L’Édito du mensuel Enbata
Dans un Pays Basque nord qui avait renoncé à être lui-même, la naissance de l’abertzalisme a suscité un renversement de la fatalité. Longtemps minoritaire, en affrontement direct avec le pouvoir central et le notabilisme local, sans possibilité d’agir sur la gestion institutionnelle, il lui a fallu créer une société parallèle sur la base de ses propres valeurs.
L’euskara est interdit à l’école, l’abertzalisme créera la sienne, immersive, pour sa sauvegarde et sa promotion.L’information est commune à l’ensemble de l’Hexagone au service d’un système jacobin ayant son épicentre économico-culturel à Paris, l’abertzalisme créera ses propres médias écrits et audio.L’économie se dévitalise, les emplois sont à chercher hors d’ici, la dépopulation est là, l’abertzalisme recrée alors des emplois par les coopératives ouvrières et une société capital risque. Nos paysans sont contraints à une agriculture contraire à sa vocation spécifique, dessinée par une Chambre béarnaise, l’abertzalisme invite à la création de Laborantxa Ganbara.
Par bien d’autres aspirations aussi, la société basque change et ceux qui la rejoignent veulent en être. De minoritaire, l’abertzalisme s’empare démocratiquement, scrutin après scrutin, de conseils municipaux et au-delà, depuis trois ans, de l’Agglomération Pays Basque où se décident les politiques publiques de nos trois provinces. L’abertzalisme est aujourd’hui partie prenante des institutions locales et cela commence à se voir.
Ceux qui ont déjà remodelé, Saint-Pierre d’Irube, Baigorri, Ustaritz et quelques autres communes ont été rejoints, lors des dernières élections municipales de juin, par quelques autres pour amplifier le mouvement. Leur gestion du bien public devient, en 100 jours, référence dans des domaines jusqu’ici vécus comme des plaies sans remède. A Urrugne, à Ciboure, une nouvelle stratégie de maîtrise du foncier, en s’appuyant notamment sur l’Etablissement foncier public (EPFL), est à l’œuvre, contrariant des projets engagés sous les mandatures précédentes. De même pour l’immobilier jusqu’ici largement livré aux promoteurs. Des annulations de programmes sont en cours entraînant des affrontements possibles. L’augmentation de la taxe d’habitation pour les résidences secondaires, portée au plafond de la loi à 60%, servira à Urrugne, commune de 10.000 habitants, à payer les pénalités de 170.000 euros annuels pour “carence” de la commune en résidences sociales actuellement à 11,63% loin des 25% obligatoires.
Les élus abertzale d’Euskal Herria Bai s’attellent sur place et à l’Agglo Pays Basque, à modifier les règles d’urbanisme pour contenir l’appétit des promoteurs et surtout, rattraper le retard en logements en résidence principale. Tout comme est soulevée, par le biais d’un renouvellement de contrat de l’eau en Soule, l’orientation vers des concessions publiques de ce bien commun, non par le privé mais par la communauté.
Par ailleurs, la nouvelle présidence abertzale de l’Office public de la langue basque (OPLB) s’ouvrant sur un acte majeur, hautement emblématique pour nous, a fait sauter le veto de l’État et obtenu, grâce à sa détermination et sous la menace d’un clash, l’ouverture de la classe bilingue immersive à l’école publique de Basté-Quiéta de Saint- Pierre d’Irube. Et pour cause, autour d’Antton Curutcharry, vice-président de l’Agglo, l’ensemble des collectivités territoriales (Région, Département, Agglo) qui siègent à l’OPLB avaient décidé de claquer la porte et de laisser seul l’Etat et l’Education Nationale autour de la table. La rectrice, Anne Bisagni-Faure, sous ce coup de force, permet enfin l’ouverture immersive bilingue, dès la reprise des vacances de Toussaint. Les émissaires basques ont, en l’occurrence, rappelé au gouvernement sa signature de la convention qui le lie à l’OPLB depuis 2018. Le ciel s’est ainsi éclairci dès lors que le président de l’OPLB, le même Curutcharry, a déclaré “ne pas vouloir être le président du chaos”. “C’est un changement de braquet” dit la sénatrice Frédérique Espagnac, qui depuis des années participe à ces confrontations.
Les abertzale sont désormais à pied d’oeuvre au coeur des institutions. Ils y seront d’autant plus efficaces qu’ils sont soutenus par une société qu’ils irriguent depuis longtemps.
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Xistor est libéré ! La cour d’appel de Paris a accepté le 27 octobre la demande de libération conditionnelle de Frédéric Haramboure “Xistor”, après 30 années d’embastillement pour avoir participé à un commando d’ETA. La joie sera totale avec le retour espéré de ses compagnons Ion Parot, Jakes Esnal et Unai ainsi que la cohorte des presos. Avancée significative dans le processus de paix avec le pardon aux victimes.