L’an 1 de la Kanaky?

A l’issue de la séance solennelle qui s’est tenue ce mercredi 17 février 2021, le 17ème gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a été élu. Après dépouillement des bulletins de vote et comptage des voix, le résultat du scrutin est le suivant :     Pour la liste présentée par le groupe l’Avenir en confiance : 18 voix     Pour la liste présentée par le groupe UC-FLNKS et Nationalistes et l’Eveil Océanien : 16 voix     Pour la liste présentée par le groupe Union Nationale pour l’Indépendance : 14 voix     Pour la liste présentée par le groupe Calédonie Ensemble : 6 voix
A l’issue de la séance solennelle qui s’est tenue ce mercredi 17 février 2021, le 17ème gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a été élu.
Après dépouillement des bulletins de vote et comptage des voix, le résultat du scrutin est le suivant :
Pour la liste présentée par le groupe l’Avenir en confiance : 18 voix
Pour la liste présentée par le groupe UC-FLNKS et Nationalistes et l’Eveil Océanien : 16 voix
Pour la liste présentée par le groupe Union Nationale pour l’Indépendance : 14 voix
Pour la liste présentée par le groupe Calédonie Ensemble : 6 voix

 

La bataille pour l’exploitation stratégique du nickel en kanaky a conduit à la chute du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Mais si les indépendantistes comptaient prendre les rênes de l’archipel dès le premier tour, la politique en a décidé autrement. Le moment n’est peut être pas propice.

Ce n’est plus le climat insurrectionnel de décembre, mais la tension reste forte en Nouvelle-Calédonie où loyalistes et indépendantistes s’affrontent autour du rachat d’une importante usine de nickel. Son propriétaire, la multinationale Vale, souhaite la revendre à un consortium bâti autour du groupe suisse Trafigura, un projet que la formation indépendantiste FLNKS qualifie de “pillage du pays par les multinationales” quand Sonia Backès, Présidente de la Province Sud et chef de file des loyalistes y voit “la seule offre aujourd’hui existante permettant d’assurer la pérennité et le développement du site”. Deux positions antagonistes donc, que j’avais commentées dans ma dernière chronique et qui n’ont guère évolué depuis. Si l’intensité des affrontements est descendue d’un cran dans la rue, ce sont désormais les organisations politiques, et tout spécialement les indépendantistes, qui sont touchées par l’onde de choc. C’est peut-être le résultat du troisième référendum d’autodétermination qui devrait se tenir avant octobre 2022, qui est en train de se jouer.

Nouveau gouvernement

Pour bloquer la vente de l’usine au consortium de Trafigura, qui devait être officialisée le 12 février (elle a été reportée depuis à la mi-mars), les indépendantistes n’ont pas hésité à faire tomber le gouvernement dirigé par le loyaliste Thierry Santa en démissionnant collectivement le 2 février. Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie est formé de onze membres choisis par les 54 membres du Congrès où les loyalistes comptent 25 sièges et les indépendantistes 26. L’Éveil Océanien (EO), qui représente la minorité wallisienne et futunienne se retrouve donc en position de faiseur de roi avec ses trois élus. Et si ces derniers avaient choisi de soutenir Santa lors de la formation du précédent gouvernement, ils ont cette fois-ci opté pour la liste menée par l’Union Calédonienne (UC, l’une des deux composantes du FLNKS). Grâce à ce soutien, les indépendantistes sont pour la première fois majoritaires au gouvernement (six membres sur onze), après une série de 16 gouvernements loyalistes. C’est historique : “l’an 1 de la Kanaky”, pour reprendre les termes du Noumea Post (loyaliste), qui s’en effraie ? Pas si sûr car le vent qui portait les indépendantistes vers le succès s’est brusquement retourné. Selon toute logique, l’UC aurait dû remporter quatre des six sièges indépendantistes et sa tête de liste, Samuel Hnépéune, aurait dû être le premier chef de gouvernement kanak de l’histoire. Mais à la surprise générale, l’UC n’a obtenu que trois sièges, à égalité avec l’Union Nationale pour l’indépendance (UNI, deuxième composante du FLNKS), dont la tête de liste, Louis Mapou, a refusé de se désister. Personne ne s’attendait à un tel résultat et pour cause : l’UNI a reçu deux suffrages provenant d’autres formations : l’un du Parti Travailliste (PT), formation indépendantiste de gauche qui soutenait jusque-là l’UC, et le second… d’un des membres de l’Avenir En Confiance (AEC), la principale formation loyaliste de droite ! Le vote du PT est somme toute prévisible car Samuel Hnépéune, choisi par l’UC pour “rassurer” la population, a tout pour déplaire à cette formation de gauche : président du Medef, ancien dirigeant d’Air Calédonie où il a dû faire face à des mouvements sociaux, il a de plus critiqué les mobilisations contre Vale. “Vous sembliez considérer la position du PT comme acquise à votre groupe” reproche le PT à l’UC, “si vous aviez eu du respect vis-à-vis d’un partenaire […] vous auriez entendu de notre part […] l’impossibilité de voter pour le président de la fédération patronale”.

Coup de Jarnac

Le fait que l’UNI reçoive un vote de l’AEC était par contre complètement inattendu, mais force est de constater que c’est un coup de Jarnac superbement exécuté. En privant l’UC d’un quatrième membre du gouvernement, l’AEC se venge du changement de bord de l’Éveil Océanien en le privant de poste ministériel puisque son représentant occupait justement la quatrième place de la liste. Mais surtout, elle retarde l’élection du président et sème la zizanie au sein du FLNKS… Furieuse après l’échec de la candidature de Hnépéune, l’UC a en effet accusé l’UNI, son partenaire au sein du FLNKS, de “calculs politiciens et de coups politiques”. “Propos mesquins et insinuations mensongères” rétorque l’UNI qui, par ailleurs, constate “l’échec de la stratégie […] de vouloir installer l’ex-dirigeant de l’organisation patronale à la tête du gouvernement” et rappelle avoir en vain “préconisé le dépôt d’une liste commune des indépendantistes”. Alors même que les indépendantistes comptaient profiter de leur arrivée au pouvoir pour asseoir leur crédibilité à l’approche du troisième référendum, cette querelle sur le choix du président est bien malvenue. Indépendamment de cela, le moment n’était peut-être pas propice pour prendre les rênes du pouvoir tant la situation économique de l’archipel est catastrophique : le budget 2021, toujours pas voté, pourrait être placé sous la tutelle de l’État si aucune solution n’est trouvée avant le 31 mars.

Faut-il prendre le pouvoir dès qu’il est enfin à portée de main,
au risque de décevoir par son impréparation,
ou doit-on continuer de mûrir son projet politique
au risque de laisser passer sa chance ?
Ces tiraillements nous sont bien familiers…

Ampleur de la tâche

Dans ce contexte, Daniel Goa, président de l’UC, concède : “nous risquons de payer quelque peu notre précipitation”, et s’interroge : “nous nous réjouissons d’avoir fait tomber le gouvernement Santa, mais mesurons-nous vraiment l’ampleur de la tâche qui nous attend ? […] J’étais de ceux qui préféraient qu’on attende un peu […] afin de nous donner le temps […] de construire un véritable projet alternatif pour la conduite de notre Pays, le temps de discuter de ce projet avec nos partenaires du FLNKS et même avec des représentants d’autres sensibilités politiques”. Faut-il prendre le pouvoir dès qu’il est enfin à portée de main, au risque de décevoir par son impréparation, ou doit-on continuer de mûrir son projet politique au risque de laisser passer sa chance ? Ces tiraillements nous sont bien familiers… Et quand Goa se demande “serons-nous à la hauteur des enjeux ?”, on imagine le vertige qui doit l’envahir en ce moment crucial.

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