La mère des batailles

PLH

Le Programme local de l’habitat, qui s’apprête à être adopté par la Communauté d’Agglomération Pays Basque, aura des conséquences durables sur la politique du logement et plus largement sur l’aménagement du territoire. Or rien ne semble mis en oeuvre pour freiner la construction et s’attaquer aux logements vacants ou occasionnellement occupés. Une anomalie lourde de conséquences sociales et environnementales.

Le mois dernier, je consacrais ma chronique à une idée liée à la problématique du logement, celle d’une mesure législative visant à encadrer les prix de l’immobilier en zones tendues. Pour cette chronique de début d’année, je comptais bien ne pas lasser mes quelques généreux lecteurs avec de nouvelles cogitations liées au logement, surtout à l’heure de souhaiter une bonne année ; mais le mois de décembre m’a laissé penser que cette bataille nécessitait au contraire de ne pas perdre une minute.

PLH

Étant quelque peu rangé des voitures depuis plusieurs mois en matière politique, je dois avouer n’avoir que très peu suivi les débats de la Communauté d’Agglomération, y compris dans le domaine du logement. C’est à l’occasion du dernier conseil municipal de Saint-Jean-de-Luz que ces enjeux me sont revenus à la face avec un avis à donner au sujet du projet de PLH, arrêté depuis le mois de février dernier et bientôt en phase d’adoption.

Le PLH –ou Programme local de l’habitat–, c’est le principal document stratégique fondant la politique du logement au plan communautaire, et fixant notamment des objectifs chiffrés de production de logement pour une durée de six ans.

La finalisation de ce PLH est un moment très important, car il engage notre territoire au sens large pour plusieurs années. Pas seulement six ans mais bien davantage, car si on le met en parallèle avec les autres documents de planification stratégique en cours (entre autres le SCOT, le PCAET, le PDU et les PLUI), et surtout avec le rythme effréné dans lequel la situation foncière change en particulier sur le littoral, ce qui sera fait à court terme aura un impact bien plus durable que les six seules prochaines années.

Or, ce qui frappe essentiellement dans le document soumis au débat et qui est relativement nouveau au regard du paradigme de ces dernières années, c’est le fait qu’il faille à l’avenir produire moins de logements dans la frange littorale (-23%). C’est étonnant quand on sait que l’alpha et l’oméga des politiques du logement était de produire davantage pour répondre à la demande, en particulier depuis que le président Macron avait établi le principe du “choc de l’offre”.

Cela semble donc parfait en façade, sauf qu’en réalité il est prévu d’en construire encore plus de 2.600 par an, alors même qu’il est par ailleurs souligné que les besoins dans les zones rétro-littorale et rurale sont générés par ruissellement de la Côte, où précisément la résidence secondaire joue un rôle de puissante concurrence à la résidence principale.

Alors, produire 2.600 logements par an quand plus de 50.000 sont vides ?

Produire toujours plus ?

À mes yeux, c’est une grande contradiction à la fois sociale et environnementale.

Sociale parce que, comme nous ne cessons de le répéter, le droit d’avoir un logement doit passer avant celui d’en avoir deux et cela doit constituer un préalable qui fait défaut à ce projet de PLH, qui se fonde trop sur de la construction neuve.

Le droit d’avoir un logement
doit passer avant celui d’en avoir deux
et cela doit constituer un préalable
qui fait défaut à ce projet de PLH,
qui se fonde trop
sur de la construction neuve.

C’est aussi une contradiction environnementale car si le PLH évoque le manque de foncier, il oublie que préconiser même de manière “maîtrisée et mieux répartie” de nouvelles constructions entraîne fatalement une consommation supplémentaire de ce foncier déjà manquant, avec tous les effets induits que cela comporte : artificialisation des sols, extension des réseaux, multiplication des mobilités quotidiennes, accès aux services, à la culture ou aux sports rendu difficile puisque lointain, etc.

Franchement, je ne pense pas qu’il soit possible d’approuver un programme de production qui ne prétende pas d’abord corriger ces anomalies, surtout quand elles sont aussi lourdes de conséquences au regard du contexte climatique actuel.

Cela suppose au contraire de remettre en chantier la bataille sur le logement “inoccupé”, adjectif volontairement large qui inclut le logement secondaire, saisonnier et vacant.

Après une dizaine d’années de bataille menées par AB puis EHBai, et par le relais de Sylviane Alaux alors députée, la résidence secondaire avait fini par être rendue sur-taxable.

Mais on le voit aujourd’hui, la mesure n’est pas assez contraignante pour entraîner la remise de ces biens sur le marché de la résidence principale, à peine suffit-elle à abonder des budgets municipaux en souffrance ; il faut donc repartir à la bataille pour accentuer l’effort. Quant aux locations saisonnières, véritables plaies de nos littoraux, il est anormal de laisser localement Max Brisson seul en pointe – je me permets d’ailleurs de le féliciter pour son effort méritoire. Quant à la vacance, c’est un problème aussi ardu qu’essentiel, notamment en Pays Basque intérieur.

Construire pour qui ?

Tout ceci me semble fondamental en amont de toute production. Mais au moment même de produire, il convient aussi de se demander pour qui. Il est prévu dans le PLH que l’effort en matière de nouveaux logements portera sur le logement social, à hauteur d’un peu plus de la moitié des logements, laissant encore le tiers des nouveaux logements à destination du secondaire, ce qui est un comble.

Mais, même en matière sociale, si l’on met en parallèle de vertueux objectifs avec les dispositions de la loi ELAN sur l’accession sociale à la propriété, nous pouvons parier qu’une énorme part des logements en PSLA (Prêt social location-accession) de demain deviendront les biens en revente –hors de prix– d’après-demain, accentuant sur le littoral mais aussi dans tout le Labourd intérieur les dérives que nous connaissons aujourd’hui. Il faut une part d’accession sociale, c’est évident, mais il faut aussi préciser qu’elle doit être mieux encadrée voire quasi systématiquement produite sur des modalités de type BRS (Bail Réel Solidaire) ou baux à long terme.

Bref, ce PLH, qui va nous engager pour plusieurs années dans des logements qu’on ne pourra pas détruire ensuite, pose de sérieux problèmes de fond. Dans le contexte actuel, laisser passer ce projet, puis les SCOT et autres PLUI qui seront forcément à l’avenant, serait une irresponsabilité sociale et environnementale, et serait fuir ce qui me paraît être aujourd’hui la mère des batailles en termes d’aménagement du territoire.

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10 thoughts on “La mère des batailles

  1. Une politique expansionniste. Toujours plus de bêton sans aucun contrôle des prix.

    Un grand merci au président de l’agglo Jean-René Etchegarray! Et il fait encore pire à Bayonne. Par contre pour poser un parpaing devant la sous-préfecture il est là! Il est de toutes les luttes pour les presos mais viole ce pour quoi ils se sont battus. Abertzale reveillez-vous, EH ez da salgai

  2. Né à Bayonne d’une mère pure basque, et d’un père reconnu comme bascologue, je suis propriétaire du “Château du Vigneau” à Bayonne inscrit en totalité aux monuments historiques (ISMH) depuis 2009, en même temps que le phare de Biarritz et le fort de Socoa. Je réside à Bayonne bon an, mal an, entre 45% et 85% (en 2020) de l’année, notamment pour effectuer des travaux de sauvegarde et d’entretien de cette maison. Je suis surtaxé au niveau de la taxe d’habitation, étant considéré possédant une résidence secondaire. Ne serait-il pas normal de faire un effort en faveur des particuliers qui s’attachent à préserver des éléments du patrimoine ?
    Gilles Schmidt-Lissarrague
    (A noter que les locaux d’Enbata, rue des Cordeliers, sont loués par ma tante, soeur de ma mère).

    1. “A noter que les locaux d’Enbata, rue des Cordeliers, sont loués par ma tante, soeur de ma mère”

      Cela peut vouloir dire : “Attention à ce que vous me répondez !”

      1. Pas du tout et loin de moi toute idée de chantage. Au contraire, j’apprécie beaucoup vos positions en général et merci pour tout ce que vous faites.
        Mais entre les “touristes” qui achètent des résidences secondaires à prix d’or, empêchant les locaux de se loger et les natifs du pays qui cherchent à préserver un bout de patrimoine à leurs frais (et à la retraite, ce n’est pas toujours facile) et sans demander aucune aide, jl serait bon de faire une certaine différence.

      2. Je reviens sur votre réflexion : désolé que vous semblez le prendre mal, mais il ne s’agit de ma part, que d’un simple signe d’authentification envers Enbata, dont j’apprécie et je partage (et fais partager) les prises de position.
        En ce qui concerne cet article, je constate qu’aucune différence n’est faite entre les résidences secondaires des « estivants », et les maisons d’enfants du pays (même si la vie professionnelle les en éloigne). La sur-taxation est d’autant plus injuste dans le cas d’une maison ISMH en totalité, car sa conservation et son entretien, imposent de gros sacrifices aussi bien financiers que de confort (pas de gaz, pas de chauffage, pas de tout-à-l’égout, obligation de passer par des entreprises agréées, pas de subventions…).
        En échange, une inscription ISMH donne un rayon de protection de 500 mètres, ce qui permet d’éviter des constructions anarchiques et de préserver l’environnement. Comme l’a souligné très justement un responsable de la Mairie de Bayonne, suite à un litige que j’ai eu avec l’un de mes voisins, nouvellement émigré, qui voulait me faire couper mes arbres centenaires : « …émettre un avis personnel de “l’homme de l’art” concernant la valeur esthétique de la bordure végétale de votre allée. Ci celle ci participe activement à l’image même du caractère bourgeois du château et ce à titre individuel de l’immeuble. Cette bordure est aussi intéressante dans l’image urbaine plus générale du site, en introduisant une rupture visuelle dans un lotissement hétéroclite en termes d’époque de construction, formant une sorte de “bulle” d’histoire protégée. ». Il en est de même pour le reste de mon terrain que j’au pu faire inscrire en « espace vert protégé », malgré les demandes pressantes de nombre de promoteurs de tous poils.
        Bien cordialement.

        1. Faire une différence entre ”natif” et expatrié ne serait tout simplement pas constitutionnel. Les corses ont essayés en 2012, avec un projet de loi réservant l’accès à la propriété au résident permanents et cela à vite été avorté.

          Néanmoins, merci de veiller au patrimoine Bayonnais.

  3. Un vrai scandale auquel nous sommes de plus en plus nombreux à trouver cela insupportable, cela s’appel de l’expropriation, nos enfants ne seront pas tous notaire, avocat… pour se payer des loyers aussi exorbitants.
    Mr Jean-René Etchegarray est le président de qui? surement pas des basques.
    Communauté “pays basque”, ce n’est que du marketing.
    Certains Maires doivent se frotter les mains lorsqu’ils voient débarquer des millionnaires dans leurs communes, cela relève le niveau, un autre standing que cela des autochtones.
    Un des rares endroit ou il y a encore une vrai culture va se faire laminer en quelques décennies par la loi du marché.

  4. Avoir contribué à l’élection de Jean René Etchegaray à Bayonne et à la CAPB ne veut pas dire qu’on lui donne un chèque en blanc. Au contraire. Ses décisions en matière d’immobilier à Bayonne, en Iparralde, mais aussi dans bien d’autres domaines, dépendront aussi de l’action des élus et des militants abertzale, de la qualité de leurs analyses et de leurs propositions, de leur capacité à associer et convaincre d’autres élus et d’autres courants de ce pays. Et de limiter l’action des Alzuri, Olive, Arosteguy, Hirigoyen et cie qui sont nos véritables adversaires.
    Je suis très heureux que Peio Etcheverry-Ainchart pose à nouveau les termes du débat dans un remarquable article paru dans Enbata qui, je pense, sera un des forums où ces questions continueront à être débattues, où des propositions alternatives vont s’élaborer. Ce n’est pas en se disputant entre nous ou en remâchant nos ressentiments les yeux tournés vers le passé, que nous parviendrons à faire basculer les choses dans le sens que nous souhaitons. Il convient d’abord de rassembler nos forces pour avancer sur ce chantier.

    1. Ma ville, c’est Bayonne. Et dans celle-ci, le maire JR Etchegarray à donné un avis allant au dela du plan local de l’habitat de l’aggllo. Celui-ci prévoyais la construction de 250logements/an, il en veut 400 et tout cela en réduisant le pourcentage d’habitat social. Les faits sont là.

      Les figures ezker abertzale de tout l’iparralde, enbata le premier, ont participé à l’élection d’un fou du béton et de la gentrification. Pourtant il avait un passif. Pourtant il y avait une alternative. Mais vous n’avez malheureusement pas pu regarder plus loin que vos propres intérêt.

      1. C’est sûr que cela aurait été mieux avec Etcheto….Être pro-LGV comme lui, cela implique d’être prêt à faire exploser encore plus le prix du foncier en créant un appel d’air phénoménal pour que des gens de Bordeaux ou de Paris viennent s’installer ici, pour y vivre ou juste pour y passer leurs week-end. Cela suppose d’avoir une vision de l’aménagement territorial complètement à l’opposé des modèles soutenables et équitables.

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