maire de Luxe) a reposé sur la prééminence de personnalités de poids tout en étant liée à la situation géographique d’Amikuze, attenante au Béarn et relativement éloignée du BAB.

Battitta Boloquy propose une hypothèse liée à la nature de la propriété foncière qui prévalait encore dans cette région jusqu’aux années 50-60. “Si on compare les zones d’Amikuze, de même qu’une partie de la région de Bidache et de la plaine de Soule (Etcharry, Viodos…) avec la zone montagne basque, le métayage et le fermage étaient majoritaires dans les premières. Avant de sortir de la tutelle des grands propriétaires le monde paysan y a gagné sa dignité par l’économique, du fait de la nouvelle économie moderne des années 60 venue transformer l’agriculture. Cela, au détriment de l’identité culturelle qui s’est par contre affirmée dans les zones traditionnelles d’élevage. Amikuze me semble-t-il, a généré une classe politique qui ne s’est pas retrouvée dans cette identité-là.

(1) Michel Godet. Dernier ouvrage Bonne nouvelle des territoires. Manuel de prospective stratégique. Cahier 15 du LIPSOR, consacré à l’expérience basque. www.cnam.fr/lipsor  et www.la.perspective.fr

(2) Pas de consensus en Amikuze pour sa représentation à l’EPCI. Sauveur Bacho et le maire de Gabat candidats n’y ont pas été élus face à trois opposants maires de Luxe, Saint-Palais, Arbouet. Ce dernier, président sortant de la communauté d’Amikuze avait néanmoins l’aval du duo Bacho/Prebende pour son “attitude constructive” au sein du COPIL et des commissions.

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