Au début de son règne (1830-1848) le roi Louis-Philippe se demande ce qu’il doit faire de l’Algérie, dont la conquête a commencé sous son prédécesseur Charles X par la prise d’Alger le 5 juillet 1830. Pour éclairer sa lanterne, il nomme le 7 juillet 1833 une commission d’enquête qu’il envoie sonder la nouvelle colonie encore embryonnaire.
La commission, tout en restant favorable au maintien de la présence française, remettra au roi un rapport accablant, dont voici un extrait cité par Pierre Montagnon dans son Histoire de l’Algérie, PP. 175-176, Editions Pygmalion / Gérard Watelet à Paris, 1998 : “Si l’on s’arrête un instant sur la manière dont l’occupation a traité les indigènes, on voit que sa marche a été en contradiction non seulement avec la justice, mais avec la raison. C’est au mépris d’une capitulation solennelle, au mépris des droits les plus simples et les plus naturels des peuples, que nous avons méconnu tous les intérêts, froissé les moeurs et les existences, et nous avons ensuite demandé une soumission franche et entière à des populations qui ne se sont jamais complètement soumises à personne. Nous avons réuni au Domaine les biens des fondations pieuses, nous avons séquestré ceux d’une classe d’habitants que nous avions promis de respecter, nous avons commencé l’exercice de notre puissance par une exaction ; nous nous sommes emparés des propriétés privées sans indemnité aucune ; et, de plus, nous avons été jusqu’à contraindre des propriétaires, expropriés de cette manière, à payer les frais de démolition de leurs maisons et même d’une mosquée. Nous avons loué des bâtiments du Domaine à des tiers ; nous avons reçu d’avance le prix dû, et, le lendemain, nous avons fait démolir ces bâtiments, sans restitution ni dédommagements. Nous avons profané les temples, les tombeaux, l’intérieur des maisons, asile sacré chez les musulmans.
“Nous avons envoyé au supplice,
sur un simple soupçon et sans procès,
des gens dont la culpabilité
est toujours restée
plus que douteuse depuis…”
On sait que les nécessités de la guerre sont parfois irrésistibles, mais on devrait trouver dans l’application des mesures extrêmes des formes de justice pour masquer tout ce qu’elles ont d’odieux. Nous avons envoyé au supplice, sur un simple soupçon et sans procès, des gens dont la culpabilité est toujours restée plus que douteuse depuis ; leurs héritiers ont été dépouillés. Le gouvernement a fait restituer la fortune, il est vrai, mais il n’a pu rendre la vie à un père assassiné. Nous avons massacré des gens porteurs de sauf-conduits ; égorgé, sur un soupçon, des populations entières qui se sont ensuite trouvées innocentes ; nous avons mis en jugement des hommes réputés saints du pays, des hommes vénérés, parce qu’ils avaient assez de courage pour venir s’exposer à nos fureurs, afin d’intercéder en faveur de leurs malheureux compatriotes ; il s’est trouvé des juges pour les condamner et des hommes civilisés pour les faire exécuter. Nous avons plongé dans les cachots des chefs de tribus, parce que ces tribus avaient donné asile à des déserteurs ; nous avons décoré la trahison du nom de négociation, qualifié d’actes diplomatiques de honteux guet-apens ; en un mot, nous avons débordé en barbarie les barbares que nous venions civiliser, et nous nous plaignons de n’avoir pas réussi auprès d’eux.”
Je ne ferai pas de commentaire à ce texte français officiel qui conforte ce que je savais déjà sur la conquête de l’Algérie.
Je demande seulement si le candidat Macron a eu raison de déclarer que la colonisation fut un crime contre l’humanité.
A chacun d’apporter sa réponse.
La mienne est dans le texte ci-dessus, complété par le bilan final de la guerre de conquête : 500.000 morts sur une population de 10 millions d’habitants.