Alors que la pression démographique s’accentue fortement sur les zones côtières et rétro-littorale d’Iparralde et que le nombre de résidences secondaires ne cesse de croître, les problèmes de l’accessibilité au logement, notamment pour les jeunes, s’aggravent. Il y a quelques jours, une quinzaine d’élus Euskal Herria Bai du Labourd intérieur se sont réunis en conférence de presse collective afin de lancer une initiative publique sur le thème du foncier et du logement. Son esprit : agir maintenant, tant qu’il en est encore temps.
Il y a quelques jours, une quinzaine d’élus Euskal Herria Bai du Labourd intérieur se sont réunis en conférence de presse collective afin de lancer une initiative publique sur le thème du foncier et du logement. Son esprit : agir maintenant, tant qu’il en est encore temps.
Littoralité excessive
Voici presque une vingtaine d’années, Abertzaleen Batasuna lançait une campagne sur le thème du logement, tirant la sonnette d’alarme devant un marché foncier et immobilier commençant à l’époque à connaître une dérive inquiétante.
Depuis la fin des années 1990, en effet, les prix sur la Côte basque connaissaient une hausse effrénée, et malgré la promulgation en décembre 2000 de la loi SRU, les élus locaux rechignaient à agir.
Le principal argument justifiant l’inaction, au-delà de la très classique attitude “laisser faire, laisser passer”, tenait dans le fait que les prix étaient déjà trop élevés pour pouvoir faire quoi que ce soit. C’est l’une des raisons qui firent, qu’en 2004, AB dirigea son action plus spécifiquement sur la question du logement “volontairement inoccupé” (vacant, saisonnier, secondaire), réclamant notamment qu’une taxation des résidences secondaires serve à financer l’action publique. Il fallut plus de dix ans pour que cette surtaxe soit créée, et encore n’est-elle pas appliquée de manière satisfaisante. Au moins les choses avaient-elles bougé. Une dizaine d’années plus tard, la hausse – sans se démentir – s’est quelque peu atténuée. Difficile, il est vrai, de pouvoir encore augmenter des prix déjà devenus extravagants, en tout cas au même rythme que durant les “fastes” années 2000-2008. Mais le mal est fait : le littoral est d’ores et déjà hors d’atteinte d’une grande partie de la population qui souhaiterait s’y installer, voire même qui souhaiterait simplement s’y maintenir après y être née. Révélateur est le fait que la population de Ciboure ou Biarritz baisse, que celle de Saint-Jean-de-Luz stagne, que les pyramides des âges y prennent l’apparence d’une après-guerre-mondiale. Renverser la vapeur paraît mission impossible, y compris pour nous abertzale qui pourrions demain être en gestion du problème. La situation est parfois tellement caricaturale en termes de prix au mètre carré ou encore de décalage entre taux de logements sociaux et de résidences secondaires, qu’on ne parle plus que de cette frange littorale quand on évoque la question de l’urbanisme au Pays Basque. Pourtant, l’enjeu est devenu bien plus vaste.
Le mal est fait :
le littoral est d’ores et déjà hors d’atteinte
d’une grande partie de la population
qui souhaiterait s’y installer,
voire même qui souhaiterait simplement
s’y maintenir après y être née.
Zone rétro-littorale
En effet, pendant que nos yeux pleurent sur la côte urbanisée, il est un territoire sur lequel se reportent actuellement toutes les frustrations littorales : le Labourd intérieur. Selon une très classique logique de périurbanisation en tache d’huile, les gens qui ne peuvent plus s’installer à Biarritz, Saint- Jean-de-Luz ou Bayonne parviennent encore à le faire à Ustaritz, Cambo ou Urrugne. Si la côte conserve sa situation extrême dans tous les domaines en valeurs absolues, c’est dans cette zone “rétro-littorale” que les tendances sont devenues les plus lourdes et les plus rapides. C’est là que la population augmente le plus, là que les prix augmentent aussi le plus vite, là que les promoteurs peuvent lorgner sur les plus nombreuses et plus vastes parcelles constructibles ; pour le dire vite, le Labourd intérieur est depuis ces dernières années en train de connaître le même mouvement que celui que la côte a connu il y a quinze ans. Or, à l’heure actuelle on continue à se focaliser sur la côte. On y dirige l’essentiel de l’attention et notamment des efforts financiers publics, le plus gros de la boîte à outils réglementaire (pas toujours d’obligation de logement social imposable au regard de la loi SRU, par exemple). Dans les autres domaines de l’aménagement du territoire également, on oublie souvent que cette zone est stratégique : comment se désintéresser à ce point de la ligne ferroviaire Bayonne-Garazi quand on constate le collapse automobile quotidien des entrées de Bayonne, directement lié à l’explosion démographique –mais pas économique– du Labourd intérieur ? Cela en pleine crise climatique.
Agir aujourd’hui
EH Bai a donc proposé d’attirer l’attention sur l’importance de se pencher sur ce Labourd intérieur, qui n’est d’ailleurs qu’une variante parmi d’autres de toutes les zones rétro-littorales françaises, ce qui en fait donc potentiellement le même enjeu hexagonal que celui des résidences secondaires. Est proposée une réflexion générale sur les modalités de développement de ces zones, à plusieurs niveaux dont le premier serait parlementaire (ne serait-ce que pour doter les communes et intercommunalités concernées des outils d’action idoines), le deuxième local (conseils municipaux et communautaire, à l’échelle des PLU et SCOT notamment), le troisième au sein de la population elle-même, concernée au premier plan. Surtout, EH Bai souligne qu’il est important de le faire sans attendre. Le marché aura toujours un temps d’avance sur le politique, et c’est pour avoir dansé tous les étés que les communes du littoral se trouvèrent fort dépourvues lorsque la spéculation foncière fut venue. Ne commettons pas la même erreur en Labourd intérieur, où les prix dans l’immobilier neuf commencent déjà à rattraper ceux de la côte. “Gouverner, c’est prévoir” ; et si “errare humanum est”, “perseverare, diabolicum” (in Recueil de citations commodes pour chroniques d’Enbata).
La propriété c’est le vol! depuis le temps qu’on le dit… Que les multi–propriétaires basques commencent déjà par lâcher un peu et arrêtent de spéculer.
#JihadSocial