Nouvel exécutif PNV avec le soutien socialiste

PNV&PSE
Andoni Ortuzar, Iñigo Urkullu et la socialiste Idoia Mendia,lors d’une réunion de l’Exécutif précédent.

Les élections régionales du 12 juillet accordent au PNV des coudées plus franches pour diriger la Communauté autonome. La présence de ministres socialistes au gouvernement n’est pas à exclure. EH Bildu en progression donne corps à une future gouvernance issue de l’addition des forces de gauche, sous la houlette des souverainistes. Mais dans un avenir encore bien incertain.

Les résultats des élections du parlement autonome sont à prendre avec des pincettes au regard d’un taux d’abstention considérable, presque 50%. Ils permettent toutefois de dégager des tendances dans l’évolution de la carte politique basque. On s’en réjouira, deux formations basques progressent de façon significative. Le PNV gagne du terrain en nombre de sièges, mais rétrocède assez lourdement en voix. Toujours largement en tête dans les trois provinces, ce n’est qu’en Gipuzkoa que son hégémonie est contestée par les souverainistes. En alliance avec les socialistes, le Parti nationaliste basque atteint désormais la majorité absolue, ce qui n’était pas le cas auparavant. Hier, le fait de devoir négocier avec le PP, puis avec Podemos, l’appui d’un député pour parvenir à faire approuver le budget annuel du gouvernement a forcément compliqué le jeu et limité la capacité d’action des deux leaders PNV, Iñigo Urkullu et Andoni Ortuzar. Le vieux parti va donc poursuivre sa gestion de la CAV, selon un schéma autonomiste et socio-libéral. L’alliance avec un parti socialiste relativement faible dans les trois provinces, qui gouverne la Communauté forale de Navarre et qui a besoin du soutien du PNV pour diriger l’Espagne, donne au PNV une marge de manoeuvre dont il espère bien profiter pour faire évoluer les choses. Mais comme il l’entend, avec un pragmatisme bien connu ou de graves compromissions, comme l’accusent certains. Et en évitant les clashs et les situations de blocage selon le scénario catalan, ou à la manière de Juan José Ibarretxe, porteur d’un projet de souveraineté-association.

L’objectif premier du PNV est la constitution en septembre prochain d’un nouveau gouvernement autonome. Il aura la charge d’élaborer le budget 2021, dans un contexte particulièrement incertain. En Pays Basque comme en Espagne, il jouera la carte de la stabilité et le rôle de l’allié fiable, à condition que ses partenaires y mettent le prix. Iñigo Urkullu menaçait de ne pas participer à la conférence des présidents des autonomies convoquée le 31 juillet par Pedro Sanchez. quelques heures avant son ouverture, un accord a été trouvé entre Gazteiz et Madrid, au sujet de la répartition des fonds européens destinés à la relance économique et concernant le niveau d’endettement d’Euskadi. Miracle de dernière minute comme seul le PNV en a le secret.

EH Bildu progresse et fait de la politique

EH Bildu affiche lui aussi sa satisfaction. En voix et en nombre de députés, il progresse largement. Approcher les 30% de l’électorat est une grande première de son histoire, il conforte sa position de seconde force politique du pays(1). Et surtout il récupère une partie de son électorat de gauche qui s’était égaré vers Podemos. Pour cela, EH Bildu a mis en avant un discours social centré sur les questions économiques, féministes et écologiques, au détriment de ses projets identitaires ou souverainistes. Sans doute, la formation indépendantiste a-t-elle bénéficié le 12 juillet de l’abstention importante, son électorat étant plus militant que celui de ses concurrents. Selon certains enquêteurs qui regardent à la loupe les évolutions socio-politiques, EH Bildu parvient à mobiliser des électeurs plus jeunes, moins marqués par les liens avec ETA et le conflit qui a tant impacté notre pays.

La croissance des abertzale de gauche leur permet de caresser un espoir : un jour, ravir au PNV sa suprématie. Mais nous en sommes encore loin. Il aura donc à coeur de tenter pendant la prochaine législature, de jeter les bases d’un futur pôle de gauche, une majorité progressiste rassemblant sous sa houlette Podemos et PSOE. Mathématiquement et en nombre de députés, une telle majorité est possible, mais comme chacun sait, l’action politique et ses aléas n’ont pas grand chose à voir avec les additions.

Un évènement a ouvert les portes d’une alliance progressiste. Le 20 mai, coup de tonnerre à Madrid : Pedro Sanchez conclut un accord avec EH Bildu et Podemos pour faire approuver une réforme du code du travail votée en 2012 par le PP. La droite se déchaîne et le PNV fronce le sourcil. Il croyait être le seul parti basque fréquentable, seul détenteur en Euskadi d’un monopole, celui des alliances avec les socialistes. Et voilà que tout change, que d’autres scénarios sont possibles, nécessité faisant loi.

Un évènement a ouvert les portes d’une alliance progressiste. Le 20 mai Pedro Sanchez conclut un accord avec EH Bildu et Podemos pour faire approuver une réforme du code du travail votée en 2012 par le PP. Le PNV croyait être le seul parti basque fréquentable, seul détenteur en Euskadi d’un monopole, celui des alliances avec les socialistes. Et voilà que tout change.

Un autre sujet d’inquiétude pour le PNV est la possibilité d’un accord entre le Premier ministre socialiste Pedro Sanchez et Ciudadanos. Le soutien du PNV au PSOE deviendrait ainsi beaucoup moins indispensable. La situation de Pedro Sanchez est à ce point fragile, les difficultés économiques sont si fortes, le contexte social si tendu, que des évolutions inédites deviennent envisageables, au moins provisoirement ; les logiques partisanes deviennent moins prégnantes. De son côté, EH Bildu regarde tout cela d’un oeil intéressé, Arnaldo Otegi et Maddalen Iriarte sont en embuscade, à l’affût des opportunités.

Emaitzak

Le PSOE résiste, Podemos à la peine

En progressant légèrement en nombre de députés (+1), le PSOE sauve les meubles. Il redevient la troisième force politique du pays et récupère l’électorat de gauche non abertzale qu’il avait perdu avec l’irruption de Podemos. Sa marge de manoeuvre demeure étroite, seul un soutien au gouvernement dirigé par le PNV lui permettra de peser sur le réel. Les négociations entre la leader socialiste locale Idoia Mendia et le Lehendakari ont commencé.

Le PSOE aura le souci de corriger la politique trop libérale du PNV et surtout, fera savoir à ses électeurs les points sur lesquels il aura fait valoir ses propositions. La situation des socialistes en Espagne est si délicate que ce soutien en Euskadi demeure un moindre mal dont ils se contentent. Podemos mord la poussière. En nombre de voix et en députés, il perd quasiment la moitié de son influence. Le jeune parti de gauche qui a suscité tant d’espoirs, paie en Pays Basque le prix de luttes fratricides. Elles ont eu pour effet une instabilité énorme de son personnel politique avec quatre secrétaires généraux basques en cinq ans. Les députés Podemos siégeant au parlement de Gasteiz ont offert le triste spectacle de l’incohérence. Ce phénomène s’est généralisé dans toutes les communautés autonomes. Le parti qui a vu à Madrid le nombre de ses parlementaires baisser de 71 à 35, est secoué au sommet par de fortes turbulences. L’heure est au verrouillage et à la recentralisation. Monté trop vite en puissance à la faveur d’une conjoncture inédite, Podemos peine à former des cadres et à s’ancrer dans la durée. Poussés par les circonstances, d’autres partis se sont “podémisés”, selon un néologisme en vogue.

Les effets de la division

L’alliance signée entre le PP et Ciudadanos n’a pas eu les résultats escomptés. La droite espagnole perd la moitié de son électorat. Le PP, principale composante de cette alliance dans la Communauté autonome basque, est victime là aussi de ses divisions internes. Alfonso Alonso, son leader historique local et ex-maire de Gasteiz, a démissionné du parti fin février, en désaccord avec le virage très à droite du parti. Il a été remplacé au pied levé par un vieux de la vieille des années 90, Carlos Iturgaitz. Mais le come back n’a pas pris.

Grâce à l’électorat le plus droitier et espagnolisé propre à la province d’Araba, le parti d’extrême droite Vox fait son entrée au parlement de Gasteiz avec une députée, Amaya Martinez. Son métier ? Elle tient une armurerie, elle vend des armes… ça ne s’invente pas. Euskaldun, elle compte défendre les droits des habitants qui se sentent discriminés parce qu’ils ne parlent pas euskara. Elle a décidé de conduire une liste Vox pour “faire front à la barbarie nationaliste” et aux “héritiers d’ETA”.

Les abertzale se réjouiront de la progression de leur vote, mais il convient de nuancer.

Le PNV va poursuivre grosso modo sa politique gestionnaire et possibiliste, Son propre électorat s’y retrouve et, en alliance avec la mouvance socialiste, il rassemble un bloc important de la sociologie de la CAV. Les aléas, les interrogations et les défis actuels pourraient le pousser à bouger, à accompagner le changement, voire les révisions déchirantes ou courageuses. Son conservatisme qui est aussi celui de sa base sociale le poussera à la prudence. Il essaiera vaille que vaille de tenter de tirer son épingle du jeu avec une politique de petits pas, d’alliance/opposition face à Madrid. Échaudé par “l’aventure Ibarretxe”, puis par son éviction du pouvoir pendant une courte durée (par le socialiste Patxi Lopez Lehendakari, 2009-2012), le PNV veut d’abord conserver le pouvoir sur la quasi totalité des institutions de la Communauté autonome. Pour cela sa propre unité est essentielle, donc pas de vagues inutiles. L’élaboration d’un nouveau statut d’autonomie est dans les tuyaux, mais le bras de fer nécessaire pour le faire aboutir n’est pas à l’ordre du jour. Ce type de projet est utilisé par le PNV lorsqu’il désire soumettre Madrid à un petit chantage, faire monter la pression, rien de plus.

Le chemin parcouru

EH Bildu fait de la politique, de plus en plus. Enfin, peut-on dire. Son poids dans les institutions pèse. On mesure le chemin parcouru : l’époque où ses élus ne siégeaient pas à Madrid, au parlement de Gasteiz et ailleurs n’est plus qu’un lointain souvenir. Au nom de l’Alternative KAS, Herri Batasuna refusait alors de reconnaître l’autonomie imposée par les “pouvoirs de fait”. C’était le temps où cadres et militants de la gauche abertzale osaient affirmer que l’élection à la tête de la CAV d’un espagnoliste de droite, tel que Mayor Oreja serait bien, car ainsi “les choses seront plus claires”. L’arrivée au pouvoir à Gasteiz d’un PSOE, à la faveur de l’interdiction du parti représentant la gauche abertzale, a effectivement ouvert les yeux… Tout cela est donc révolu. Mais gare au retour de ce genre d’errements inouïs, dont les abertzale ne sont pas à l’abri. Nous l’avons vu encore récemment, pas très loin d’ici.

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Le 20 mai, coup de tonnerre à Madrid : Pedro Sanchez conclut un accord avec EH Bildu et Podemos pour faire approuver une réforme du code du travail.

La gauche abertzale est devenue plus lucide, mais la route est longue. Le projet de changement de statut d’autonomie en accord avec le PNV et incluant “le pouvoir de décision”, en d’autres termes le droit à l’autodétermination, semble bien aléatoire, en l’état actuel des rapports de force. Au-delà des progressions possibles ou des opportunités politiques qui peuvent offrir des scénarios d’alliance inédits, il manque à la gauche abertzale, comme d’ailleurs au PNV, un mouvement social d’envergure et déterminé. Il pourrait être porteur d’un vrai changement, comme c’est le cas en Catalogne, avec une société civile non totalement inféodée aux partis et porteuse de dynamisme et d’innovation sociale. Un tel travail de fond entrepris pour faire muter la société basque sur les plans culturels, linguistiques et sociaux déboucherait sur des changements politiques. Mais les abertzale sont pressés, tant leur langue et leur culture sont collées le dos au mur. On ne peut pourtant changer par décret une société placée depuis des siècles sous la domination de deux Etats.

La gauche abertzale est devenue plus lucide, mais la route est longue. Le projet de changement de statut d’autonomie en accord avec le PNV et incluant le droit à l’autodétermination, semble bien aléatoire, en l’état actuel des rapports de force. Il manque à la gauche abertzale, comme au PNV, un mouvement social d’envergure. Il pourrait être porteur d’un vrai changement comme en Catalogne.

La douzième législature issue des urnes le 12 juillet ouvre des perspectives, elle ne changera pas la face d’Euskadi. Mais “impossible” et “jamais” sont deux mots à exclure du vocabulaire politique.

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